Intervention de Florence Parly

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 mars 2021 à 17h00
Audition de Mme Florence Parly ministre des armées

Florence Parly, ministre des armées :

Vous me reprochez, monsieur Perrin, de ne pas avoir répondu convenablement à vos questions, je l'entends - et c'est pourquoi je viens de communiquer à la commission un document qui, je l'espère, permettra de progresser dans la qualité des réponses qui sont fournies. Nous voulons tous que nos armées bénéficient des engagements qui ont été pris très solennellement dans de cadre de la LPM que vous avez très largement votée.

Nous voulons tous avancer. Je n'ai rien caché, j'ai fait valoir des arguments, nous avons débattu, une décision a été prise et annoncée par le Président de la République lors de ses voeux aux armées. Il a indiqué souhaiter que nous trouvions les bonnes modalités pour associer les parlementaires à cet exercice. Notre réunion d'aujourd'hui marque la première étape, peut-être d'une série, mais je ne veux pas me substituer à votre initiative, c'est vous qui en déciderez - je me plie avec plaisir et très volontiers à ces séances de travail, qui, je crois, ont pour vocation d'éclairer la représentation nationale et qui sont essentielles pour que chacun ait la conviction et la preuve que les engagements pris sont tenus. Je ne voudrais pas revenir sur le passé, mais vous savez que cela n'a pas toujours été le cas, tant s'en faut ! Mais depuis 2017, la mission « Défense » n'a cessé de progresser, de 7 milliards d'euros en niveau par rapport à 2017, en masse, c'est 18 milliards d'euros de plus au moment où l'on se parle. Je ne parle même pas des annuités qui sont à venir. C'était indispensable et, c'est important de le souligner, nous exécutons le budget de façon conforme, nous le vérifierons encore ensemble dans le cadre de la loi de finances rectificative, et ce malgré les perturbations dues à la crise sanitaire. Je ne reviens pas sur la méthode, chaque assemblée, l'Assemblée nationale d'un côté, le Sénat de l'autre, définira souverainement la méthode pour que nous travaillions ensemble. Ces questionnaires sont l'amorce d'un débat et, s'il y a des questions complémentaires, nous restons bien évidemment à votre entière disposition pour y répondre. .

La propriété intellectuelle dans le cadre du SCAF fait l'objet de discussions en cours. Des situations comparables ont été réglées pour d'autres programmes de coopération, par exemple de manière assez récente pour l'eurodrone. Je ne vois pas pourquoi ce qui a pu fonctionner pour l'eurodrone ne fonctionnerait pas pour le SCAF. Évidemment nous veillerons à ce que la propriété intellectuelle, constituée année après année par des industriels talentueux, ne soit pas considérée comme facilement acquise. En revanche, la propriété intellectuelle qui sera construite par la coopération a vocation à être partagée.

Les investissements que nous allons consentir dans le cadre du SCAF devront être parfaitement cohérents avec nos besoins dans le domaine de la dissuasion. C'est une évidence ! Rien dans nos discussions actuelles ne laisse présager de difficultés pour intégrer ces spécificités. Je vous propose de nous donner rendez-vous très prochainement pour faire un point sur l'aboutissement des discussions qui ont lieu entre les industriels, dans le respect des principes que j'ai rappelés dans mon propos liminaire.

Des besoins nouveaux émergent sur le programme 146, l'exercice de revue stratégique que nous avons conduit le montre bien. Comment y répondre à enveloppe constante ? C'est notre travail et notre défi d'y parvenir et nous avons, pour nous y aider, l'avantage de la programmation pluriannuelle. Nos programmes sont des programmes de long terme et nous avons besoin, pour des investissements sur d'aussi longues durées, d'avoir cette visibilité pluriannuelle. Année après année, dans le cadre des révisions que nous faisons, dans le cadre de l'A2PM, nous vérifions que nous tenons bien les programmes et nous identifions les programmes qui peuvent être amenés, pour des raisons très variées, à prendre un certain retard pour permettre de redonner des marges de manoeuvre dans d'autres secteurs. C'est d'ailleurs ce qui nous a permis en 2020, dans le cadre de la crise sanitaire, de pouvoir identifier des moyens à enveloppe constante pour contribuer au plan de soutien aéronautique.

Cela ne veut pas dire que nous allons renoncer à des investissements qui interviendront un peu plus tard. Mais cela permet d'être certains que tous les euros qui nous sont consentis année après année, plutôt que de créer des reports sur le futur, ont un impact immédiat et direct au moment où notre économie et notre industrie en ont besoin. Cet exercice d'A2PM est extrêmement important pour permettre d'identifier les marges de manoeuvres dont nous disposons à l'instant T pour pouvoir réallouer temporairement sur les programmes qui sont en situation de pouvoir avancer plus vite des crédits qui sont normalement alloués à d'autres programmes. Ceci se fait sous le contrôle étroit du Parlement et du ministère des finances. Je ne crois pas qu'il y ait de crainte à avoir sur la manière dont nous pilotons ces crédits et la façon dont nous pouvons identifier des moyens supplémentaires à l'intérieur d'une enveloppe qui elle est finie, c'est l'enveloppe de la loi de programmation militaire et de la loi de finances annuelle.

Nous avons identifié un certain nombre de besoins nouveaux, Nous ne pouvons pas toujours tout prévoir. Voyez par exemple la vente de Rafale à la Grèce. Cela n'était pas attendu. Nous nous en réjouissons. La conséquence de cet export, c'est que nous allons devoir remplacer les Rafale que l'armée de l'air et de l'espace va transférer à l'armée de l'air grecque. Mais nous avons obtenu que les produits de la cession soient intégralement restitués au ministère des armées. Nous avons devant nous un programme lourd, mais qui était connu, celui de la rénovation des chars Leclerc. On ne peut pas dire que la LPM découvre des programmes et des coopérations que nous avions annoncés, tels que le SCAF ou le MGCS, ou le porte-avions de nouvelle génération. Ce sont des capacités nouvelles à horizon de 20 ou 30 ans dont nous démarrons les études et que la LPM avait intégré dès le départ. Les investissements essentiels liés à ces programmes relèvent plutôt d'une LPM future, mais les crédits d'études dont nous avons besoin aujourd'hui participent bien de l'actuelle loi de programmation. Pour ce qui est des besoins nouveaux identifiés sur le programme 146, j'entends ne pas leur sacrifier les investissements que nous avons souhaité consentir ensemble à hauteur d'homme, car c'est ma priorité absolue.

S'agissant de Sentinelle et de la protection de nos soldats en général, nous adaptons Vigipirate, qui avait été relevé au niveau maximum après les attentats fin octobre et que nous ramenons au niveau de sécurité renforcée, soit un niveau adapté à celui de la menace terroriste. Nous adaptons Sentinelle, en passant à 3 000 militaires engagés en permanence avec une capacité de 4 000 hommes mobilisables après un très court préavis.

Nous protégeons aussi nos soldats dans le cadre de la pandémie. Nous nous souvenons des difficultés rencontrées au printemps dernier. Ainsi lorsque nous avons travaillé à la politique de vaccination du ministère, en parfaite cohérence avec la stratégie vaccinale nationale, nous avons pris en compte un certain nombre de particularités des forces. Par exemple, le départ du porte-avions dans le cadre de Chammal nécessitait la vaccination de la totalité de son équipage. Il en a été de même pour l'équipage du SNLE partant en mission. Nous avons réservé les doses - dont nous disposons encore en trop faible nombre - aux militaires embarqués sur les navires, les porte-avions et les sous-marins, sachant que tout le personnel embarqué doit être vacciné.

Les crédits réservés à l'entretien programmé des matériels ont une importance cruciale après des années de fuite en avant où l'on a surtout recherché à disposer de matériels nouveaux. Nous essayons désormais d'investir dans les matériels nouveaux, mais aussi de mieux prendre soin des matériels en usage, trop souvent immobilisés par manque de pièces et autres causes. Nous avons fait un état des lieux dans les domaines aérien, naval et terrestre. Nous mettons en place une stratégie dans chacun de ces trois domaines pour remonter le niveau de disponibilité de ces équipements. Elle s'accompagne d'un effort budgétaire bien réel, prévu par la LPM : entre 2017 et 2021, les crédits consacrés à l'EPM ont progressé de 20 %, pour atteindre en 2021 4,1 milliards d'euros. Cet effort budgétaire conséquent doit se traduire en termes d'amélioration de la disponibilité des équipements. Dans l'aérien, par lequel a commencé l'effort, nous avons vu les premiers éléments positifs sur les flottes d'hélicoptères, en particulier les Fennec et les Caracal. Nous achevons la renégociation de contrats « verticalisés », qui prévoit un industriel responsable de l'entretien global par flotte. Ce travail n'est pas encore achevé mais pour les contrats déjà mis en oeuvre, les résultats s'inscrivent bien dans la trajectoire que nous avons souhaitée. Cela fait sans doute partie des sujets sur lesquels, dans le cadre des questions que vous nous posez, vous approfondirez votre propre analyse. Ils sont au coeur de nos préoccupations.

Respectons-nous nos engagements pris dans le cadre de l'OTAN ? Notre trajectoire est conforme, même si les choix étaient moins dictés par l'OTAN que par les besoins de nos armées. Il y a de nombreuses années que la France consacre au moins 20 % de son budget à l'investissement et nous sommes sur la trajectoire des 2 % du PIB en 2025. Cependant, ces 2 % ne sauraient constituer notre seule boussole, car dès 2020, compte-tenu de l'évolution du dénominateur que constitue le PIB, nous constaterons sans doute que nous avons atteint cet objectif avant l'heure. Pour autant, nos armées auront-elles réalisé le rattrapage et la remontée en puissance que nous avons tous souhaité ? La réponse est non et il faudra donc poursuivre l'effort. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cet objectif de 2 %, s'il doit rester notre repère, a montré qu'il ne peut être la seule boussole de la remontée en puissance.

Les recrutements ont continué malgré la crise sanitaire : 21 400 militaires ont été recrutés l'an passé. C'est conforme au plan de recrutement et à notre trajectoire, comme vous pourrez le constater dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Cependant, les flux de départs se sont ralentis en 2020, manifestement du fait du contexte économique.

Les problèmes du logiciel Louvois sont derrière nous, j'en suis heureuse. Nous avons basculé progressivement vers le logiciel Source Solde et en avons terminé en janvier dernier. Désormais, les quelque 250 000 militaires reçoivent leur solde de manière fiable, juste et satisfaisante. C'est une victoire, mais c'est le minimum que l'État leur doit.

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