Intervention de Florence Parly

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 mars 2021 à 17h00
Audition de Mme Florence Parly ministre des armées

Florence Parly, ministre :

Le président de Dassault Aviation l'a dit, cette coopération s'avère plus difficile à trois qu'à deux. C'est pourquoi nous avons voulu consolider la coopération à deux sur le SCAF avant de l'ouvrir à d'autres partenaires. Nous faisons de même pour le char de combat. Beaucoup de pays souhaitent rallier ce projet et il nous semble que le moment n'est pas encore venu. Le moment viendra d'une ouverture plus grande, mais il n'est pas encore venu. Pour le SCAF, on peut toujours se dire que le moment n'était pas le bon pour associer un nouvel État. Mais il faut aussi examiner la participation à l'échelle des industriels, or l'un d'entre eux est au moins trinational : Airbus a une composante allemande et espagnole, en plus de Dassault. C'est une donnée avec laquelle nous devons composer.

J'espère que nous trouverons le bon accord qui permettra à ces industriels de travailler de manière harmonieuse et efficace. Il sera intéressant de voir également quelles conclusions retireront les personnalités allemandes auditionnées par vos homologues de l'Assemblée nationale. Le Parlement français a autant sa place que le Bundestag pour s'exprimer sur ce sujet.

Concernant l'autonomie stratégique européenne, la question est de savoir si nous voulons continuer à exister collectivement dans un monde marqué par la crise du multilatéralisme et la compétition entre la Chine et les Etats-Unis. Nous recherchons l'émergence d'une culture stratégique européenne pour être en mesure d'agir si cela s'avérait nécessaire. Cela passe par des décisions et des projets en matière de coopérations dans le domaine capacitaire et dans la construction d'une base industrielle technologique et de défense européenne ainsi que par des engagements opérationnels. L'Europe mène aujourd'hui 6 opérations dont les missions de formation de l'Union européenne en République centrafricaine (EUTM-RCA) et au Mali (EUTM-Mali). Cela passe aussi par l'initiative européenne d'intervention que nous avons portée sur les fonts baptismaux et qui vise à créer les bases indispensables à ces futurs engagements communs.

Sur le volet maritime et la présidence française début 2022, il s'agit d'un sujet majeur pour l'Europe de la défense en réalité assez consensuel. J'ai évoqué à cet égard la présence européenne coordonnée qui va faire l'objet d'une expérimentation dans le golfe de Guinée. Chacun comprend que l'espace maritime est un espace de libre circulation qui recèle des ressources à protéger des trafics et pillages et au sein duquel nous veillons à faire respecter le droit international. L'engagement de l'Union européenne est multiple, à l'exemple des opérations IRINI pour l'application de l'embargo sur les armes destinées à la Libye, ATALANTA contre la piraterie au large de la Corne de l'Afrique et AGENOR pour sécuriser la navigation dans le détroit d'Ormuz. Je confirme donc qu'il s'agira d'un axe de travail de la présidence française de l'Union européenne.

Le Val-de-Grâce est toujours propriété de l'Etat. Il héberge les militaires qui assurent l'opération Sentinelle et, probablement en 2024, les forces de sécurité affectées à la surveillance des Jeux olympiques. Même si le bâtiment a été libéré par le service de santé des armées en 2016, il reste donc à la disposition de l'Etat. La reconversion du site en un campus dédié à la santé numérique (ParisSanté Campus) a été annoncée par le Président de la République en décembre 2020. Les parties prenantes du programme sont à la fois des acteurs publics de la recherche (Inserm, Université PSL, Inria), et des opérateurs dédiés au développement des usages du numérique en santé (le Health Data Hub et l'Agence du Numérique en Santé). Les modalités financières liées au transfert n'ont, à ce jour, pas été arbitrées.

Nous avons réservé un milliard d'euros d'investissement pour l'hébergement de nos militaires. Il y a des besoins dans la région parisienne, et nous essaierons d'y répondre le mieux possible.

La boussole stratégique a été initiée sous la présidence allemande et a vocation à aboutir sous la présidence française. La première étape a été conclue sous présidence allemande et consiste à avoir une évaluation commune des menaces - c'est-à-dire une déclinaison à l'échelle européenne de l'actualisation de notre revue stratégique nationale. La Russie y fait évidemment l'objet de réflexions, la France défendant une position équilibrée qui consiste à maintenir une posture de fermeté face à des agissements mettant en cause notre sécurité, tout en restant ouverte au dialogue. Aujourd'hui, force est de constater que les conditions ne sont pas pleinement réunies pour une relance significative de ce dialogue.

Pour ce qui concerne la Chine, il y a une tentation de bipolarisation et une focalisation sur la rivalité américano-chinoise. La France et l'Europe doivent pouvoir faire valoir une stratégie d'équilibre fondée sur des partenariats solides. C'est pourquoi la France entend promouvoir une stratégie indopacifique à l'échelle nationale et nous souhaitons, dans le cadre de l'exercice de la boussole stratégique dont je parlais à l'instant, pousser à l'émergence d'une stratégie indopacifique européenne. Ce serait une contribution significative pour éviter d'être pris dans cette confrontation entre la Chine et les États-Unis.

Sur la nécessaire poursuite de la lutte contre le terrorisme, nous ne baissons clairement pas la garde et nous considérons que notre engagement au Levant n'est pas terminé au regard des résurgences de Daech en Irak, en Syrie et, de même, au Sahel où nous avons décidé avec les pays du G5 Sahel de ne pas relâcher l'effort.

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