Intervention de Florence Parly

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 mars 2021 à 17h00
Audition de Mme Florence Parly ministre des armées

Florence Parly, ministre des armées :

Concernant la détection des personnes dont le recrutement pourrait présenter des risques de radicalisation ou d'extrémisme, tels que ceux énoncés par Mediapart, nous avons, au niveau du recrutement, un avis de sécurité préalable pour chaque individu. Par la suite, en raison du mode de vie des militaires, qui évoluent auprès des cadres de proximité, le commandement prête une attention particulière à tout comportement ou signal faible qui pourrait laisser transparaître une idéologisation extrémiste ou radicale. Bien sûr, cette veille constante est rendue plus difficile par l'usage croissant de réseaux sociaux privatifs, souvent cryptés et qui ne sont pas détectables. Si, au total, le système n'est donc pas infaillible à 100 %, je crois que le ministère des armées s'est doté de moyens qui permettent de maîtriser globalement la situation.

Concernant les essais nucléaires, je ne suis pas certaine de comprendre à quel rapport faisait référence le sénateur Gontard. Je pense qu'il convient ici de rappeler les faits. Un rapport de l'INSERM a été rendu public le 23 février, un livre a été publié un peu plus tard, mais je n'ai pas connaissance de rapport remis au gouvernement polynésien. Comme vous le savez, des essais nucléaires ont été réalisés entre 1966 et 1996, c'est-à-dire pendant 30 ans, en Polynésie française. Lorsque les essais ont pris fin, les installations ont été complètement démantelées, puis une expertise biologique a été réalisée par l'Agence internationale à l'énergie atomique, qui associait des experts de très nombreuses nationalités. Le ministère des armées a rendu publics les suivis radiologiques et géologiques des atolls concernés afin de tenir informées, dans la transparence, la population polynésienne et la communauté scientifique. Par ailleurs, l'évaluation des doses reçues par la population a été faite par les experts du commissariat à l'énergie atomique, la méthodologie suivie ayant elle-même été évaluée par des experts internationaux de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Il existe en outre une commission d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui était jusqu'en 2013 sous l'autorité du ministère des armées, avant de devenir totalement indépendante. Depuis 2018, cette commission a vu le nombre de demandes d'indemnisation fortement augmenter, plus de 50 % d'entre elles ont été acceptées. Je crois donc pouvoir dire que le ministère des armées fait le maximum, dans le cadre des lois et règlements en vigueur, pour satisfaire aux demandes formulées par les Polynésiens, afin que leurs droits puissent devenir effectifs. Je conçois que des débats puissent survenir, surtout à la faveur de nouvelles publications, dont nous prendrons évidemment connaissance. Mais je voudrais insister sur le fait que le ministère des armées a toujours été à l'initiative pour apporter de la clarté dans ces domaines, dont on sait à quel point ils sont douloureux.

Concernant le rôle très important de nos outre-mer, c'est à juste titre que vous l'avez évoqué. Il s'inscrit dans le cadre de la stratégie indopacifique que j'ai mentionnée. C'est en partie du fait de nos outre-mer que la France peut se considérer comme une nation de l'indopacifique, et c'est bien du fait des territoires d'outre-mer présents dans l'Océan indien et dans l'Océan pacifique que nous avons la deuxième zone économique exclusive du monde. J'insiste donc : nous ne les considérons pas comme quantité négligeable, elles sont au coeur de notre stratégie indopacifique. Il y a une forte conscience de la part des partenaires avec lesquels nous travaillons de plus en plus à cette stratégie - je pense en particulier à l'Australie ou à l'Inde - de l'enjeu que constituent ces outre-mer pour cette grande région. Nous l'avons vu encore récemment dans le cadre des discussions sur l'évolution de l'actionnariat des entreprises qui exploitent le nickel en Nouvelle-Calédonie : cette question est suivie de très près par les pays de la région, bien entendu la Chine, mais aussi des pays tels que l'Inde.

Avons-nous tenu suffisamment compte des leçons de la pandémie dans le cadre de l'actualisation de la loi de programmation militaire ? Il est tout à fait clair que nous avions identifié dès 2017 le risque NRBC, le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique, comme étant important et auquel il nous fallait répondre. La crise sanitaire est passée par là et a montré que ce risque était encore beaucoup plus prégnant que nous ne l'imaginions, et nous allons en tenir compte.

Concernant les stocks de masques, ils ont été entièrement renouvelés, nous disposons de plus de 40 millions de masques anti-projection, ce qui représente 20 semaines d'autonomie, nous disposons de 4 millions de masques grand public et de plus de 7 millions de masque FFP2, soit 6 mois d'autonomie pour le service de santé des Armées. Nous sommes donc désormais bien équipés. Évidemment il n'y a pas que les masques, et c'est l'ensemble de la problématique NRBC que nous devons, sans doute, mieux traiter encore que ce que nous avions envisagé initialement. Mais si vous vous référez à l'ambition 2030, cette question apparaît comme ayant été tout à fait identifiée.

Concernant la question portant sur le plan de charge de Naval Groupe à Lorient, c'est un sujet sur lequel nous travaillons d'arrache-pied - nous avons parfaitement en tête la crainte exprimée par Naval Group d'une baisse de ce plan de charge - afin d'éviter une perte de compétence, de savoir-faire, qui serait extrêmement dommageable pour l'industrie navale française.

Concernant l'interrogation sur la prise de conscience européenne des enjeux du Sahel, je pense que personne n'aurait imaginé, il y a 10 ans, que des pays européens tels que l'Allemagne ou l'Estonie auraient pu s'y intéresser. Aujourd'hui, des pays de plus en plus nombreux prennent conscience de ce qu'il faut, non pas aider la France, mais s'aider soi-même, et qu'en s'engageant au Sahel, on contribue à la sécurité de l'Europe. C'est un travail de conviction qui commence à porter ses fruits, et que nous voyons s'illustrer de manière très concrète, puisque nous avons près de 3 000 personnels européens engagés au Sahel à des titres divers, au sein de la mission des Nations unies, de la mission européenne EUTM, ou bien en soutien de Barkhane ou de Takuba. C'est un motif de satisfaction de voir que les Européens sont de plus en plus présents, avec par ailleurs des moyens extrêmement importants - je pense aux équipements : les Danois ont engagé des hélicoptères, les Britanniques ont renouvelé leur engagement et vont ajouter un hélicoptère Chinook supplémentaire, les Espagnols sont des soutiens indéfectibles depuis le début de Serval en matière de transport. Et puis nous avons de plus en plus de pays qui demandent dans un premier temps à avoir des officiers de liaison au sein de Takuba, avant d'envisager la participation en hommes et en matériels que nous espérons.

Pour ce qui concerne Louvois, j'en profite pour, moi aussi, tirer un coup de chapeau aux équipes du ministère des armées qui se sont mobilisées pour faire de Source Solde un grand succès. Nous avons préféré ne pas en parler tant que nous n'en avions pas terminé, car nous ne voulions pas crier victoire avant que celle-ci ne soit acquise.

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