Intervention de Andreas Krewet

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 1er avril 2021 : 1ère réunion
Étude sur le logement dans les outre-mer — Table ronde sur l'habitat innovant

Andreas Krewet, ingénieur, membre du conseil d'administration de l'Association AsTerre :

AsTerre est l'association nationale des professionnels de la terre crue. Elle est relativement peu présente dans les outre-mer. J'ai néanmoins participé à deux ou trois concours en tant qu'ingénieur de bureau d'études sur les matériaux terre et géo-biosourcés.

Les outre-mer doivent être des terrains d'expérimentation. Ils sont confrontés aux mêmes freins à l'innovation que la métropole mais de manière plus importante parce que la plupart des règlementations et des normes sont conçues pour le climat continental européen, alors que la majorité des outre-mer sont exposés à un climat tropical ou subtropical qui appelle un type de construction différent. Par ailleurs, les outre-mer ne disposent pas des mêmes ressources que l'Hexagone et doivent par exemple importer le ciment et ne possèdent pas suffisamment de combustible pour produire de la brique cuite. En revanche, ils disposent de bois, de bambou, de terre et de pierre, autant de matériaux qui sont de plus en plus utilisés en France et dans d'autres pays. Deux ou trois écoles ont été construites en pisé en région parisienne notamment, illustrant le regain pour ces matériaux qui présentent également un intérêt du point de vue de l'entretien. C'est pourquoi l'approche par le coût global est pertinente. Il convient également d'y inclure le coût de l'énergie supporté par les habitants, surtout lorsqu'il s'agit de logements sociaux.

Les apports des outre-mer dans le domaine de l'expérimentation peuvent être illustrés par l'exemple de la norme expérimentale « Bloc de terre comprimée » qui a été créée à Mayotte il y a une vingtaine d'années et va être étendue à l'ensemble de la France, après adaptation.

Le sujet de la localisation des constructions constitue une problématique déterminante de l'habitat de demain en outre-mer, compte tenu des risques de glissement de terrain. Si un glissement de terrain se produit dans une zone habitée, c'est que la création du lotissement n'a pas été précédée d'une étude sérieuse. Le risque de glissement de terrain est évitable dans 90 % des cas.

Le niveau élevé des coûts de construction en outre-mer s'explique par la pratique consistant à appliquer des méthodes de construction proches de celles de l'Hexagone malgré un climat et des ressources différentes. Au sud du Maroc où la température atteint les 50 degrés, la plupart des constructions nouvelles est effectuée en parpaings de 20 centimètres, ce qui donne des logements invivables. Quelques constructeurs continuent néanmoins ou recommencent à construire des murs en pisé de cinquante centimètres, adaptés au climat local. De même, il est nécessaire d'adapter l'architecture en outre-mer au climat tropical et aux ressources, tout en réduisant les importations pour réduire le coût. La baisse des coûts suppose de réduire l'utilisation de ciment.

Les nombreux concours architecturaux en vue de la construction de collèges et de lycées à Mayotte montrent que le rectorat soutient la brique de terre comprimée. Par ailleurs, les lycées techniques commencent à développer des formations à ce matériau, qui connaît ainsi un nouveau départ. En outre, les techniques traditionnelles de cloisons intérieures en torchis et en bambou, la mise en place d'ossature et d'autres techniques de terre permettent de limiter les besoins en ciment. La renaissance de la filière de la brique de terre comprimée mérite donc d'être accompagnée d'autres expérimentations. Il convient d'encourager la constitution de filières associant architectes, bureaux d'études, entreprises et donneurs d'ordres autour de ce matériau.

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