Nous tenons à votre disposition une étude sur le logement social que nous avons publiée en 2020. Nous avons étudié 200 logements à La Réunion sur une période de 25 ans sous l'angle de l'évolution des coûts de construction. Nous nous préoccupons de l'augmentation hypertrophiée de nos coûts de construction, notamment dans le logement social. Nous constatons une diminution constante de la production de logements en termes de quantité depuis 2010, notamment de logements sociaux. Jusqu'en 2005, la production et les coûts étaient relativement stables et le niveau de la production permettait de couvrir les besoins de la population. L'effondrement auquel nous assistons depuis 2010 provient entre autres de problèmes économiques et de disparités de marché. À La Réunion, l'indice des prix à la consommation (IPC) progresse en moyenne de 1 % par an, le niveau de vie moyen augmente légèrement plus que l'IPC et l'indice mesurant l'évolution du coût de la construction augmente deux fois plus rapidement que l'IPC, soit 2 % par an. Cet écart est donc jugé substantiel. Le plan logement outre-mer (PLOM) constatait par ailleurs un doublement des coûts de la construction en 20 ans.
Nous avons néanmoins souhaité vérifier ces données car elles ne correspondaient que très partiellement à notre ressenti. Pour notre part, nous avons mesuré un triplement des coûts de construction à La Réunion entre la fin des années 90 et 2020, soit une augmentation moyenne de 4,5 % par an. Par conséquent, l'écart entre le rythme d'évolution du niveau de vie moyen, de 1,1 % par an, et celui du coût du logement entraîne l'impossibilité de réguler le système. À ce jour, il est devenu quasiment impossible de construire de nouveaux logements. Notre analyse des causes de ce phénomène nous a conduits à la conclusion que la sur-inflation du domaine du logement est essentiellement due à des considérations réglementaires et normatives. Il n'existe pas d'autre explication, surtout sur une durée aussi longue et dans des proportions aussi importantes.
Il en résulte l'effondrement du secteur privé. À ce jour, 90 % de la filière du BTP dépend de fonds publics, ce qui signifie que l'économie est totalement administrée, tout en étant très mal planifiée. Nous soutenons la volonté du rectorat de relancer la filière de la brique de terre comprimée de Mayotte. Néanmoins, la filière n'est plus en capacité de répondre à des besoins aussi importants. Le marché est donc déréglé.
Par conséquent, les normes expliquent la dégradation de la production de logements à La Réunion. La filière du BTP est peu performante et subit des blocages à tous les niveaux, ainsi qu'un défaut de gouvernance. Les chaînes de décision sont insuffisamment structurées et l'administration prend ses décisions sans concertation avec les acteurs locaux. La bonne gouvernance de la filière du BTP consisterait à solliciter les compétences là où elles se trouvent, c'est-à-dire dans les territoires et non seulement au sein des institutions nationales. Nous souffrons du blocage résultant de la technostructure régalienne composée de l'AFNOR, du CSTB, des concessionnaires, des municipalités et des architectes conseils de la DEAL. Nous avons le sentiment d'être empêchés de développer des logements adaptés à nos territoires, voire de construire puisque depuis 2010, la production du BTP ne répond plus aux besoins de notre population.