Étant inscrit à l'Ordre des architectes depuis quarante ans, j'ai assisté au développement de nombreuses initiatives ainsi qu'à de nombreux colloques ou débats mais j'ai observé peu de progrès. Les architectes ont déjà beaucoup innové dans les départements d'outre-mer. J'ai constaté que l'étude de l'habitat vernaculaire et des us locaux nous permet de trouver les solutions à toutes les problématiques qui se posent à nous, notamment les risques sismiques, cycloniques ou de tsunamis.
La Guadeloupe et la Martinique sont deux petites îles fortement sismiques puisqu'elles sont classées en zone 5. Les architectes qui y construisent des logements portent donc des responsabilités très importantes et doivent s'appuyer sur des ingénieurs. Ils appliquent des normes antisismiques depuis 1955, suite à un tremblement de terre violent survenu en Algérie en 1954. D'autres normes ont été instaurées depuis, jusqu'à l'Eurocode 8. La production de logements est relativement élevée en Guadeloupe et en Martinique. Par ailleurs, il existe un transfert technologique vers l'habitat informel. Le savoir-faire acquis dans les Antilles est également exploité en métropole, où l'on découvre de nouvelles zones à risque sismique. Il y a trois ans, une délégation du bureau de contrôle Veritas du Sud-Ouest de la France nous a ainsi rendu visite pour étudier nos méthodes de construction.
En revanche, je regrette la suppression du diplôme propre aux écoles d'architecture (DPEA) parasismique dont nous disposions en Guadeloupe et qui avait été conçu avec l'École de Marseille Luminy, avec le soutien du conseil régional de l'époque. Cette initiative qui avait permis de former une trentaine d'architectes aux problèmes parasismiques aigus mériterait d'être relancée. Elle pourrait en outre bénéficier aux personnes qui construisent elles-mêmes leur logement. Le Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) contribue à la maîtrise de la qualité de l'habitat auto-construit en l'encadrant.
Les architectes d'outre-mer possèdent donc une expertise en matière de prévention du risque sismique et du risque cyclonique dont ils peuvent faire bénéficier l'Hexagone. La difficulté est que les règles parasismiques et paracycloniques s'opposent puisque la légèreté du bâti favorise sa résistance aux séismes tandis que c'est sa lourdeur qui renforce sa résistance aux cyclones. Les architectes antillais ont donc appris à concilier ces deux contraintes.