Parler de logement, c'est avant tout parler d'aménagement des territoires, des espaces et des équipements nécessaires à la création de pôles d'habitat, en tenant compte notamment des besoins des populations en matière de transport. Le risque de tsunami, de séisme, d'éruption volcanique et de cyclone doit nous amener à inclure des zones de retrait dans nos projets d'aménagement.
Nous rencontrons par ailleurs une problématique liée au prix du foncier. Les règles d'urbanisme commencent à devenir obsolètes et l'apparition régulière de nouvelles normes accroît sans cesse les coûts de construction. En outre, l'application de normes européennes constitue un frein important à l'utilisation de matériaux provenant de l'espace Caraïbe qui permettraient de réduire certains coûts de la construction à la Guadeloupe et à la Martinique.
En outre, la réflexion sur le logement et l'innovation doit nous amener à considérer les besoins des habitants. De ce point de vue, il apparaît que la réglementation actuelle sur le financement du logement social et ses modèles stéréotypés ne sont pas adaptés au mode de vie antillais. Au sujet de la climatisation ou de la ventilation, nous construisons depuis plus de trente ans des logements qui marquaient un progrès et dont les bilans énergétiques ne sont pas obsolètes. L'État nous impose aujourd'hui des systèmes très stéréotypés qui constituent un frein à l'innovation. Les habitants des Antilles françaises ont besoin d'un espace extérieur où ils puissent vivre tout en étant protégés. Par conséquent, la loggia ne doit pas devenir un simple balcon car elle ne constitue alors plus un espace de vie. L'espace de vie extérieur peut également être un espace de rencontre. Or, les règles en matière de financement du logement social ne permettent pas la création de tels espaces.
L'innovation en matière d'architecture nécessite de se remettre en question. Tant que les bailleurs seront enfermés dans le carcan des règles liées au financement, les architectes ne seront pas en mesure d'innover. Nous appliquerons des modèles stéréotypés inadaptés aux modes de vie, comme dans les années 60. En outre, je doute que l'application de ces modèles importés permette réellement de réduire le coût de la construction.
Les Antilles constituent néanmoins un terrain d'expérimentation dans le domaine de la prévention paracyclonique et parasismique. Nous commençons par ailleurs à exploiter le potentiel énergétique qui caractérise ces territoires mais il serait nécessaire d'accélérer les développements en la matière. Il y a une quinzaine d'année, un bailleur social a essayé d'innover en utilisant le photovoltaïque et en récupérant l'eau pluviale. Mais la réglementation ne permettait pas la récupération de l'eau pluviale et les assureurs refusaient d'assurer les panneaux photovoltaïques. Les problématiques dont nous discutons aujourd'hui sont donc identifiées depuis dix ans ou quinze ans, voire davantage. Il convient de s'y attaquer sérieusement, en permettant l'utilisation de matériaux locaux et surtout en permettant à ces territoires de maîtriser la conception et l'aménagement. Nous avons par exemple créé, dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine, des zones de retrait où la population pourra se rassembler en cas de catastrophe. Or de tels espaces ne sont pas couverts par les règles de financement du logement social. Il convient donc d'adapter les règles pour permettre la prise en compte des spécificités de chaque territoire.