Le CAUE, le Conseil de l'Ordre des architectes et l'Association des urbanistes de la Guadeloupe ont produit en 2013 l'ouvrage Diversité des éclairages qui a permis d'aborder l'ensemble des questions relatives au cadre de vie et de balayer l'ensemble des sujets posés ce jour en préambule. Je vous renvoie également au regard croisé que nous avons initié dès 2007 et qui a donné lieu à l'édition d'actes en 2009 et 2010, Vers une nouvelle stratégie d'aménagement du territoire pour le développement de la Guadeloupe. Cet ouvrage résulte d'une concertation large sur l'ensemble du territoire de la Guadeloupe, pour un développement harmonieux du territoire. Nous considérons en effet que l'habitat ne se limite pas au logement mais englobe également l'environnement, l'urbanisme et l'aménagement du territoire. De ce point de vue, si vous les aviez invités, les bailleurs auraient mis en avant la question du foncier, la stratégie d'aménagement du territoire et la vision urbanistique au travers des PLU (plans locaux d'urbanisme), des SCoT (Schémas de cohérence territoriale) et même des SAR (Schémas d'aménagement régional).
Nous avons traité ces questions après une enquête large commandée à QualiStat, qui a permis de recueillir les doléances de la population et a montré que certains préceptes sont totalement erronés, tel que celui selon lequel chacun aspirerait à disposer d'un logement individuel. L'habitat collectif est beaucoup moins décrié qu'on ne le pense. Cette enquête démontre donc l'intérêt de la concertation. Par conséquent, je recommande au Sénat d'élargir la concertation à l'Association régionale des maîtres d'ouvrages sociaux (Armos), qui regroupe la plupart des bailleurs sociaux, confrontés à la nécessité d'innover en permanence pour rentrer dans le carcan des normes qui leur sont imposées. De même, il serait utile de bien expertiser le territoire et de questionner les acteurs pertinents, dont les ingénieurs et les praticiens.
Nous constatons effectivement que les questions posées ce jour l'ont déjà été et ont déjà donné lieu à des réponses pertinentes. La situation n'évolue pas parce que ces réponses ne sont pas prises en compte. C'est pourquoi nous encourageons la concertation. Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes sur le logement dans les DROM identifie l'ensemble des maux et des faiblesses dans ce domaine. Il me semble néanmoins nécessaire d'apporter des précisions sur le sujet du manque d'ingénierie et d'expertise qui y est relevé. Si nos territoires semblent manquer d'ingénierie, c'est à cause du système qui nous demande de décalquer des modèles. Les outre-mer ne peuvent être considérées comme une entité homogène. Chaque territoire possède ses particularités liées à son histoire, à sa culture et à ses conditions climatiques. La Martinique et la Guadeloupe présentent certes des similitudes. Néanmoins, il y a lieu de bien distinguer l'organisation de chacun de ces territoires. Par conséquent, la question de l'ingénierie ne peut se résumer à l'application de modèles théoriques issus du pouvoir central.
La concertation présente une importance fondamentale. Elle doit se tenir non seulement avec les experts mais également avec la population. Nous savons pertinemment que l'innovation en Guadeloupe est issue non de la recherche fondamentale mais de l'observation des pratiques ancestrales, dont nos architectes et nos ingénieurs savent tirer profit. J'ignore en revanche si leurs observations présenteront un intérêt pour la construction en métropole. L'innovation utile à nos territoires constitue déjà un apport au niveau national en lui évitant de s'égarer dans des recherches inadaptées à nos situations. Par ailleurs, avec les changements climatiques et la multiplication des événements climatiques, notre expertise sur les questions relatives à l'énergie et aux risques majeurs constitue peut-être déjà un apport considérable.
Les freins à l'innovation résident également dans l'éloignement et la double, voire la triple, insularité de notre territoire. La question du coût ne s'apprécie pas uniquement du point de vue de la dépense immédiate mais doit relever d'une vision à long terme, sur le coût global. Par ailleurs, il est inacceptable que la réalité géographique de notre territoire ne soit pas prise en compte et que lui soient imposés des normes et des matériaux dont le bon sens devrait plutôt conduire à l'interdiction sur notre territoire. Cette dernière serait aisée à mettre en oeuvre puisque nous ne pouvons être approvisionnés que par voie aérienne ou navale. Ces matériaux sont en effet inadaptés à l'hygrométrie tropicale et conçus pour un usage totalement différent de celui qui conviendrait à notre territoire.