La norme et l'innovation sont antinomiques. L'innovation nécessite de pouvoir déroger à la norme. De ce point de vue, la DHUP en matière de logement a pris des mesures intéressantes sur la question du marquage CE. Nous espérons que les discussions avec la Commission européenne aboutiront. La normalisation CE sur la sécurité et sur les portes de garage a entraîné la destruction de tout ou partie de l'artisanat local de Mayotte, ce qui est fort regrettable. Il semble néanmoins que nos autorités de tutelle ont pris conscience de cette problématique et essaient d'y apporter des réponses.
La Conseil régional de l'ordre des architectes de La Réunion-Mayotte considère que l'étude réalisée par le CSTB sur le sujet des cyclones est totalement insuffisante. Même si cette étude qui portait plus globalement sur les risques naturels a été déléguée au préfet de chaque département d'outre-mer, le manque de cohérence et l'absence de doctrine sur le plan de la sécurité civile nous paraît consternant.
L'habitat tropical favorise les relations avec l'extérieur parce qu'à l'inverse de la métropole où le froid pousse les habitants à se réfugier à l'intérieur, la chaleur incite les ultramarins à sortir du logement. La relation entre l'intérieur et l'extérieur joue alors un rôle fondamental. Par conséquent, les concepts métropolitains qui consistent à « bunkériser » les logements en les fermant et en renforçant leurs murs ne conviennent pas aux territoires ultramarins. Il est possible de consolider l'habitat tropical pour en faire un abri comme le faisaient les anciens qui clouaient les volets et diverses protections à l'annonce d'un cyclone. En revanche, ils ne jugeaient pas nécessaire de construire l'ensemble du logement en cherchant à la rendre résistant à un événement aléatoire et d'occurrence très faible. Par conséquent, la conception importée d'un logement capable de résister à tout est contradictoire avec l'habitat tropical, léger, ouvert et à faible inertie thermique pour éviter de créer de l'inconfort.
Par conséquent, il nous paraît stupéfiant de mettre en avant le risque cyclonique, qui relève de la sécurité civile, pour justifier d'une nouvelle norme relative au logement. Il n'y a qu'à Mayotte que ce risque a été traité par la création de refuges. Le renforcement de la norme entraîne une diminution drastique et constante de la construction de nouveaux logements. En outre, au rythme actuel de construction, le renforcement de la norme ne résoudra le problème du risque cyclonique que pour 30 % de la population à échéance 2050. L'approche de la question du logement outre-mer est donc totalement inadaptée et fondée sur des croyances erronées mais qui perdurent dans l'esprit des autorités de tutelle. En outre, elle n'apporte pas de réelle réponse au problème de sécurité civile, d'autant plus que le risque principal en matière cyclonique à La Réunion ne réside pas dans le vent mais dans la montée des eaux.
Le Conseil régional de l'ordre des architectes de La Réunion-Mayotte a réfuté de manière argumentée l'étude du CSTB. Il déplore que les autorités de tutelle persistent dans l'application de concepts totalement décalés. Les surcoûts qui en résultent sont d'autant plus problématiques que La Réunion n'a déjà plus la possibilité de financer ses besoins en logements sociaux.
C'est ce qui nous conduit à dire que l'économie du BTP à La Réunion est administrée mais non planifiée, chaque acteur ne faisant que répondre aux besoins les plus urgents, sans vision globale, sans doctrine et sans cohérence. Nous savons pertinemment qu'un cyclone causerait d'énormes dégâts à Mayotte. Il serait néanmoins complètement vain de renforcer la norme puisque seules 10 % des constructions la respectent.
Nos autorités de tutelle utilisent la norme comme l'unique outil de traitement du risque et en particulier du risque lié à la construction de logements. Or, toute personne qui connaît le sujet de la gestion du risque sait que c'est une erreur. La courbe de la sinistralité a augmenté depuis quinze ou vingt ans parallèlement au durcissement et à la multiplication des normes parce que ce durcissement entraîne une hausse des coûts, notamment de réparation. Le système assuranciel n'est pas régulé et le coût de certains sinistres connaît une évolution exponentielle.
Nous plaidons donc pour une autre approche de la gestion des risques, basée notamment sur la notion de refuge comme dans le monde anglo-saxon. En outre, la création de réseaux destinés à protéger les populations à la fois contre les ouragans et contre les dégâts des eaux apporterait de l'activité aux entreprises et dynamiserait le marché du travail. Ces refuges pourraient sans problème intégrer l'augmentation de la vitesse de vent de référence puisqu'ils seront conçus comme des bunkers. En revanche, il est absurde de vouloir « bunkériser » des logements en milieu tropical.
Le BNTEC local existe toujours et pourrait être réactivé. Il serait en effet très pertinent d'avoir une structure locale de normalisation. Un bureau de contrôle a besoin de s'appuyer sur des textes. Il paraît donc logique de donner à des experts locaux la possibilité de produire des avis ou des textes qui seraient reconnus par les assureurs, puisque ce sont eux qui ont souhaité rendre les normes obligatoires alors qu'elles étaient à l'origine d'application volontaire. A priori, rien n'interdit de créer dans les outre-mer une structure d'expertise regroupant assureurs, ingénieurs et bureaux d'études. Il n'y a aucune raison que les avis qu'elle émettrait soient moins pertinents que ceux du CSTB. Nous pouvons également nous appuyer sur le CIRBAT.