Intervention de Jean-Michel Mocka-Celestine

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 1er avril 2021 : 1ère réunion
Étude sur le logement dans les outre-mer — Table ronde sur l'habitat innovant

Jean-Michel Mocka-Celestine, co-gérant à l'atelier d'architecture BMC :

Il est vrai que les architectes ont été les grands oubliés de la loi Elan. Le logement, en tant que lieu de vie où la sécurité doit être garantie, nécessite le savoir-faire d'architectes et de professionnels, tant pour la conception que pour la réalisation des projets. Il est aujourd'hui indispensable de refondre les normes en tenant compte des spécificités locales. Depuis l'entrée en vigueur de la norme NF C 15-100 il y a une quinzaine d'années, le prix d'une douille par exemple est passé de 0,50 franc à 3,50 euros par point lumineux alors que les financements sont restés inchangés. Il serait donc intéressant de mener un travail sur les normes pour maîtriser les coûts de la construction. Par ailleurs, l'insularité entraîne un coût élevé de la main-d'oeuvre et des matériaux, qui sont soumis à des taxes et doivent posséder un label européen. Nous pourrions utiliser des matériaux provenant du Brésil ou de la Caraïbe pour réduire les coûts.

Le savoir de nos experts locaux nous permet aujourd'hui de maîtriser le risque cyclonique. Il est vrai néanmoins que le renforcement de l'habitat par le béton nous conduit à créer des bunkers inadaptés à nos modes de vie. Par conséquent, ne serait-il pas possible de construire des habitats légers mais comportant une pièce sécurisée, dotée d'une dalle anticyclone, comme dans les îles proches de la Guadeloupe et de la Martinique ?

De nombreux professionnels de la Guadeloupe travaillent depuis de nombreuses années sur des projets innovants, consistant par exemple à utiliser la bagasse, les sargasses ou la paille de coco. Le développement de l'innovation présente néanmoins un coût élevé. Il serait par ailleurs pertinent d'utiliser les déchets de démolition en sous-couche de voierie, sachant que la Guadeloupe démolit actuellement de nombreux logements datant des années 60 dans le cadre de la rénovation urbaine. Or, cette pratique n'étant pas normative, elle n'est pas couverte par les assureurs. Elle permettrait néanmoins de réduire le coût de la construction.

Il est indispensable d'organiser la concertation avec les acteurs qui connaissent les territoires tels que l'Association régionale des maîtres d'ouvrages sociaux de la Guadeloupe (ARMOS). Alors que nous avions obtenu des améliorations de l'habitat dans les années 2000, nous assistons actuellement à un retour à l'application de modèles stéréotypés inadaptés à nos modes d'habitat, comme dans les années 60. Nous tenons donc à vous alerter sur la nécessité d'associer les professionnels et les sachants aux choix en matière de logement. Le PLOM 2019-2022 apporte des bases intéressantes pour une meilleure connaissance de nos territoires et de leurs besoins. Il convient de poursuivre cette démarche pour nous permettre de relancer la construction de logements.

Il est par ailleurs nécessaire de revoir le financement du logement pour l'adapter à chaque territoire. Les architectes s'adaptent en acceptant la baisse de leurs honoraires. Ils sont en revanche soumis à des normes de plus en plus strictes au détriment de leur liberté de conception. Un cahier des charges type suffirait. Les logements construits dans les années 60 l'ont été dans l'urgence pour sortir de l'insalubrité. Or, bâtir dans l'urgence entraîne toujours des erreurs. Nous espérons donc que nos remarques seront prises en compte.

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