Je vais répondre sur l'Iran. Pour l'instant, il y a une difficulté pour l'administration Biden à rétablir, ne serait-ce que des discussions avec l'Iran pour négocier un retour d'un accord et du côté iranien, l'abandon de toutes les entorses faites depuis le rétablissement des sanctions étasuniennes. On a appris avant-hier que l'administration Biden aurait, pour rétablir le dialogue, fait passer une nouvelle proposition selon laquelle en échange de l'allègement de certaines sanctions, l'Iran devrait revenir sur certains de ses travaux sur les centrifugeuses et l'enrichissement de l'uranium. Malgré cette proposition, la situation reste bloquée car les Iraniens considèrent que ce ne sont pas eux qui ont violé l'accord et ce n'est donc pas à eux de faire le premier pas.
Il y a aussi un contexte qui ne se prête pas à des négociations entre les deux parties. L'élection présidentielle iranienne est prévue en juin prochain, la campagne bat déjà son plein et il probable que le futur président soit issu des rangs les plus conservateurs. Il y a donc une incertitude politique en Iran qui nuit à des négociations efficaces.
Par ailleurs, la nouvelle administration Biden, à la suite de la présidence particulière de Donald Trump, gère les urgences. Or, la première urgence dans cette région, c'est l'Afghanistan. Je vous rappelle que les États-Unis avaient, par l'accord passé entre l'administration Trump et les Talibans, fixé un délai au 1er mai 2021 pour retirer d'Afghanistan toutes les troupes étasuniennes qui s'y trouvent. Or, la semaine dernière, Joe Biden a informé que, pour des raisons logistiques, les Etats-Unis ne pourraient pas respecter cette échéance et que les troupes allaient rester encore quelque temps.
Dans le cas de l'Afghanistan, il apparait très clairement que l'idée est d'arriver à un traité de paix entre la présidence afghane et les Talibans. Le raisonnement de l'administration Biden est de considérer que tant que les États-Unis ont des troupes en Afghanistan, ils pourront peser sur un éventuel traité de paix, même si les États-Unis aimeraient passer par le cadre multilatéral de l'ONU. Dans ce dossier afghan, la Turquie a un rôle essentiel à jouer. Cela montre les contradictions qui attendent l'administration Biden.
Au regard de la valeur démocratie qu'il entend remettre au premier rang, Joe Biden a eu des mots extrêmement durs contre le régime du président Erdogan, mais en même temps, les États-Unis peuvent avoir besoin de la Turquie.
Il leur faudra sur certains dossiers faire du multilatéralisme avec la Russie, la Chine et la Turquie, désignées par l'administration Biden comme appartenant au camp des autocraties, opposé au camp des démocraties que les Etats-Unis veulent incarner.