Intervention de Roch-Olivier Maistre

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 avril 2021 à 14h00
Projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique et projet de loi organique modifiant la loi organique relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Audition de M. Roch-Olivier Maistre président du conseil supérieur de l'audiovisuel csa

Roch-Olivier Maistre, président du CSA :

Le piratage s'est effectivement accentué pendant le confinement. Nous venons de rendre un avis à l'Autorité de la concurrence suite à la plainte de Canal Plus contre la ligue de football professionnel, c'est un vrai sujet - une spirale qui se traduit par l'inflation des prix des droits sportifs, laquelle évince l'accès aux manifestations sportives en clair, au profit de l'offre payante. Les études montrent que le consommateur s'en tient à un budget qui n'est pas extensible à l'infini. L'affaire de Mediapro a montré les limites. 25 euros pour un abonnement mensuel, c'est trop. M. Assouline a d'ailleurs fait des propositions dans son rapport à ce sujet. Nous appelons à une réflexion globale sur les procédures d'appel d'offres, car elles impactent les politiques publiques du sport, on l'a vu avec le football.

Je vous remercie de l'attention que vous portez aux moyens et à l'organisation du CSA. Nous avons entrepris le chantier de l'adaptation du CSA, en créant une nouvelle direction « plateformes en ligne » et nous préparons un nouveau schéma d'organisation du CSA pour accueillir au mieux l'équipe de la Hadopi. Sur les moyens, nous sommes à la limite où nous ne pourrons pas faire à budget constant, d'autant que la fusion va entraîner des dépenses nouvelles, pour refondre le site, redéfinir les chartes graphiques, les systèmes d'information, les systèmes budgétaires et comptables. Ensuite, en rythme de croisière, nous devons monter en compétences. Cela suppose une connaissance des algorithmes, la capacité de manier des données de masse, nous en avons eu l'exemple avec l'étude des fausses informations diffusées sur Twitter. Nous devons également connaître les plateformes sur le plan économique, sociologique, ce qui suppose là encore la mobilisation de compétences et de moyens. La loi de finances pour 2020 a relevé notre plafond d'emploi de six équivalents temps plein, mais sans augmenter notre masse salariale. Nous avons pu faire des économies en cette année de pandémie, notamment de déplacement, et recruter nos emplois nouveaux, mais il nous faudra nécessairement augmenter nos moyens budgétaires.

Sur la composition du collège, le Parlement est souverain. J'entends la nécessité de préserver les équilibres, c'est indispensable au principe d'indépendance de l'institution et c'est pourquoi je suis favorable au renouvellement périodique. Je redis que je privilégie le scénario à sept membres. Des options sont envisageables pour préserver les équilibres tout en restant à sept membres, par exemple celle où le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat doivent désigner successivement un magistrat pour le renouvellement qui leur revient, ce qui garantira qu'il y ait toujours au moins un magistrat et que l'équilibre soit préservé.

Les questions de déontologie des programmes sont parmi les plus délicates, nous devons toujours rechercher l'équilibre entre la liberté d'expression - la loi relative à la liberté de communication est une loi de liberté, l'équivalent pour l'audiovisuel à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse -, y compris au titre du pluralisme, et les interdits posés par la loi, en particulier l'incitation à la haine ou à la discrimination. Le CSA remplira son office chaque fois qu'il estimera que les obligations qui incombent aux éditeurs auront été transgressées. Nous agissons certes dans le cadre de procédures contraignantes, car nous nous situons dans le champ des libertés publiques, c'est nécessaire aux garanties. Nous devons d'abord mettre en demeure, puis, si le manquement se répète, nous enclenchons une procédure de sanction, pour une instruction puis une délibération ; cela prend du temps, nous avons des efforts à faire de notre côté pour mieux prioriser les saisines et dans le dialogue avec le rapporteur indépendant. Faut-il modifier la loi, pour plus d'efficacité ? Nous devons, en tout état de cause, composer avec le principe constitutionnel exigeant une mise en demeure préalable à l'engagement de toute sanction. Nous en avons débattu avec le Conseil d'État à propos des sanctions en cas de manquements aux obligations de financement.

Sur les ventes de catalogues, je dirai que tout ce qui renforce la protection de notre patrimoine va dans le bon sens, mais il faut trouver le juste équilibre avec la liberté du commerce, c'est le sens des observations du Conseil d'État sur le projet de loi.

Le législateur a déjà défini des lignes directrices par rapport aux listes noires, par exemple dans loi du 22 décembre 2018 contre la manipulation de l'information, ou encore dans la loi sur les fausses informations ou encore dans la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Je n'ai personnellement rien contre une telle mention.

Une précision sur les moyens : notre homologue britannique, l'Ofcom, compétent en matière audiovisuelle et de télécoms, compte 850 collaborateurs ; nous en comptons 300 au CSA et 160 à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), cela donne une idée des renforts dont nous pouvons avoir besoin. Il faudra également que l'European Regulators' Group for Audiovisual Media Services (ERGA) se renforce quand la réglementation européenne issue de la DSA verra le jour. La réglementation européenne progresse, l'ERGA est favorable aux principes défendus par la DSA, mais elle est plus critique sur la gouvernance avec un board de délégués des autorités nationales, présidé par la Commission.

La TNT présente l'avantage de couvrir 95 % du territoire, mais aussi la gratuité, une offre élargie, l'anonymat puisqu'il n'y a aucun accès à l'usager et une possibilité de modernisation avec l'ultra-haute définition (UHD) et la norme technique HbbTV qui permet une forme d'interaction sur le téléviseur, puisqu'on se connecte à la plateforme en utilisant son téléviseur. Si le Parlement introduit la modernisation de la TNT, il paraît intéressant d'introduire aussi cette norme HbbTV.

Je crois que le point central de ce projet de loi est de mieux lutter contre les sites pirates. La Hadopi a été construite pour contrer le piratage peer to peer, la riposte graduée a des effets - 70 % des personnes à qui la Hadopi adresse un courrier, rebasculent sur une offre légale - mais la situation a changé, il faut se concentrer sur les sites pirates, c'est là que l'argent se fait et c'est là où nous devons agir, plutôt que d'aller chercher l'internaute.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion