Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 12 avril 2021 à 17h00
Respect des principes de la république — Articles additionnels après l'article 30

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut approuver une proposition d’abrogation aussi expéditive. Elle toucherait près de 3 millions de nos concitoyens, alors qu’il n’y a pas eu de large débat ni de vaste concertation sur la mesure. Or le récent sondage qui a été cité montre combien la confusion et les polémiques du jour chamboulent l’opinion sur ces questions.

Le sujet est trop lourd pour que nous nous positionnions dans la précipitation. On ne peut pas proposer de telles évolutions sans un travail approfondi d’écoute, d’analyse et de dialogue. Par conséquent, mon groupe s’abstiendra.

Pour ma part, comme élu d’Alsace, je voterai contre cet amendement, en lui opposant cinq arguments.

Premièrement, l’argument de compensation, car ce droit particulier est le fruit de déchirures. Cette différenciation est la compensation d’une rupture historique, comme le droit particulier de la Corse compense une disparité géographique. Or on ne peut pas plus effacer l’histoire qu’ignorer la géographie.

Deuxièmement, l’argument européen, car si le régime des cultes reconnus déconcerte parfois les autres Français, il est largement partagé dans une Europe très familière de ce principe de reconnaissance des cultes institués.

Troisièmement, l’argument constitutionnel, car le Conseil constitutionnel a tranché en reconnaissant le droit des religions en Alsace-Moselle conforme à la Constitution et compatible avec le principe de laïcité.

Quatrièmement, l’argument d’équilibre, car la France soutient des aumôneries et accepte les droits particuliers des cultes outre-mer, comme nous l’avons vu. Partout, elle concilie les deux principes républicains de laïcité et de liberté religieuse. En Alsace-Moselle l’équilibre est différent, mais tout aussi intelligent.

Enfin, l’argument de la concorde, car la pratique a évidemment évolué depuis Bonaparte. Nous n’en sommes plus au régime du donnant-donnant, où la subvention d’État s’échange contre le contrôle politique des cultes. Un nouveau rapport s’est instauré entre, d’une part, les pouvoirs publics de plus en plus décentralisés et, d’autre part, les cultes devenus acteurs de l’espace public par leur engagement social, caritatif, et interreligieux. Cette évolution participe à l’amélioration du vivre-ensemble.

Cet argument incite d’ailleurs, au nom de l’égalité, à élargir progressivement le groupe des quatre cultes statutaires à l’islam, en commençant peut-être par les dispositions qui concernent l’éveil culturel et religieux dans le domaine scolaire, ou encore par celles qui portent sur la formation des ministres du culte dans le cadre universitaire local.

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