Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 12 avril 2021 à 17h00
Respect des principes de la république — Article 31

Gérald Darmanin :

L’amendement du Gouvernement vise à réécrire l’article 31. S’il est adopté – ce que nous souhaitons évidemment –, il devrait nous dispenser d’examiner un certain nombre d’autres amendements puisque, comme l’ont très bien dit les différents intervenants, nous avons voulu, non pas faire référence à la loi de 1905 ou à celle de 1901, mais transposer dans le droit local les dispositions de la loi de la République votée par ses représentants qui s’imposent.

Il convient de distinguer le Concordat du droit local, ce dernier étant composé à la fois de l’équivalent des dispositions relatives aux cultes – qu’il s’agisse de cultes reconnus ou non reconnus – qui figurent dans la loi de 1905 et du droit des associations. Ce n’est pas faire injure à l’Alsace et à la Moselle en effet que de rappeler que, en 1901, lorsque le législateur a voté cette grande loi relative au contrat d’association, ces territoires ne faisaient pas partie de la République française.

Il existe donc un droit local associatif, qui correspond grosso modo aux dispositions de la loi de 1901, à quelques exceptions près comme le fait, par exemple, que c’est auprès du tribunal judiciaire qu’il faut effectuer ses démarches pour créer une association.

Sinon, il s’agit bien de lois « miroir » – on peut les qualifier ainsi – avec des dispositions qui s’appliquent néanmoins de manière différente dans un droit qui est lui-même différent, même si le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont reconnu, à plusieurs reprises, que celui-ci ne faisait obstacle ni à l’unité de la République ni au fait que la laïcité, telle que les lois de 1905 et de 1901 l’ont instituée, s’appliquait à la République.

Par ailleurs, je le répète, le principe de non-reconnaissance des cultes, également applicable à l’Alsace-Moselle – où il n’y a par définition pas qu’un seul culte, puisque pas moins de quatre cultes y sont reconnus –, est un principe constitutionnel. Je veux également redire au Sénat que le principe de non-subventionnement des cultes n’en est en revanche pas un : il relève de la loi de la République et n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, si le Conseil constitutionnel souhaite élargir sa jurisprudence, quelle que soit l’opinion que l’on pourrait porter sur celle-ci, il pourrait très bien envisager d’introduire ce principe de non-subventionnement dans son bloc de constitutionnalité, ce qui aurait beaucoup de conséquences sur les baux emphytéotiques ou les reçus fiscaux, par exemple, bref sur un certain nombre de subventionnements, qui sont certes indirects, mais qui dépendent tout de même assez largement de l’argent public – nous avons déjà eu cette discussion lors du débat sur les garanties d’emprunt la semaine dernière.

J’en profite pour répondre aux sénateurs communistes : il existe bien sûr des différences de traitement entre les associations, mais elles résultent aussi de ce que l’on a le droit de subventionner les cultes en Alsace-Moselle. Le reçu fiscal, qui est une sorte de compensation au non-subventionnement, n’est dès lors pas au rendez-vous. Ces différences existent bel et bien, mais elles sont consubstantielles aux différences entre les deux législations elles-mêmes.

Notre amendement vise à appliquer les lois de la République en Alsace-Moselle, tout en respectant le droit local, ce qui me pousse à dire que ce droit local n’est pas mort. C’est un droit vivant qui, à ce titre, est susceptible de connaître des modifications, de voir certaines de ces dispositions supprimées ou complétées. C’est ce sur quoi nous travaillons aujourd’hui.

On peut avoir des divergences sur le fond, mais pas sur la forme : il est bien question ici d’un droit local – dont le garde des sceaux vient d’ailleurs de réactiver la commission –, qui ne fait pas obstacle à ce que les décisions des représentants du peuple et du Gouvernement s’imposent en Alsace-Moselle.

C’est d’ailleurs quasiment le cas dans chaque projet de loi : nous prévoyons très souvent des dispositions spécifiques pour les territoires ultramarins ou pour la Corse. Cela ne signifie évidemment pas que ces territoires ne sont pas dans la République. De telles mesures sont en général élaborées pour adapter le droit à un contexte particulier.

Notre amendement, dans la mesure où il tend à transposer l’ensemble des dispositions du projet de loi concernées dans le droit local alsacien-mosellan, respecte l’histoire et, finalement, la parole du gouvernement de la République qui, voyant revenir les élus d’Alsace-Moselle, ce territoire tant pleuré, a conclu que l’on ne devait évidemment pas toucher aux avantages ou, en tout cas, au bénéfice de dizaines d’années de législation spécifique qui, encore une fois, n’ont rien à voir avec le Concordat négocié par le Premier consul.

Nous serons défavorables aux différents sous-amendements qui seront présentés, notamment celui de M. Reichardt, non pas parce que nous serions en désaccord sur le fond, mais parce que nous ne souhaitons pas étendre des dispositions qui ne seraient pas appliquées ailleurs sur le territoire national – encore qu’il s’agisse là d’une véritable différence de fond, notamment pour les EPCI –, à l’exception de l’amendement de Mme Vérien, auquel nous sommes favorables, même s’il nous semble satisfait par notre amendement, tel qu’il est rédigé.

1 commentaire :

Le 23/04/2021 à 09:42, aristide a dit :

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"Par ailleurs, je le répète, le principe de non-reconnaissance des cultes, également applicable à l’Alsace-Moselle – où il n’y a par définition pas qu’un seul culte, puisque pas moins de quatre cultes y sont reconnus –, est un principe constitutionnel."

Vous nous dites d'une part que le principe de non reconnaissance des cultes s'applique à l'Alsace-Moselle, et ensuite vous nous dites que pas moins de 4 cultes y sont reconnus.... Comme exemple de contradiction en un minimum de mots, on fait difficilement mieux (ou pire).

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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