Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 12 avril 2021 à 17h00
Respect des principes de la république — Article additionnel après l'article 55

Gérald Darmanin :

Qu’essayons-nous de combattre ? Prenons l’exemple de l’association Millî Görüs (CIMG). Certes, ce cas n’est pas unique, mais il est à tout le moins le plus marquant et, sans doute, le plus inquiétant.

Puisqu’il m’a été demandé d’apporter des précisions, j’indique que notre territoire compte, à ce jour, onze établissements scolaires – écoles maternelles et élémentaires – affiliés à la CIMG. Implantés à Blois, à Strasbourg, à Mulhouse, à Vénissieux, à Villefranche-sur-Saône, à Annecy, à Savigny-le-Temple, à Corbeil-Essonnes, à Bourgoin-Jallieu et à Metz, ces établissements accueillent des milliers d’enfants. Sans entrer dans le détail, le groupe scolaire privé Bellevue, par exemple, compte 390 élèves. On ne parle donc pas de petites écoles ou de petites classes.

Selon le ministère de l’intérieur, dix nouveaux établissements scolaires hors contrat devraient ouvrir dans l’année qui vient : à Oyonnax, à Annonay, à Lormont, à Vern-sur-Seiche, à Péage-de-Roussillon, à Bourgoin-Jallieu, à Villeurbanne, à Albertville, à Annemasse, à Belfort et à Clichy.

J’ai été saisi de cette question par de nombreux maires, toutes tendances confondues – le maire d’Albertville, bien sûr, mais aussi celui de Clichy.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ayant moi-même été parlementaire, je comprends votre frustration de devoir examiner un amendement déposé dans l’urgence, mais je me dois de vous faire remarquer que c’est le 9 avril que le tribunal administratif d’Albertville a rendu son jugement. Dès lors que le maire, l’éducation nationale et le préfet étaient d’accord pour s’opposer à ce projet, pour une conjonction de motifs que l’on connaît tous, ayant trait notamment à l’urbanisme et au projet pédagogique, le ministère de l’intérieur pensait à bon droit que le juge administratif donnerait raison à M. le maire d’Albertville. Or le juge administratif lui a donné tort, et le maire de Clichy se trouve dans la même situation malheureuse.

Le Gouvernement était donc face à une alternative : soit profiter des dernières heures de discussion de ce projet de loi pour déposer un amendement, dont beaucoup ici souhaitent manifestement l’adoption ; soit attendre un futur texte législatif, dans trois ou quatre ans, ce qui aurait provoqué l’étonnement légitime des élus locaux et, il faut bien l’avouer, de la population.

Nos concitoyens ne peuvent pas comprendre la persistance de telles associations : alors qu’elles refusent de signer une charte reconnaissant l’égalité entre les femmes et les hommes et les valeurs de la République, de quel droit obtiendraient-elles le financement de lieux de culte – je vous renvoie à la décision de la mairie de Strasbourg – et des ouvertures d’écoles par dizaines, concernant des milliers d’enfants ? En effet, les projets que nous évoquons ne sont pas de petits projets.

Pour ce qui concerne Albertville, Mme la sénatrice Berthet, sans trahir le secret de la correspondance, m’a sollicité dès ce matin pour que le Gouvernement intervienne pour contrer les projets de la CIMG. Connaissant bien le dossier depuis plusieurs années, elle a insisté sur le fait qu’il fallait réagir.

Millî Görüs y a fait l’acquisition, en 2016, d’un terrain contigu à une mosquée existant dans un quartier relevant de la politique de la ville pour y implanter une école privée. Le projet a été présenté en 2018. Il prévoit six classes de maternelle et dix classes de primaire pour 250 élèves. Son coût est estimé à 4 millions d’euros, et son financement repose sur les dons de familles et d’entrepreneurs.

Monsieur le président de la commission de la culture, sauf erreur de ma part, le Sénat a adopté une modification du premier alinéa de l’article L. 441-1 du code de l’éducation afin de préciser que la nature des financements est un motif d’ordre public permettant de s’opposer à de tels projets. Vous regrettez que cette disposition n’ait pas été prévue jadis : les débats parlementaires ont permis de la voter, me semble-t-il sur proposition du Gouvernement, par la voix de Jean-Michel Blanquer.

On l’a dit, le maire d’Albertville s’est opposé à ce projet au nom de l’urbanisme, et il s’opposera demain à l’ouverture de l’école, mais le tribunal administratif lui a donné tort. Des présidents d’association sont allés dans son bureau, puis dans celui du préfet, pour leur dire grosso modo : « On se fiche de vos interdictions, on le fera quand même ! »

Oui ou non, la République entend-elle s’opposer à ceux qui veulent la combattre ? La question est là !

J’en viens au cas de Mulhouse. Plusieurs élus de cette ville m’ont sollicité de manière pressante ces derniers temps, qu’il s’agisse du lieu de culte ou de l’école. On peut reprocher au gouvernement actuel de réagir tardivement, mais ce dossier est vieux de presque dix ans !

En 2013, Millî Görüs achète un terrain de 2, 5 hectares dans la zone de la Mer Rouge à Mulhouse, avec pour projet d’y construire une salle de prière pour 1 500 personnes. En 2016, cette association dépose une demande de permis de construire pour une école confessionnelle destinée à accueillir des dizaines d’élèves. Or je crois savoir qu’à la fois l’autorité préfectorale, les services de l’éducation nationale et la mairie s’y opposent !

À Clichy-sous-Bois – vous remarquerez que mes références sont éclectiques pour ce qui concerne les maires éprouvant des difficultés ici ou là : je constate au passage que tous les quartiers concernés relèvent de la politique de la ville, ce qui devrait nous interpeller dans notre combat pour la République et pour la mixité sociale –, en 2014, on a présenté un projet d’école de 400 élèves répartis en 19 classes. Non seulement le maire, les services de l’éducation nationale et la préfecture s’y sont opposés sans succès, sous deux gouvernements différents, mais les prévisions ont été largement dépassées : désormais, on parle d’une surface de plancher de 4 500 mètres carrés et de 510 élèves. En l’occurrence, il s’agit du département de Seine-Saint-Denis.

Je le répète, sur ces sujets très importants, nous pensions que le juge administratif suivrait l’avis des maires, des représentants de l’État et de l’éducation nationale.

Que fera le préfet grâce à cette disposition ? Si sa décision est attaquée – c’est normal qu’elle le soit si l’on estime qu’elle traduit un excès de pouvoir –, il pourra soumettre différentes preuves, notamment des notes de renseignement – la juridiction administrative les accepte désormais de manière unanime –, prouvant que les intérêts de la Nation sont en jeu. La DGSI, Tracfin et, plus largement, les services de renseignement peuvent démontrer qu’il s’agit là d’ingérences étrangères et de volontés manifestes de séparatisme. Pardon, mais qu’y a-t-il de plus séparatiste qu’une école visant, indépendamment de son projet pédagogique, à construire les enfants contre nos propres valeurs ?

Dans la pratique, la difficulté vient souvent de la taqîya, c’est-à-dire la dissimulation. Le projet présenté est à peu près conforme, mais, une fois qu’il est réalisé, on s’aperçoit qu’il est bien différent que ce que l’on vous a vendu.

2 commentaires :

Le 23/04/2021 à 09:58, aristide a dit :

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"Millî Görüs y a fait l’acquisition, en 2016, d’un terrain contigu à une mosquée existant dans un quartier relevant de la politique de la ville pour y implanter une école privée. Le projet a été présenté en 2018. Il prévoit six classes de maternelle et dix classes de primaire pour 250 élèves. Son coût est estimé à 4 millions d’euros, et son financement repose sur les dons de familles et d’entrepreneurs."

Le communautarisme islamique est en marche...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 23/04/2021 à 10:00, aristide a dit :

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Il y a aussi des écoles juives , mais là, bizarrement, plus un mot...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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