Intervention de Bruno Lasserre

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 25 mars 2021 à 9h35
Audition de M. Bruno Lasserre vice-président du conseil d'état

Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d'État :

Monsieur le Sénateur Montaugé, je vous remercie pour votre aide dans la réalisation de l'étude annuelle sur l'évaluation des politiques publiques. Je suis d'accord avec l'objectif de votre proposition, mais je le suis moins avec le véhicule. En effet, le code civil n'est pas le bon vecteur pour contraindre le législateur. Ce code régit la vie des Français et a une simple valeur législative. La Constitution contraint les législateurs. Cette obligation d'évaluation doit y figurer. Elle ferait suite à la réforme de 2008, ayant marqué une étape dans l'inscription de cette exigence au niveau constitutionnel. Il est vrai que le Conseil constitutionnel a refusé de faire d'une insuffisance de l'évaluation préalable un motif d'inconstitutionnalité de la loi présentée.

Monsieur le Sénateur Burgoa, vous posez une question éminemment importante. La simplification de la norme doit-elle débuter par la simplification de l'attribution des responsabilités, notamment au sein des collectivités territoriales ? Le premier devoir n'est-il pas d'éclairer la manière dont les collectivités assument leurs responsabilités ? Aujourd'hui, les responsabilités de chacun dans les collectivités territoriales sont floues, ce qui crée un sentiment de dilution des responsabilités. Dans l'avis de 2017, nous avions montré l'importance de simplifier et de répartir clairement les responsabilités. Pour ce faire, il faut simplifier le millefeuille territorial. L'attribution des responsabilités laisserait néanmoins la possibilité aux collectivités territoriales de s'associer à d'autres collectivités. Par exemple, le regroupement lycée - collège - école pourrait être un élément positif pour mener à bien des projets communs ensemble.

Enfin, Monsieur le Sénateur Vial, je vous remercie pour votre question. Tout d'abord, il serait intéressant de réaliser des séances consacrées à l'évaluation au sein du Sénat. Les sujets sur la fiscalité et le logement peuvent par exemple très bien se prêter à l'exercice politique. En France, nous avons mis en place une fiscalité pour financer la dépense publique, et une fiscalité incitative pour influencer les comportements des ménages et des entreprises vers des modèles plus vertueux. Or, ces outils n'ont jamais été évalués et ces taxes sont renouvelées, sans vérifier l'atteinte des objectifs. Un travail indépendant sur le comportement réel des Français et entreprises devrait être effectué, pour étudier les retombées de ces taxes. Les résultats pourraient nous surprendre. Par ailleurs, la France consacre des moyens considérables à la politique du logement. Pourtant, nous observons des tensions entre les besoins de logement et l'offre de logements. Il serait intéressant d'évaluer l'atteinte des objectifs par rapport aux moyens attribués à cette politique.

En outre, vous avez raison sur le rôle du juge et du législateur. Toutefois, vous n'avez pas mentionné la responsabilité pénale des acteurs publics, qui s'est immiscée en pleine gestion de crise. Les acteurs doivent rendre des comptes sur leur gestion de crise, alors qu'elle n'est pas achevée. Les ministres, directeurs d'Ehpad, d'école, de prison, etc. prennent en compte le risque pénal dans leurs décisions (sortie des résidents, suivi des impératifs sanitaires, etc.). Souvent, ils souhaitent être couverts par des normes. Ils sont précautionneux et demandent à leur tutelle de les guider de manière précise pour échapper à la responsabilité pénale.

Ce sujet doit être abordé. Pour que la démocratie fonctionne et que les décisions soient prises correctement, les décideurs doivent accepter de prendre des risques, sans avoir peur du risque judiciaire.

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