Intervention de Éric Kerrouche

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 18 février 2021 à 9h00
Audition de M. Alain Lambert président du conseil national d'évaluation des normes cnen dans le cadre des travaux sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

Monsieur le président, votre parole est rafraichissante et impertinente, mais elle est surtout nécessaire dans le contexte que nous traversons. Nous sommes entrés dans une phase où, de façon très paradoxale, le principe d'égalité est devenu incantatoire. Or, à force de défendre ce principe d'égalité sans penser l'égalité dans ses différences, nous en arrivons à pérenniser, voire à creuser, des inégalités.

Pour ce qui est de l'irrecevabilité, nous sommes passés, vis-à-vis du juge constitutionnel, de la déférence à la révérence, à tel point que nous renonçons nous-mêmes à nos compétences, ce qui pose un véritable problème dans le débat au sein des commissions.

Plus fondamentalement, les équipes sont élues par une mandature. Or la loi est devenue l'outil exclusif de la réalisation des politiques. Nous faisons désormais la loi pour mettre en place un programme politique, comme si cela était le seul moyen, sans envisager d'amodiations périphériques.

Par rapport à vos propositions, Monsieur le président, je souhaiterais soulever deux problématiques. Tout d'abord, nous faisons face à une difficulté à l'intérieur de l'État : celle de l'agencification. Nous observons une multiplication des agences, qui se trouvent positionnées au-dessus du territoire mais en dehors de l'État. Cette scissiparité de l'État à l'intérieur de celui-ci engendre des difficultés, car les agences n'abordent pas le territoire de manière uniforme mais selon leur référentiel et leur vision du territoire. L'opérationnalisation des actions de ces agences peut également poser problème. Il nous faut donc remédier à cela.

Par ailleurs, pour éviter les doublons, ne devrions-nous pas aller, au sein du texte constitutionnel, vers une rupture plus fondamentale entre l'intervention de l'État et celle des collectivités territoriales ? Le domaine de l'État ne pourrait-il pas ainsi être délimité, dans son aspect régalien, pour qu'il ne s'éparpille pas, jusqu'à exercer parfois des contrôles d'opportunité au nom du droit ?

En conclusion, j'insisterai sur le fait qu'effectivement, l'important se trouve être l'efficacité. Or nous observons aujourd'hui une confusion au sein de nos collectivités territoriales. Celles-ci, et singulièrement les communes, sont conçues aussi comme des espaces démocratiques, sinon comme des espaces organiques. Au nom de cette définition, leur finalité, c'est-à-dire la distribution de services publics sur un territoire donné, tend à s'effacer. À cet endroit, il conviendrait de veiller à ce que la cellule démocratique ne soit pas uniquement justifiée par le fait d'assurer sa pérennité, mais existe davantage dans sa finalité. Dans cette optique, il nous faudrait effectivement réinterroger le principe d'efficacité de l'action publique, en tenant compte de la nécessaire collaboration, pour distribuer les services publics, entre les différents étages de collectivités. L'enjeu serait ainsi d'éviter qu'en séparant l'État des collectivités, ces dernières se retrouvent placées dans un marché d'affrontement constant les unes avec les autres.

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