Intervention de Alain Lambert

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 18 février 2021 à 9h00
Audition de M. Alain Lambert président du conseil national d'évaluation des normes cnen dans le cadre des travaux sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales

Photo de Alain LambertAlain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) :

En matière d'évaluation du droit, je crois que tout le monde est aujourd'hui d'accord pour considérer que, si l'on n'a pas introduit dans le dispositif initial les indicateurs vis-à-vis desquels on veut vérifier une progression, l'évaluation demeure tout à fait spéculative après quelques années. En conséquence, le seul moyen de vérifier une progression et de mesurer des résultats se trouve être d'indiquer, dès le départ, ce sur quoi on souhaite porter l'effort.

Vis-à-vis du droit de dérogation des préfets, une évaluation a bien été produite. Cette évaluation a mis en évidence que les préfets n'avaient pas suffisamment utilisé cette prérogative qui leur était donnée, probablement par pusillanimité, mais que, lorsqu'ils avaient utilisé ce droit qui leur était ouvert, cela avait produit, dans plus de 80 % des cas, des effets positifs. Sur la base de cette évaluation, le Sénat pourrait donc envisager d'aller plus loin. Il y aurait, là encore, une audace constitutionnelle à avoir, pour autoriser, par la loi ordinaire, les préfets à déroger, lorsque le législateur est allé trop loin dans le détail de la mise en oeuvre de la loi. Bien que les préfets ne soient pas sous l'autorité du législateur, celui-ci pourrait leur consentir une forme de délégation, pour leur autoriser une adaptation du droit trop détaillé par la loi. J'estime pour ma part que cela serait souhaitable. Vous pourrez trouver des pistes pour avancer en ce sens dans les documents du CNEN que je vous transmettrai.

L'évaluation de la qualité de l'action publique illustre quant à elle mon propos précédent. Dès lors que l'on n'a pas fixé de critères pour une évaluation, celle-ci demeure purement spéculative et arithmétique. L'évaluation n'offre alors en rien une appréciation de l'efficience. C'est pourquoi, si nous voulons progresser dans le domaine de l'évaluation - ce qui constitue à mon sens le futur du Parlement, dont le rôle est appelé à évoluer vers le contrôle et l'évaluation -, il est extrêmement important, d'un point de vue méthodologique, que les critères de l'évaluation soient initialement prévus et indiqués.

Pour ce qui est des différences d'interprétation entre les départements, il s'agit d'une réalité. La communauté urbaine d'Alençon, à cheval sur deux départements, doit ainsi composer avec les interprétations parfois différentes de deux préfets. Ce paradoxe démontre la trop grande complexité du droit initial - cette complexité donnant un pouvoir excessif à l'interprétation. Ceci nous invite à faire un usage beaucoup plus raisonné de la légistique.

S'agissant de la mise en concordance des administrations de l'État, des réponses pourraient être apportées dans le volet déconcentration de la loi « 4D ». À cet endroit, je vous mets néanmoins en garde, car tout ce qui relève de la déconcentration relève du domaine règlementaire et non du domaine législatif. C'est pour cette raison qu'en la matière, le texte de référence demeure la charte nationale de la déconcentration. Tout figure dans cette charte. Cependant, elle n'est guère respectée. Du reste, bien que n'étant pas légitime pour définir les modalités de la déconcentration, le législateur serait tout à fait légitime pour en évaluer la qualité. Ceci pourrait faire l'objet d'un contrôle de la part du Sénat.

Vis-à-vis de la réforme de la haute administration, le CNEN n'a pas été consulté, probablement au regard de ce que pourrait être son avis. Nous pensons effectivement que l'absence d'enseignement de la légistique est une catastrophe pour la formation des hauts fonctionnaires français.

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