Nous célèbrerons en juin prochain le vingtième anniversaire de la LOLF - cette loi ayant été adoptée définitivement par le Sénat le 28 juin 2001. Je crois donc qu'il y aurait effectivement matière à examiner de nouveau le sujet. Après son adoption, la LOLF a fait l'objet d'un appareillage bureaucratique insensé, ayant introduit de multiples indicateurs accablant les agents des collectivités pour, au final, n'être jamais examinés. À l'avenir, il conviendrait d'éviter de retomber dans ce biais.
Au sujet de l'évaluation, qui devrait selon moi constituer le futur du Parlement, je souhaiterais attirer votre attention sur le fait que vous ne disposez aujourd'hui que de peu de moyens pour modifier la loi qui vous est proposée. En revanche, vous avez la possibilité d'y intégrer, le cas échéant dans l'exposé des motifs de certains amendements dont vous savez qu'ils seront adoptés, des critères d'évaluation. Les administrations centrales sauront ainsi ce sur quoi elles seront jugées. Dans un système parlementaire rationalisé à l'extrême où il n'est plus guère possible de modifier par des amendements les orientations voulues par le Gouvernement, le Parlement a ainsi vocation à intégrer dans la loi des éléments de contrôle et d'évaluation. Vous en avez la possibilité au plan légistique et je vous y incite fortement.
Le CNEN serait par ailleurs heureux de pouvoir mener un grand travail d'évaluation des normes, le cas échéant en coopération avec le CESE et la Cour des comptes. Nous travaillons déjà avec ces institutions, qui ont beaucoup à nous apporter.
S'agissant de la relation entre le CNEN et le Parlement, il convient de rappeler que des parlementaires siègent au sein du Conseil. Il nous faudrait toutefois nous astreindre à élaborer ensemble un programme semestriel de travail, dont la réalisation puisse être évaluée.
Pour ce qui est de l'application de la loi, je suis toujours étonné de voir le Sénat publier des textes extraordinaires sur le sujet, alors que l'enjeu devrait être d'évaluer les lois et leurs effets, davantage que leur application en tant que telle. À cet égard, j'ai proposé que la loi « 4D » intègre un article relatif à l'esprit du législateur. L'objectif serait ainsi de faire en sorte que le pouvoir règlementaire soit davantage tenu de respecter cet esprit. La coopération entre le CNEN et le Sénat permettrait ensuite de veiller, en amont de l'examen des décrets d'application par le Conseil d'État, au respect de l'intention des textes législatifs. Le Parlement pourrait ainsi trouver, au-delà de son métier législatif, un rôle complémentaire de contrôle de l'exécutif et d'évaluation des textes législatifs.
Je ne crois pas, par ailleurs, que l'irrecevabilité empêche le bavardage. Au fond, ce qui empêche le bavardage est davantage le temps accordé par la Conférence des présidents aux débats autour d'un texte - le temps libéré par l'argument de l'irrecevabilité n'étant pas nécessairement consacré à des débats plus utiles. L'avantage de l'amendement parlementaire est qu'il oblige l'exécutif à entendre le point de vue du Parlement. Du reste, à cet endroit, le fait que l'irrecevabilité soit parfois opposée à des amendements de la majorité pose question et pourrait traduire une volonté d'éluder certains sujets.
Au sujet des finances, nous nous orientons vers une suppression du rôle institutif du Parlement. Le rôle du Parlement est désormais d'adopter les lois sans disposer d'une grande influence sur leur contenu. En revanche, il demeure indispensable pour autoriser à la fois la recette et la dépense. Or, avec le système des impôts partagés, ce rôle du Parlement est appelé à être très sérieusement remis en cause. Il conviendrait donc de rechercher le moyen de conserver des éléments de fiscalité locale distincts des fractions de fiscalité nationale.
Pour exercer ainsi son rôle premier, le Parlement nécessiterait de continuer à exiger de disposer de toutes les informations sur ce sujet, non uniquement au moment de la présentation des lois de finances, mais au niveau de la présentation des lois de programmation. Quelle serait l'utilité d'avoir instauré par une révision constitutionnelle les lois de programmation si celles-ci ne font pas l'objet d'une vraie discussion, autour de ce que l'exécutif prépare pour les cinq années à venir ? Or, aujourd'hui, ces lois de programmation ne font l'objet que d'un examen superficiel.
À cet égard, je partagerai avec vous une anecdote. Le CNEN, avec l'autorisation du Secrétariat général du Gouvernement, s'est une fois autosaisi du programme de stabilité. À cette occasion, il a demandé à la Direction du trésor de lui traduire les ratios de PIB en milliards d'euros. La Direction du trésor s'y est toutefois refusée, au motif que, selon elle, cet exercice n'avait aucun sens. Nous avons aujourd'hui des administrations qui estiment que le fait de parler en monnaie n'a pas de sens...