Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 14 avril 2021 à 15h00
Organisation des prochaines élections départementales et régionales — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Nous sommes légitimement en droit de nous interroger sur l’intérêt d’utiliser, une fois de plus, l’article 50-1 de la Constitution, que nous avons encore eu l’occasion d’apprécier il y a quelques jours.

Pour tout vous dire, nous autres parlementaires ne savons plus s’il faut considérer que nous sommes là pour entériner symboliquement des décisions déjà prises dans des enceintes plus confidentielles, ou si nous servons d’excipient pour mieux diluer la responsabilité de décisions que l’exécutif ne souhaite pas nécessairement endosser dans sa globalité.

Bien sûr, personne ne niera la difficulté de votre tâche, monsieur le Premier ministre, ni même la complexité de décider sous la pression d’une opinion publique fatiguée et d’élus parfois versatiles, y compris parmi vos plus proches soutiens. Nous en avons bien conscience !

Pour autant, je vais vous répéter exactement ce que je vous disais il y a une semaine à cette tribune : nous n’avons pas la même définition du choix collectif dans une démocratie parlementaire.

Or, au fond, ce dont nous débattons aujourd’hui n’est rien d’autre que la question fondamentale pour notre société de sa continuité démocratique dans des circonstances exceptionnelles. Nous avions déjà abordé cette question l’année dernière à l’occasion du report des élections municipales. Nous aurions gagné à y apporter des réponses non pas circonstanciées, mais pérennes, au lieu de devoir encore revenir sur le sujet à l’occasion de l’examen du projet de loi que vous nous avez annoncé pour le mois de mai.

Dans notre conception d’une République moderne et transparente, nous aurions souhaité que toutes les options relatives au calendrier électoral soient mises d’emblée sur la table, nonobstant toutes les incertitudes liées à l’évolution de la situation pandémique, en particulier lors de nos débats sur la loi du 22 février dernier.

Cela aurait sans doute évité les effets désagréables d’une consultation des maires précipitée en un week-end – quand bien même elle aura eu le mérite d’exister et de donner une voix à ceux qui se retrouveront une nouvelle fois en première ligne, pour organiser le scrutin dans les meilleures conditions possible.

Je tiens d’ailleurs à saluer la grande réactivité des maires de France dans l’Hexagone et en outre-mer, qui ont été près de 24 000 à répondre à cette consultation, quel que fût le sens de leur réponse, en à peine quelques heures. Je n’oublie pas non plus l’implication des associations d’élus, dans toute la diversité de leur expression.

Monsieur le Premier ministre, vous le savez, puisque je vous en ai fait part par courrier la semaine dernière, mon groupe est avant tout viscéralement attaché au respect, en toutes circonstances, des principes fondamentaux de notre vie démocratique, qui doivent régir aussi bien la régularité du déroulement de la campagne électorale que la sincérité du scrutin et l’égalité entre tous les candidats.

Or, vous en conviendrez, il n’existe pas à ce jour de solution idéale à même de garantir un déroulement normal du scrutin, que ce soit juridiquement ou politiquement, dès lors que les conditions sanitaires qui seront celles du mois de juin prochain sont incertaines. Faut-il alors lâcher la proie pour l’ombre ? Nous ne le pensons pas, et je vous confirme que mon groupe se ralliera dans sa majorité à l’idée de maintenir les deux scrutins en juin prochain.

C’est en toute responsabilité que nous nous prononçons, en ayant parfaitement à l’esprit que notre économie est dans un état plus qu’inquiétant, que nos restaurateurs n’en peuvent plus d’attendre, que le monde de la culture est en train de se nécroser et que notre système de santé s’approche trop souvent du point de rupture.

L’urgence d’un retour à une vie normale se fait sentir partout. Nous y incluons évidemment l’urgence de la continuité démocratique, car si l’on peut maintenir les entreprises ouvertes, les bureaux de vote peuvent l’être aussi.

Monsieur le Premier ministre, nous y attachons d’autant plus d’importance que le plus grand risque, nous le savons tous, est celui d’une abstention massive de nos concitoyens.

Cette abstention serait encore plus significative à l’heure où les réseaux sociaux forgent l’opinion, ce qui pourrait conduire à une ochlocratie – le régime dans lequel la foule impose sa volonté –, où le complotisme ne s’est malheureusement jamais aussi bien porté et où l’on assiste à un recul inquiétant du rationalisme chez nos jeunes concitoyens. Cessons de nous lamenter et agissons plutôt pour que l’abstention ne soit pas le premier parti de France, ouvrant la voie à une légitimation des extrémistes !

Dans ces circonstances, comme l’ont relevé de nombreux maires consultés, il convient de s’appuyer sur l’expérience du renouvellement des conseils municipaux l’année dernière.

Nous disposons aujourd’hui d’élus et de personnels municipaux parfaitement formés et réactifs. Je n’imagine pas un électeur se rendre dans un bureau de vote sans utiliser du gel hydroalcoolique ou respecter les distances. Les gestes barrières font désormais partie de notre quotidien.

Nous considérons, par conséquent, que les mesures que vous avez annoncées vont dans une direction satisfaisante, quand bien même elles n’apportent pas de garanties absolues : report d’une semaine du scrutin – il coïncidera avec le départ du Tour de France !

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