Intervention de Éric Kerrouche

Réunion du 14 avril 2021 à 15h00
Organisation des prochaines élections départementales et régionales — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

Les élections locales deviennent alors, au mieux, des péripéties aménageables, au pire, des élections de second ordre. C’est sans doute ce qui explique votre désinvolture dans la façon dont vous avez consulté in extremis les maires, le week-end dernier, alors que le casse-tête du calendrier était connu depuis plusieurs semaines. Il faut souligner l’esprit de responsabilité des maires, auxquels vous cherchiez pourtant à faire assumer vos propres turpitudes, comme vous avez tenté de le faire avec le conseil scientifique et les parlementaires.

Loin de moi l’idée de vous reprocher de consulter ceux sans qui la crise sanitaire ne trouverait pas d’issue, mais la façon de faire laisse songeur, qu’il s’agisse de l’utilisation du système de gestion d’alerte locale automatisée (GALA) ou du recours à des « Google Forms » improvisés… Cette consultation tardive, au-delà du manque de transparence, comme, semble-t-il, pour les données sanitaires, était orientée.

Le deuxième point est lié au précédent : sauf exception et alliance, vous n’existez pas dans les territoires, ou si peu. Localement, La République En Marche est un concept ; c’est, en quelque sorte, un parti politique furtif. §On peut dès lors penser qu’empêcher la lisibilité ou la préparation de cette campagne jusqu’au dernier moment pouvait relever de la bévue, mais elle procédait en réalité de la stratégie, parce que vous continuez d’entretenir la confusion.

Mme la ministre Schiappa, la main sur cœur, nous déclarait dans cet hémicycle que, même si les dates des élections n’étaient pas inscrites dans la loi, elles auraient lieu les 13 et 20 juin.

Ce dernier report d’une semaine, comme une dernière boutade après tant de paris ratés, aura potentiellement de vraies conséquences en matière de participation, sous couvert d’un motif sanitaire. Cela constitue pourtant l’essentiel de vos aménagements, avec un comité de suivi. Le reste figure déjà dans la loi ou le règlement, voire est prévu de longue date – je pense notamment à la plateforme Ma Procuration. Vous nous annoncez de nouvelles mesures législatives à la marge – un dernier coup, sans doute, dans votre stratégie de brouillage.

Il n’est pas possible d’adapter tous les secteurs de la vie sociale et d’exiger de nouveaux comportements depuis plus d’un an, tout en assurant, dans le même temps, que de telles adaptations ne seraient pas possibles dans le domaine du droit électoral. Il n’est pas possible de dire aux Français qu’ils peuvent travailler et consommer, mais qu’ils ne peuvent pas voter, ce dernier geste prenant pourtant, en général, moins de temps. Il n’est pas possible de ne pas adapter les campagnes électorales et le vote de manière structurelle, alors que d’autres pays l’ont fait. Vous avez pourtant refusé de le faire.

Avec constance, sur tous les textes ayant trait aux sujets électoraux, nous avons porté une multitude de propositions, comme nous le faisons sur d’autres aspects de la crise. Nous le faisons depuis un an au travers d’amendements, dont, par mansuétude, je tairai le nombre, et de propositions de loi, mais le Gouvernement s’est obstiné, consciencieusement et méthodiquement, à tout repousser. Peut-être le report du scrutin au-delà de 2022 était-il plus important…

L’exemple le plus emblématique est celui de l’annulation, à la dernière minute, des législatives partielles, alors même que, le week-end dernier encore, des élections municipales se tenaient, notamment dans le département dont je suis élu, avec des taux de participation honorables.

Vous avez noyé la réflexion sur le vote par correspondance sous des considérations communautaires. Pourtant, le conseil scientifique le défend. Lorsque, pour la énième fois, j’ai avancé cette proposition, Mme la ministre Schiappa m’a doctement répondu que « ce n’est pas parce que cela se fait ailleurs que c’est forcément bien. » Soit, mais quel contraste tout de même avec les autres démocraties qui, autour de nous, ont su s’adapter avec efficacité et célérité !

Même le vote sur trois jours n’a pas trouvé grâce à vos yeux ni d’ailleurs à ceux de la droite sénatoriale. La mobilisation des médias audiovisuels pour la campagne a été rayée par votre majorité parlementaire avant que vous ne reveniez à de meilleurs sentiments. La campagne d’information que vous évoquez n’est autre qu’une proposition du Sénat qui, elle, au moins, aura été préservée. Nous vous avons même suggéré des bureaux de vote en extérieur, ce que la circulaire du 18 juin 2020 prévoit déjà.

Dans tout cela, la diversion fonctionne, au détriment du fond et du débat démocratique qui s’abîme.

Monsieur le Premier ministre, en ce qui concerne la décision sur le maintien des élections, il n’était pas trop tôt pour savoir s’il était trop tard, pour reprendre une formule de Pierre Dac

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