Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 14 avril 2021 à 15h00
Organisation des prochaines élections départementales et régionales — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Gérald Darmanin :

Or le renouvellement des cantons en deux séries, A et B, permettait le prêt de matériels de vote entre collectivités. De tels prêts seront plus compliqués cette année – je ne l’apprendrai pas aux représentants des collectivités locales que sont les sénateurs.

La mobilisation des femmes et des hommes qui tiennent les bureaux de vote sera également plus compliquée. Pour tenir les 140 000 bureaux qui seront ouverts, c’est-à-dire deux fois 70 000, il faut au minimum 600 000 personnes, sans compter les scrutateurs. Or, selon le conseil scientifique, il faut tester trois fois toutes ces personnes avant le premier tour des élections, ce qui implique d’ailleurs que les maires de France devront désigner bien avant le vote les élus et fonctionnaires qui tiendront les bureaux. Nous devrons aussi proposer à toutes les personnes qui ne le seront pas déjà d’être vaccinées, ce qui représentera une part importante des personnes mobilisées ce jour-là, puisqu’il s’agit d’élus ou de fonctionnaires en activité. Et je ne parle pas des scrutateurs !

Le vaccin ne commençant à protéger que quinze jours au minimum après l’inoculation, nous devrons connaître les noms des présidents, assesseurs et fonctionnaires qui seront mobilisés dans les 140 000 bureaux de vote entre trois semaines et un mois avant les élections des 20 et 27 juin prochains.

Autrement dit, la semaine de décalage n’est pas une facétie du Premier ministre ou du ministre de l’intérieur ; elle est nécessaire pour organiser les choses en amont. Je veux d’ailleurs dire que, parmi les 22 000 maires de France qui ont répondu à la consultation, quelle que soit la réponse qu’ils ont donnée, très nombreux ont été ceux qui ont relayé ces difficultés – c’était particulièrement le cas pour les élus des communes les plus rurales.

Cela dit, nous allons prendre des dispositions réglementaires et vous proposer des mesures législatives pour organiser le mieux possible ces élections. Je ne reviens pas sur ce qu’a dit M. le Premier ministre à ce sujet.

Pour ce qui est des mesures réglementaires, nous allons utiliser l’article R. 40 du code électoral, qui prévoit qu’en cas de force majeure le préfet peut, jusqu’au dernier moment, modifier le lieu du bureau de vote, même si j’imagine que le législateur n’avait pas envisagé l’hypothèse d’un coronavirus…

Je suis d’accord avec vous, madame Cukierman : il est très important de ne pas changer les habitudes des électeurs.

Il s’agira donc de modifier, non pas la localisation des bureaux de vote – ils seront situés dans le même bâtiment, que ce soit une école, une maison de retraite, l’hôtel de ville ou tout autre lieu –, sauf exception et consensus, mais l’endroit où l’on peut voter au sein de ce bâtiment.

Il s’agira aussi de voir si le vote peut se faire en extérieur, en cas de conditions météorologiques favorables.

Ainsi, les électeurs pourraient faire constater leur identité, prendre les bulletins de vote et voter dans des conditions qui limitent les risques de contamination, notamment les risques liés à des files d’attente.

En outre, il pourrait être intéressant d’utiliser des dépendances, si elles sont plus pratiques pour l’organisation du bureau de vote.

C’est évidemment sur proposition des maires que ces possibilités seront mises en œuvre.

Pour ce qui concerne les horaires, leur fixation relève du pouvoir réglementaire et peut varier selon les communes.

La plupart des maires souhaitent que les bureaux ferment à dix-huit heures, tout simplement parce que plus les bureaux ferment tard, plus il est difficile de trouver des volontaires pour les tenir et des scrutateurs pour le dépouillement.

J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait que le mieux peut être l’ennemi du bien. L’extension des horaires est un mantra facile à réciter en tribune, mais, dans les faits, le jour des élections, il est difficile de trouver des scrutateurs pour la soirée, d’autant que, si nous proposons que les mêmes scrutateurs puissent dépouiller les deux scrutins dans un objectif de mutualisation et d’efficacité, le dépouillement prendra nécessairement plus de temps et pourrait durer jusque tard dans la nuit ! Dans ces conditions, il faudra savoir se montrer patient avec le ministère de l’intérieur pour obtenir les résultats…

Nous pouvons donc prévoir de décaler l’horaire de fermeture des bureaux de vote après dix-huit heures, mais en aucun cas après vingt heures. Je rappelle que la France n’a voté après vingt heures que pour les avant-dernières élections européennes et pour le référendum européen.

Je demanderai aux préfets, dès la semaine prochaine, de consulter l’association des maires de leur département afin de définir le meilleur horaire possible. Quoi qu’il en soit, s’il ne m’est sans doute pas arrivé aussi souvent qu’à vous de tenir un bureau de vote, je ne pense pas qu’un citoyen qui ne fait pas l’effort d’aller voter avant dix-huit heures le fera davantage entre dix-huit et vingt heures…

Par conséquent, sauf exception, je suis de l’avis de la sénatrice Cukierman : il ne faut pas changer les habitudes électorales, sauf si, je le répète, le préfet ou le sous-préfet trouve un consensus avec les élus de son territoire.

Nous devons également nous assurer de la sincérité du scrutin en ce qui concerne le dépouillement et les scrutateurs. C’est un point très important.

À cet égard, il nous semble nécessaire de proposer que ceux qui tiennent les bureaux de vote puissent dépouiller le scrutin, même si c’est aujourd’hui totalement orthogonal avec notre droit électoral. Il n’est d’ailleurs pas certain que le Conseil constitutionnel suive le législateur et le Gouvernement sur cette idée.

De même, si nous pouvons évidemment organiser les bureaux de vote des élections régionales et départementales au même endroit, le Conseil constitutionnel a clairement interdit que deux urnes soient tenues par le même bureau. Je veux bien me faire comprendre : il est obligatoire d’organiser deux opérations électorales distinctes, ce qui implique qu’il y ait deux présidents de bureaux de vote ainsi que des assesseurs différents, même si les bureaux de vote sont situés au même endroit.

Néanmoins, nous allons essayer de mutualiser au moins les opérations de dépouillement. Nous verrons bien quel avis rendra le Conseil d’État sur les dispositions électorales qui seront inscrites dans le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, puis quelle sera la décision du Conseil constitutionnel. Nous espérons que cet avis et cette décision permettront d’avancer dans ce sens. Il n’y aurait rien de pire que ce texte soit censuré, voire qu’une question prioritaire de constitutionnalité soit acceptée durant ou juste après les opérations de vote.

J’en viens, mesdames, messieurs les sénateurs, au sujet de la campagne électorale, que M. le Premier ministre a évoqué.

Le couvre-feu va continuer à s’appliquer, certainement jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire tel que voté par le Parlement. À la mi-mai, et c’est bien normal, les gens vont vouloir faire du porte-à-porte, ce qui n’est pas interdit. Ils voudront distribuer des documents dans les boîtes aux lettres ; ce n’est pas interdit non plus. Bien évidemment, après le 24 mai, date qui, comme l’a dit M. le Premier ministre, marquera le début de la campagne électorale officielle, ils voudront également se réunir.

Nous allons donc imaginer des dispositions permettant de délivrer, sur proposition du candidat ou du parti politique, des attestations de déplacement aux militants et aux candidats eux-mêmes. Ces attestations seront évidemment limitées aux activités politiques stricto sensu, même si cela sera très difficile à surveiller. Quoi qu’il en soit, consigne sera donnée à la police et à la gendarmerie pour que la démocratie vive au mieux.

Je veux enfin évoquer le sujet des procurations. La loi permet dorénavant à un électeur de porter deux procurations.

Je veux tout d’abord souligner l’important travail qu’a effectué le ministère de l’intérieur pour numériser la procédure de procuration. Il ne s’agit pas de supprimer la procuration physique, qu’il sera évidemment toujours possible d’établir dans les commissariats et les gendarmeries. L’objectif est de gagner du temps.

Surtout, nouveauté importante, on ne demandera plus de certificat médical à ceux qui seraient empêchés d’aller voter et voudraient faire établir une procuration. Il faudra simplement trouver un mandataire. En cas de déclaration numérique, le mandant se verra attribuer un numéro d’identification ; il devra le présenter à l’officier de police ou de gendarmerie qui, en quelques secondes, constatera son identité et validera la procuration, laquelle sera immédiatement envoyée aux services municipaux.

Avec cette numérisation totale, il n’y aura plus de problème de coupon ou de doute sur l’existence de la procuration, si celle-ci n’est pas parvenue avant le vendredi soir précédant le scrutin. Je remercie d’ailleurs l’Association des maires de France pour le travail que nous avons réalisé ensemble sur cette question.

Par ailleurs, le mandataire recevra notification par courriel ou SMS de la validation de la procuration par l’officier de police ou de gendarmerie.

Le fait que des personnes malades, empêchées ou ayant peur de se rendre au bureau de vote puissent tout de même remplir leur devoir de citoyen, puisque nous ne demandons plus de motiver la demande de procuration par exemple par un voyage professionnel ou des raisons de santé, simplifiera très largement l’activité démocratique liée aux scrutins des 20 et 27 juin.

Pour conclure, je souhaite vous indiquer, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que je me permettrai de vous interroger, à la suite de ce vote sur la déclaration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur les mesures que vous souhaiteriez voir figurer dans le projet de loi à venir ou dans les mesures réglementaires. J’en ferai naturellement de même avec les députés. Je suis évidemment à la disposition de chacun d’entre vous pour essayer de simplifier au mieux les opérations électorales, tout en tenant compte de l’avis du Conseil d’État, qui sera sans doute sourcilleux.

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