Intervention de Martine Filleul

Réunion du 14 avril 2021 à 15h00
Lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Martine FilleulMartine Filleul :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les confinements ont jeté une lumière crue sur la détresse de 14 millions de personnes en situation d’illectronisme. Avec la digitalisation grandissante de notre société, les injustices sont exacerbées, et il y a une véritable rupture d’égalité. Pour beaucoup, travailler, étudier, accéder à ses droits et même se soigner devient un défi insurmontable. Car, outre que l’accès matériel au numérique est coûteux, son utilisation, loin d’être simple et intuitive, suppose d’en maîtriser les codes.

Si dès 1999 Lionel Jospin pointait le risque d’illectronisme, encore aujourd’hui, près d’un Français sur deux n’est pas à l’aise avec le numérique, et près d’un sur cinq en reste totalement exclu. Ce qu’il faut appeler un échec est lié à l’absence de politique publique organisée. Notre conviction est qu’il faut envisager l’inclusion numérique comme un service public à part entière.

Tout d’abord, ce service doit être structuré et organisé. Car, comme dans la lutte contre l’illettrisme, la difficulté de l’illectronisme réside dans la capacité à atteindre ceux qui en ont le plus besoin et qui nécessitent un accompagnement. Or les publics les plus éloignés du numérique ne sont ni repérés ni contactés.

Parallèlement, l’atomisation des initiatives et la multiplication des niveaux décisionnels rendent les actions difficilement visibles pour les bénéficiaires.

C’est pourquoi nous aurions souhaité qu’une telle compétence soit explicitement dévolue au département : compte tenu de sa mission de solidarité territoriale, de lutte contre les exclusions et d’accompagnement social, celui-ci apparaît comme l’échelon pertinent. Dans les faits, de nombreux départements se sont déjà saisis de cette problématique.

Nous proposons ainsi que chaque département élabore un schéma de lutte contre l’illectronisme. Cela permettra de dresser un bilan des actions existantes sur le territoire, de mieux les coordonner et de les développer en fonction des besoins identifiés et en s’appuyant sur les structures existantes. Je pense notamment à La Poste, qui, grâce à son maillage territorial et à ses facteurs, couvre toutes les zones, même les plus reculées. Ainsi, la politique départementale de lutte contre l’illectronisme sera clairement définie, plus efficace et répartie équitablement sur le territoire.

Ensuite, ce service public doit bénéficier d’un investissement à la hauteur de l’enjeu. Nous saluons à ce titre l’article 8, qui vise à instaurer un fonds de lutte contre l’exclusion numérique. De la même manière, l’article 9, qui permet aux ménages modestes de bénéficier d’un chèque-équipement pour l’acquisition de matériel informatique, nous paraît aller dans le bon sens.

Cependant, il ne faut pas l’oublier : plus encore que le matériel, c’est le coût d’une connexion à internet qui est un frein. Il conviendrait de réfléchir à une aide pour le paiement d’un abonnement.

Ces moyens doivent aussi permettre de développer la médiation numérique, encore insuffisante face à la dématérialisation des services publics. Si la liberté donnée à l’usager sur les moyens de correspondance et de paiement ou encore le droit à l’erreur sont bienvenus, c’est la question de la formation qui est primordiale, qu’il s’agisse des enseignants comme des élèves, des chefs d’entreprise comme des salariés. Nous soutenons donc les différentes mesures prévues dans le texte à cet égard.

Afin que la formation puisse être efficiente, une bonne connaissance des besoins est essentielle.

Nous considérons qu’une évaluation régulière des compétences numériques de nos concitoyens est loin d’être superfétatoire. D’ailleurs, alors que la lecture est censée être acquise par tous les élèves, son évaluation lors de la Journée défense et citoyenneté ne permet-elle pas de détecter et d’orienter chaque année des jeunes confrontés à l’illettrisme et passés entre les mailles du filet ?

Enfin, le numérique ne doit pas être un facteur d’isolement pour les personnes en situation de handicap. Seuls 13 % des sites en lignes leur sont accessibles ; le renforcement des mesures pour accélérer la mise en conformité des sites semble nécessaire.

Si la proposition de loi que nous examinons sur l’initiative de notre collègue Éric Gold ne peut pas résoudre l’ensemble des problèmes posés par l’illectronisme, elle comporte des mesures de bon sens pour répondre aux besoins de nombreux usagers. À ce titre, et parce que tout outil supplémentaire est utile pour lutter contre l’exclusion numérique, elle mérite d’être soutenue.

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