Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 14 avril 2021 à 15h00
Lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, contraventions, impôts, sécurité sociale, puis, avec le confinement, télétravail, école à distance : le numérique s’est emparé avec succès, il faut le dire, de la relation du citoyen avec l’administration et, plus généralement, d’un grand nombre de domaines.

Toutefois, si cette révolution numérique a eu un impact positif dans l’organisation de l’administration, les dysfonctionnements ne sont pas rares. À ce jour, chaque avancée du numérique s’accompagne encore d’un accroissement des disparités et des inégalités des citoyens face à ces outils et à leurs usages. Nous avons tous vécu, je pense, des situations kafkaïennes, où, de réponse automatique en réponse automatique, plus aucun humain n’apparaît, aucun guichet n’est ouvert, aucun numéro de téléphone n’est à disposition pour que l’usager puisse résoudre ses problèmes administratifs.

Ces dysfonctionnements touchent tout le monde, quel que soit le milieu social, économique ou culturel, mais encore plus les personnes détenues, les étrangers et les personnes illettrées. La précarité et l’âge creusent encore cette fracture.

J’ai dit que nous étions tous concernés, mais ce « nous » englobe des situations bien diverses : manque de moyens financiers pour s’équiper ; coût des connexions à internet ; zones blanches ; absence de connaissances ou de formation ; difficultés de compréhension de ces outils.

Tout comme l’illettrisme, c’est un fléau discret pour ceux qui en souffrent souvent de manière honteuse. Les personnes éloignées du numérique peinent en effet à demander de l’aide.

La mission d’information du Sénat de septembre dernier avait pointé que « 14 millions de Français ne maîtrisaient pas le numérique » et que « près d’un Français sur deux n’était pas à l’aise ». Or la maîtrise de ces outils est devenue un paramètre incontournable pour l’accès effectif de l’usager non seulement au service public, mais aussi à l’emploi, voire, de plus en plus, à l’éducation, à la culture ou à l’information.

La présente proposition de loi, que je salue, s’inspire de ce rapport et cherche, au travers de ses seize articles, à améliorer la situation actuelle, en permettant une meilleure prise en compte de ces publics en difficulté.

Il faut savoir que le rapport sénatorial préconisait la mobilisation d’un milliard d’euros pour financer l’inclusion numérique, soit quatre fois plus que le montant alloué par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance.

Je regrette que notre commission n’ait pas adopté ce texte, qui prévoit notamment un fondamental droit au guichet, essentiel dans la garantie réelle d’un accès au service public, un droit à l’erreur, notamment pour les aidants qui effectuent les démarches en ligne pour le compte de tiers, ou encore une compétence nouvelle pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) afin qu’elle « accompagne la structuration des offres de médiation numérique sous une labellisation unique et établisse une cartographie de l’ensemble des lieux d’accompagnement des usagers du service public ». Enfin, dans son article 8, ce texte vise à créer un fonds de lutte contre l’exclusion numérique, doté d’au moins 500 millions d’euros par an, donc plus ambitieux que la stratégie nationale mise en place par le Gouvernement.

Certes, je reste plus hésitant sur la mesure instituant un chèque numérique. Les exclus du numérique étant souvent des personnes en difficulté financière, d’autres formes d’aides ne leur imposant pas une médiation entre leurs différents besoins me paraissent plus appropriées.

Notre groupe propose ainsi de demander aux grandes entreprises de donner ou de vendre à bas coût leurs anciens équipements électroniques dans un esprit de développement durable fort. Ce serait le moyen de renforcer les filières de redistribution solidaire et de diminuer le volume des déchets numériques, tout en favorisant l’équipement des populations fragiles.

Nous proposons également de permettre aux travailleurs sociaux, en première ligne dans la réduction de cette fracture, comme pour beaucoup d’autres sujets, d’être formés à la médiation numérique.

Nous saluons et nous soutiendrons les démarches de nature à rappeler l’impact environnemental des outils du numérique et à garantir l’information de tous les nouveaux usagers sur cette question.

Ayant à l’esprit l’enjeu social majeur de l’accès au numérique et les quelques avancées concrètes inscrites dans cette proposition de loi, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires comptaient voter ce texte, sauf que le rapporteur, avec l’accord de la majorité de la commission des lois, souhaite le vider de sa substance, en proposant, par ses amendements, la suppression de onze des seize articles…

Nous voterons contre ce texte, s’il devait être ainsi amputé !

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