Intervention de Patrick Chaize

Réunion du 14 avril 2021 à 15h00
Lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Patrick ChaizePatrick Chaize :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inclusion numérique, ce sont des liens et des lieux.

Liens humains d’abord, car c’est l’accompagnement par des médiateurs, des conseillers ou d’autres référents qui prime pour les 17 % de la population qui restent éloignés des usages du numérique et ne peuvent ni se relier au monde et aux administrations, de plus en plus distantes, ni accéder à leurs droits, à l’emploi, mais aussi à la santé, à la culture ou à l’éducation.

Lieux de proximité ensuite, car les « fracturés » du numérique, qui appartiennent à toutes les catégories d’âge, sont souvent des personnes isolées, vivant à l’écart des centres-villes ou en milieu rural.

À ce propos, mes chers collègues, avez-vous déjà essayé de remplir vous-mêmes un quelconque formulaire administratif en ligne à l’aide d’un smartphone, qui plus est en zone blanche ?

Certains ont voulu nous faire croire, peut-être de bonne foi, qu’avec le suréquipement de nos concitoyens en téléphones dits intelligents la fracture numérique était en voie d’être réduite. La période que nous vivons actuellement nous prouve à quel point ils se trompaient.

Parallèlement au déploiement des infrastructures télécoms fixes et mobiles – en même temps, si j’ose dire –, les collectivités ont accompagné les usages. Les élus locaux n’ont eu de cesse de mettre en place des lieux et de rémunérer des animateurs, que ce soient des cybercafés municipaux dans les années 1990, des points d’accès dans les mairies, les médiathèques ou les établissements scolaires ou encore des cyberbus.

Certains de ces lieux et de ces postes d’animateur ont su s’adapter et survivre aux réorientations incessantes des politiques nationales. Nous pouvons donc nous réjouir aujourd’hui, plus de vingt ans après ces pionniers, qu’une stratégie nationale d’inclusion numérique soit de nouveau à l’ordre du jour. Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que plusieurs centaines de millions d’euros lui soient enfin consacrées et nous associer à cette grande cause nationale, notamment au travers de cette proposition de loi.

Pour autant, plusieurs points de cette démarche sont perfectibles. Que pouvons-nous améliorer ?

Premièrement, pour mieux détecter les publics en difficulté, il est essentiel de se mettre d’accord sur les données nécessaires pour définir un indice partagé entre État et collectivités, plutôt que d’adopter une classification stigmatisante, comme nous avons pu en entendre parler. Je me permets ici de faire référence au rapport sénatorial sur le devenir de La Poste, qui ouvre aussi certaines perspectives.

Deuxièmement, il convient de passer du 100 % dématérialisé au 100 % accessible. L’ensemble des acteurs, dont les associations de collectivités, n’ont cessé de rappeler qu’il fallait, d’une part, laisser le choix à l’administré de son mode de relation avec l’administration et, d’autre part, offrir un mode d’accès alternatif, au mieux un guichet – les 2 000 maisons France Services annoncées vont dans ce sens – ou, pour le moins, un accès téléphonique avec des conseillers qui répondent.

Troisièmement, le financement de la politique publique d’inclusion numérique devrait s’envisager sur le temps long. Il ne peut se satisfaire de stop and go incessants, voire contradictoires, au gré des changements gouvernementaux.

Quatrièmement, sur l’accompagnement des usagers exclus de la dématérialisation des services publics, le Gouvernement, par l’intermédiaire de l’ANCT, multiplie les actions et les appels à projets : pass numériques, hubs France connectée, Aidants Connect, conseillers numériques France Services, Fabriques de territoires, Territoires d’action pour un numérique inclusif, ABC Pix, etc. Cette abondance de dispositifs permet d’aborder le problème de l’inclusion avec une palette d’outils, mais entraîne un inévitable problème de lisibilité, d’autant que, pour la plupart d’entre eux, le fonctionnement par appels à projets ne conduit bien souvent que les collectivités les mieux dotées en matériel et ressources humaines à pouvoir y répondre dans les délais impartis.

Les associations d’élus locaux, telle l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), appellent constamment de leurs vœux depuis des années une politique publique dite d’inclusion durable. Pourtant, l’horizon de celle-ci semble toujours être avril 2022. L’inclusion numérique, ce ne sont pas que des appels à projets, comme celui proposé par l’ANCT et appelé Nouveaux lieux, nouveaux liens.

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