Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 7 avril 2021 à 9:5
Audition de M. Bernard Doroszczuk président de l'autorité de sûreté nucléaire

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et Olivier Gupta, directeur général de l'ASN, pour échanger avec eux sur les enjeux liés à la sûreté des installations nucléaires. Notre commission vous avait auditionné en 2018, M. Doroszczuk, en tant que candidat à vos fonctions proposé par le Président de la République. Trois ans après cette audition, il nous a semblé indispensable de vous entendre à nouveau, tant ces enjeux sont aujourd'hui au coeur de l'actualité. Je pense ici à la prolongation des centrales existantes, au chantier de l'EPR de Flamanville, au démantèlement de la centrale de Fessenheim ou encore à l'impact de la crise de la Covid-19 sur le programme d'arrêts de tranches d'EDF.

Le 23 mars dernier, le Sénat a adopté, à l'initiative de Bruno Retailleau, Daniel Gremillet et moi-même, une résolution appelant, en substance, à revaloriser la place de l'énergie nucléaire dans notre mix énergétique. L'énergie nucléaire constitue en effet un atout considérable pour atteindre l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050, que notre commission a consacré dans le cadre de la loi « Énergie-Climat ».

Lors de mon allocution en séance publique sur cette proposition de résolution, j'ai tenu à indiquer qu'il nous fallait « conforter les missions de l'ASN ». En effet, nous plaidons pour une énergie nucléaire, tout à la fois, plus importante et plus sûre. Production et sûreté nucléaires ne doivent donc surtout pas être opposées, comme nous l'entendons parfois ; tout au contraire, il nous faut les faire progresser de concert !

Dans ce contexte, je souhaiterais vous poser quatre séries de questions.

Ma première question concerne la prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires.

En France, ces réacteurs sont soumis à un réexamen périodique, tous les dix ans, pour évaluer les conditions de la poursuite de leur fonctionnement. Or les trente-deux réacteurs d'une puissance de 900 mégawatts exploités par EDF atteignent progressivement leurs quarante ans de fonctionnement, c'est-à-dire une durée supérieure à celle définie lors de leur mise en service, ce qui nécessite une actualisation des études de conception ou des remplacements de matériel. Le 23 février dernier, l'ASN a autorisé la poursuite de l'activité de ces réacteurs, en déterminant des prescriptions qui seront appliquées réacteur par réacteur, au terme de chaque réexamen périodique. En quoi consistent ces prescriptions ? Quels en sont le calendrier et le coût de mise en oeuvre ?

Ma deuxième question a trait au chantier de l'EPR - European Pressurized Reactor ou réacteur pressurisé européen - de Flamanville.

Son achèvement est en effet crucial pour notre politique énergétique, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, dans son Bilan électrique annuel, notre transporteur d'électricité Réseau de transport d'électricité (RTE), qui est en charge de l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, a placé la France en situation de « vigilance particulière » jusqu'en 2024, en raison notamment « des retards dans le chantier de l'EPR de Flamanville ». Plus encore, ces retards détériorent la situation financière d'EDF, alors que ce chantier représente déjà un coût de 12,5 milliards d'euros. Enfin, ces retards paralysent, nous semble-t-il, toute prise de décision sur le devenir de notre filière nucléaire, car le Président de la République a conditionné l'éventuelle construction de nouveaux EPR à la mise en service de celui de Flamanville.

Les décisions prises par l'ASN quant au site de Flamanville sont donc déterminantes. Il semble y avoir des progrès, puisque l'ASN a autorisé EDF, le 22 mars dernier, à utiliser un robot pour reprendre les huit soudures défectueuses de l'EPR en chantier de Flamanville 3, dont elle avait demandé la réparation, il y a deux ans. Cependant, à la suite d'un contrôle inopiné à la mi-janvier 2021, l'ASN a mis EDF en demeure, le 1er mars dernier, de se conformer aux dispositions règlementaires en matière de préparation et de gestion des situations d'urgence sur les réacteurs en exploitation de Flamanville 1 et 2. Quel bilan faites-vous de la sûreté du site de Flamanville ? Les difficultés sur les soudures de l'EPR sont-elles en passe d'être résolues ? La date de mise en service de cet EPR, prévue pour 2022, est-elle tenable ? En somme, quelles leçons tirez-vous des difficultés rencontrées ?

Ma troisième question porte sur le programme d'arrêts de tranches d'EDF, c'est-à-dire les opérations de maintenance des centrales existantes, notamment pour renforcer la sûreté des installations.

La crise de la Covid-19 a obligé EDF à revoir ce programme, compte tenu de difficultés liées à la disponibilité de son personnel. Or, cette révision pèse sur notre production d'énergie nucléaire ainsi que sur la situation financière d'EDF. Quel jugement portez-vous sur l'incidence de la crise de la Covid-19 sur notre parc nucléaire ? Où en est le programme d'arrêts de tranches d'EDF ? Quels sont les retards constatés et les surcoûts induits ?

Ma dernière question concerne les opérations de déconstruction de certains réacteurs nucléaires.

Pour respecter l'objectif de 50 % de production d'énergie nucléaire d'ici 2035, adopté dans le cadre de la loi « Énergie-Climat », quatorze réacteurs nucléaires doivent être arrêtés, ceux de la centrale de Fessenheim ayant déjà cessé de fonctionner. Les opérations de déconstruction induites emportent des enjeux spécifiques sur le plan de la sûreté nucléaire. En effet, elles nécessitent la mise à l'arrêt du réacteur suivi du démantèlement du bâtiment puis du réacteur. S'étalant sur une période de quinze ans, ces opérations sont subordonnées à un décret pris après avis de l'ASN. S'agissant du démantèlement des réacteurs de la centrale de Fessenheim, l'ASN a demandé à EDF, le 3 février 2020, de compléter son plan de démantèlement puis, le 23 novembre 2020, d'appliquer un « noyau dur » de prescriptions jusqu'à l'évacuation complète du combustible en 2023. Pouvez-vous nous préciser les prescriptions prises par l'ASN pour la centrale de Fessenheim ? Plus généralement, quelle est la doctrine de l'ASN pour garantir un haut niveau de sûreté des opérations de déconstruction des réacteurs, qui seront amenées à se multiplier dans les années à venir ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion