Intervention de Erwann Tison

Délégation aux entreprises — Réunion du 1er avril 2021 à 8h30
Table ronde quelles perspectives pour le télétravail

Erwann Tison, directeur des études de l'Institut Sapiens :

Le télétravail peut être un très bon outil pour l'inclusion en entreprise. Nous savons que la plupart du temps, l'écart entre le salaire des hommes et des femmes s'opère au moment du congé maternité. Le télétravail peut permettre un retour beaucoup plus doux en entreprise pour les mères et l'égalisation de cet écart. Il peut en outre permettre des transitions vers la fin de vie professionnelle, par exemple en tant qu'outil de préretraite, mais également le recours accru aux travailleurs handicapés, en déspatialisant le rapport au travail.

Sur le volet de l'accompagnement, trois mesures peuvent être citées. La première est la compensation auprès des non-télétravailleurs, soit près de 60 % de la population française, qui vivraient une double injustice sociale à ne pouvoir y avoir recours. Il a notamment été proposé la prise en charge totale de leurs frais de transport par l'entreprise. D'autres mécanismes de négociation peuvent être imaginés. Tout encadrement du télétravail doit cependant se concevoir au niveau microéconomique. La plupart du temps, le télétravail fonctionne mieux en cas d'accord individuel voire d'entreprise qu'avec un accord de branche ou global. Nous devons donc laisser la plus grande latitude aux différents acteurs pour optimiser eux-mêmes l'organisation du télétravail.

Sur la question des tiers-lieux, la puissance publique dispose du levier que constituent les nombreuses gares fermées ou désaffectées, au nombre de plus de 2 030 sur le territoire. Elles sont généralement situées dans des lieux reculés, où l'activité mériterait d'être stimulée. Leur transformation, comme la gare Vaugirard à Paris, transformée en tiers-lieu et espace de coworking, pourrait permettre à des travailleurs de télétravailler, en échappant aux contraintes liées à leur domicile, et de recréer un écosystème. Nous avons en outre évoqué la thématique du management, qui recouvre celle de la formation au télétravail. Le télétravail s'apprend en effet du point de vue des actifs, mais aussi de l'employeur. Nous proposons donc de développer des certifications liées au télétravail, permettant aux managers d'apprendre à gérer leurs équipes à distance et aux salariés de gérer cette nouvelle responsabilité, en maniant l'articulation des temps privés et professionnels.

Du point de vue des territoires, le télétravail, en déspatialisant l'approche territoriale, peut permettre de créer des postes d'activité de part et d'autre. Il peut également permettre à la plupart des entreprises d'élargir leur bassin de recrutement.

Enfin, la question de la délocalisation des cols blancs vers d'autres pays où le coût du travail est incitatif pour les entreprises est primordiale. Depuis quelques années, nous assistons cependant à un retour de ces emplois à forte valeur ajoutée vers les terres européennes. De nombreuses entreprises, notamment de conseil et d'audit, qui avaient délocalisé cette masse de travail vers les pays asiatiques ont constaté que cette différence de coût du travail ne se justifiait pas au regard des externalités positives de la relocalisation de ces emplois en France et en Europe.

En conclusion, le télétravail est un excellent outil au service de la productivité, de l'inclusion, de l'accompagnement et d'un nouveau management, mais il doit être utilisé avec parcimonie, avec une notice partagée, claire et écrite par tous les acteurs. Enfin, plus nous décentraliserons la rédaction de cette notice, plus nous pourrons optimiser sa pratique et faire de cette promesse du travail déspatialisé une réalité au service de l'inclusion sur le marché du travail.

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