Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 15 avril 2021 à 9h05
Agriculture et pêche — Table ronde sur l'actualité européenne de la pêche avec mm. virginijus sinkevicius commissaire européen à l'environnement aux océans et à la pêche françois-xavier bellamy député européen pierre karleskind président de la commission de la pêche du parlement européen et mme caroline roose députée européenne

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président :

Merci Monsieur le Commissaire. Je vais à mon tour vous poser quelques questions et formuler plusieurs remarques, auxquelles les uns et les autres pourront répondre. En préambule, je dirais que, certes, nous parlons beaucoup, mais qu'en attendant des entreprises souffrent et des pêcheurs sont empêchés de travailler. Pierre Karleskind le sait, puisque nous avons récemment eu une réunion avec le comité régional des pêches des Hauts-de-France et des représentants de la profession. Certains pêcheurs se trouvent à présent dans des situations désespérées. Nos réflexions devraient poser les bases de ce qui permettra à ces personnes de retravailler.

Pour dire les choses de façon un peu abrupte, j'en suis aujourd'hui à un stade où je me demande si, s'agissant de la pêche, l'Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne est un bon accord, tout du moins pour certaines régions. Je m'interroge sur ce point pour plusieurs raisons. Tout d'abord, si nous sommes parvenus à obtenir des Britanniques un accès à leurs eaux territoriales pour une période déterminée, force est de constater que cet accès est limité, avec une efficacité qui n'est pas acquise : on l'observe avec la question des licences. S'y ajoute le problème du débarquement des produits, qui avait lieu jusqu'à présent en Angleterre, puisque certains pêcheurs hauturiers doivent dorénavant passer par le Danemark en faisant revenir leurs poissons par la route, ce qui est un non-sens environnemental. Il y a là un vrai sujet en termes de développement durable et de non compatibilité avec le Pacte vert.

Ensuite, sur la clause dite du « grand-père » déterminant l'antériorité de pêche des bateaux, je crois sincèrement quitte, à m'exprimer de façon abrupte, que, s'agissant du régime de la preuve, nous nous sommes « fait avoir » par les Britanniques, car ils savaient que nous aurions du mal à fournir les éléments justificatifs. Aujourd'hui, nous sommes obligés d'aller rechercher des certificats de capture parce que de nombreux bateaux ont changé de propriétaire au cours de la période de référence. Sur ce sujet, la situation est incontrôlable. Voilà donc pour ma première observation, qui porte sur l'Accord en lui-même.

J'en viens maintenant à ma seconde observation, qui concerne cette fois la Politique commune de la pêche : on est en droit de demander si, tout comme la Politique agricole commune avec les agriculteurs, la PCP demeure encore adaptée à tout ce que l'on exige des pêcheurs. Aujourd'hui, ces derniers doivent déjà faire face aux effets du Brexit et de la covid-19. Demander demain aux entreprises de pêche de respecter en outre le Pacte vert apparaît certes tout à fait louable, mais, dans certains domaines, cela va les obliger à redoubler leurs efforts.

La question des espèces hors quota évoquée par François-Xavier Bellamy est aussi très intéressante. En effet, beaucoup de nos professionnels avaient commencé à orienter leur activité sur ces espèces. Je pense notamment aux bulots, qui ont une belle valeur ajoutée. Or aujourd'hui on observe que les Anglais sont en train d'adapter leur flotte pour venir « rogner sur la part de gâteau » jusqu'alors réservée aux pêcheurs français.

Sur les quotas encore, certains points mériteraient d'être revus. Je suis scandalisé, je vous le dis Monsieur le Commissaire, par les photos et les films que me renvoient de nombreux pêcheurs obligés de rejeter des kilos de bars à la mer alors que la ressource n'est pas menacée. Ce n'est certainement pas bon pour l'économie et ça l'est encore moins en termes de développement durable. Je demande donc des précisions sur cette question, pour pouvoir apporter des réponses dans nos territoires.

Concernant la réserve d'ajustement au Brexit, je me demande également - vous allez trouver que j'ai l'esprit très critique, mais permettez-moi de l'avoir compte tenu de la situation dans laquelle se retrouvent certaines entreprises - si elle a été suffisamment anticipée. Il paraît clair que les cinq milliards d'euros prévus ne suffiront pas à faire face à tous les problèmes que nous avons devant nous, en particulier ceux de la pêche !

Pour conclure, je souhaite revenir sur la question du contrôle des pêches, évoqué par Caroline Roose. L'Union européenne doit bien sûr y être attentive. La situation apparaît au demeurant tellement tendue dans nos territoires et notamment sur tout ce que j'appelle « l'arc est » et la Manche que cela nécessitera probablement des infrastructures de contrôle des pêches. Mon prédécesseur Jean Bizet avait fort opportunément adressé une lettre à la Commission européenne, appelant à la mise en place à Boulogne-sur-Mer d'un bureau de contrôle des pêches européen, en particulier pour la région des Hauts-de-France. Ce dispositif aurait plus que jamais du sens. En conclusion, je dirais que j'espère que nos pêcheurs n'auront pas, contrairement à certains de leurs collègues européens, besoin d'aller chercher des pavillons anglais pour survivre.

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