Intervention de François-Xavier Bellamy

Commission des affaires européennes — Réunion du 15 avril 2021 à 9h05
Agriculture et pêche — Table ronde sur l'actualité européenne de la pêche avec mm. virginijus sinkevicius commissaire européen à l'environnement aux océans et à la pêche françois-xavier bellamy député européen pierre karleskind président de la commission de la pêche du parlement européen et mme caroline roose députée européenne

François-Xavier Bellamy, député européen :

Je vais me concentrer sur le sujet du Brexit et sur les points évoqués précédemment. L'Accord de commerce et de coopération est-il bon ? La question nous est fréquemment renvoyée par les pêcheurs que nous avons l'occasion de rencontrer. Évidemment que non : cet accord est une mauvaise nouvelle pour eux, puisqu'ils vont perdre 25 % de leurs produits en valeur, au terme de la période de transition de cinq ans. Cependant, la situation aurait pu être infiniment pire, si bien que je pense que nous avons également un travail de pédagogie à faire et que nous ne devons pas rester les bras croisés face au discours défaitiste que l'on entend parfois dans les ports consistant à dire qu'en définitive, tout cela n'a servi à rien.

Il faut imaginer ce que cela aurait été si toute la pêche française avait été arrêtée du jour au lendemain sans aucune perspective de reprise : la situation aurait été dévastatrice ! N'oublions pas que la possibilité d'un no deal a en permanence plané au-dessus de la négociation, y compris jusqu'à la toute dernière semaine, ce qui aurait signifié une fermeture complète des eaux britanniques. Nous avons aussi entendu des propositions visant à réduire de 60 %, voire de 80 %, la pêche européenne dans les eaux britanniques. Finalement, nous sommes parvenus à limiter ce chiffre à 25 %, et pour cela, il faut le dire, les Européens ont su se montrer solidaires.

Alors, certes, les pêcheurs vivent une période difficile, mais c'est pour cela que la réserve d'ajustement au Brexit a été créée et que nous nous battons au Parlement européen, afin que la clé de répartition soit la plus efficiente possible, sachant que dans d'autres secteurs économiques l'impact sera faible, ou ambivalent, voire même gagnant, comme pour les services financiers. Inclure ces derniers dans la réserve me paraît totalement injuste, puisque ce secteur a gagné de nouveaux actifs et que des acteurs se sont relocalisés dans l'Union européenne.

Contrairement à ce que certains observateurs avaient prédit, la pêche n'a donc pas été la variable d'ajustement des négociations avec le Royaume-Uni, c'est-à-dire le sujet sur lequel des concessions majeures allaient être faites pour mieux tirer notre épingle du jeu sur les questions du commerce, des services financiers, des flux migratoires, de la sécurité, et autres enjeux cruciaux pour tous les États membres. Ceux des États membres qui n'ont pas ou peu d'activité de pêche avec le Royaume-Uni, ou aucune activité de pêche, auraient pu dire à des pays comme la France, les Pays-Bas et la Belgique que ce sujet ne devait pas mettre en danger un accord avec le Royaume-Uni. Malgré tout, cela ne s'est pas du tout passé comme cela : la pêche a fait partie des priorités de l'équipe de négociation, de la première à la dernière semaine. Pour Michel Barnier, elle a même toujours fait partie des sujets qui conditionnaient l'existence d'un accord d'ensemble, au même titre que le protocole irlandais et la question de l'équité des règles de concurrence, couramment désignée sous les termes de « level playing field » en langue anglaise.

On peut en être satisfait. Maintenant, nous devons nous battre pour que l'interprétation de l'Accord soit conforme à sa lettre et à l'esprit des engagements pris par les Britanniques. C'est pourquoi il me paraît fondamental, aujourd'hui, d'identifier les leviers d'action dont dispose la Commission européenne pour contraindre le Royaume-Uni à respecter ses engagements. Et nous devons pouvoir les actionner sur d'autres terrains que celui de la pêche au besoin. Reste à savoir à quel moment nous allons nous décider à le faire. Quand j'entends que les Britanniques s'apprêtent à soumettre à des quotas des espèces en réalité hors quota sans appliquer cette contrainte à leurs propres pêcheurs, ce qui est un cas flagrant de non-respect de l'Accord, je me demande quelle va être notre réponse. Les Britanniques sont évidemment des amis et des partenaires, et il importe de rester en bons termes avec eux. Mais, nous le savons, nous ne pouvons pas compter seulement sur leur amitié et sur leur bonne foi ; ils défendent aussi leurs intérêts et il est parfaitement légitime que nous fassions de même, en particulier quand il s'agit de faire respecter l'accord signé.

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