Nous entendons ce matin une communication de Didier Marie et moi-même consacrée au réexamen de la politique commerciale de l'Union européenne. Je salue nos collègues présents grâce à la visioconférence.
À la suite de sa communication du 27 mai 2020, la Commission européenne a décidé de procéder à un examen de la politique commerciale de l'Union. Elle a alors lancé une consultation publique, qui s'est achevée le 15 novembre 2020, mettant notamment l'accent sur le concept « d'autonomie stratégique ouverte ». La Commission a reçu plus de 400 contributions, dont celle du gouvernement français.
Les autorités françaises ont mis en avant quatre axes stratégiques : construire une autonomie stratégique pour l'Union européenne ; renforcer et mieux utiliser les instruments de l'Union pour assurer les conditions d'une concurrence équitable avec les pays tiers ; moderniser l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour apporter des solutions pérennes aux distorsions du commerce mondial et contribuer à la réponse aux enjeux contemporains ; et mettre en oeuvre un agenda bilatéral cohérent avec nos intérêts stratégiques et nos attentes en matière de développement durable.
Le Parlement européen a, pour sa part, adopté une résolution sur la politique commerciale de l'Union le 26 novembre 2020.
À la suite de cette consultation publique, la Commission européenne a présenté, le 18 février dernier, une communication portant réexamen de la politique commerciale, et le 2 mars 2021, le Conseil a tenu un premier échange de vues sur cette communication.
Nous évoquerons à nouveau les questions commerciales européennes au cours des prochaines semaines, tant en séance publique, au travers de la proposition de résolution sur la procédure de ratification du CETA - Comprehensive Economic and Trade Agreement - déposée par nos collègues du groupe CRCE, qu'en commission, lors de l'audition de Franck Riester programmée au mois de mai.
Pour préparer cette communication, nous avons auditionné des représentants de la direction générale du Trésor et du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) qui nous ont globalement fait part de leur satisfaction quant aux orientations présentées par la Commission.
Dans sa communication, la Commission rappelle tout d'abord le cadre général dans lequel s'inscrit la politique commerciale européenne, confrontée à de nouveaux défis, encore accrus par la pandémie de la covid-19. Elle souligne l'accroissement des tensions politiques et géoéconomiques et le renforcement de l'unilatéralisme, dont elle discerne l'origine dans quatre évolutions : la mondialisation, les échanges technologiques et la mise en place de chaînes de valeur mondiales ; l'essor de la Chine, qui affiche des ambitions mondiales et applique un modèle de capitalisme d'État, mais se pose en « rival systémique » et empêche les entreprises européennes de bénéficier de conditions équitables ; l'accélération du changement climatique qui fait de la transition écologique « l'objectif déterminant de notre époque », de pair avec l'équité sociale ; et enfin la transformation numérique, qui rend inadéquate la gouvernance multilatérale actuelle et entraîne une évolution dans la nature des échanges.
Face à ces défis, la Commission propose d'affirmer la politique commerciale comme un élément de soutien à l'autonomie stratégique ouverte de l'Union européenne. Elle souligne la nécessité de coordonner l'action intérieure et l'action extérieure, et d'effectuer des rapprochements entre politique commerciale, politique de concurrence et politique industrielle. C'est un véritable changement d'approche de la Commission.
La Commission définit l'autonomie stratégique ouverte comme la « capacité de l'Union européenne de faire ses propres choix et de façonner le monde qui l'entoure par son rôle de chef de file et par son engagement, à la lumière de ses intérêts stratégiques et de ses valeurs dans le cadre d'une intensification de la coopération internationale ». C'est donc à la fois un choix stratégique et un « état d'esprit pour les décideurs », bâtis autour de trois priorités : la résilience et la compétitivité pour renforcer l'économie de l'Union ; la durabilité et l'équité ; la fermeté et une coopération fondée sur des règles. La Commission affirme clairement que l'Union est prête à lutter contre les pratiques déloyales et à utiliser des outils autonomes pour défendre ses intérêts lorsque cela est nécessaire. La Commission a souvent été taxée d'angélisme par le passé : cette fois, le discours est clair et ferme.
Tout l'enjeu est de passer de la parole aux actes pour permettre de transformer la puissance commerciale de l'Union en véritable levier politique. Selon les données de la Commission européenne, 85 % de la croissance mondiale viendront des économies extra-européennes dans les dix prochaines années, d'où l'importance pour l'Union européenne d'être en capacité de tirer le meilleur bénéfice du commerce international. L'Union européenne est le premier acteur commercial au monde, avec plus de 3 100 milliards d'euros d'exportations de biens et services en 2019, pour 2 800 milliards d'euros d'importations. C'est le premier partenaire commercial de 74 pays, le premier partenaire commercial de l'Asie, de l'Afrique, des États-Unis, des pays des Balkans occidentaux et du voisinage européen. Quant à la France, elle compte 130 000 exportateurs - essentiellement des PME -, dont 76 000 pour le commerce extra-Union européenne. Le Gouvernement estime ainsi que les exportations représentaient près d'un tiers du produit intérieur brut en 2019, et que 3 millions d'emplois en dépendent directement.