À partir de ce constat, la Commission européenne définit trois objectifs politiques de moyen terme : soutenir la reprise et la transformation de l'économie de l'Union européenne, conformément aux objectifs qu'elle s'est fixés concernant la transformation numérique et la protection de l'environnement ; façonner les règles mondiales pour qu'elles permettent une mondialisation plus durable et équitable ; et renforcer la capacité de l'Union européenne à défendre ses intérêts et à faire valoir ses droits, y compris de manière autonome si nécessaire.
Pour atteindre ces objectifs, la Commission identifie six domaines d'action.
Le premier, c'est la réforme de l'OMC : il s'agit de prendre davantage en compte le développement durable et de renforcer les règles permettant d'éviter les distorsions de concurrence dues à l'intervention de l'État, mais aussi d'oeuvrer au rétablissement d'un mécanisme de règlement des différends pleinement opérationnel, assorti d'un organe d'appel réformé. Pour atteindre ces objectifs, la Commission mise sur un renforcement de la coopération transatlantique, facilité par l'arrivée au pouvoir de Joe Biden.
Le deuxième axe, c'est le soutien à la transition écologique ainsi que l'encouragement de chaînes de valeur responsables et durables, en agissant de manière bilatérale et multilatérale. La Commission entend ainsi utiliser la politique commerciale afin d'encourager le comportement responsable des entreprises et le respect des normes en matière d'environnement ainsi que de droits de l'homme et de condition des travailleurs. La Commission met également en avant son intention de présenter une proposition sur la gouvernance durable des entreprises, incluant un « devoir de diligence » contraignant en matière d'environnement ainsi que de droits de l'homme et de droits des travailleurs. En ce domaine, la Commission est soumise à une forte pression du Parlement européen, qui a adopté, le 10 mars 2021, une résolution contenant des recommandations à la Commission ainsi qu'une proposition complète de directive.
Le troisième axe, c'est le soutien à la transition numérique et au commerce des services. La Commission considère à cet égard que le cadre mondial de règles internationales doit être actualisé en priorité, dans le cadre de l'OMC.
Le quatrième axe, c'est de renforcer l'influence de l'Union sur le plan réglementaire, en particulier dans les domaines des transformations écologique et numérique.
Le cinquième axe consiste à renforcer les partenariats de l'Union avec les pays voisins, avec les pays concernés par l'élargissement et avec l'Afrique, car la stabilité et la prospérité de ces zones sont dans l'intérêt politique et économique de l'Union.
Enfin, la communication de la Commission insiste sur la nécessité d'améliorer la mise en oeuvre et le contrôle du respect des accords commerciaux, mais aussi de mettre en place des conditions de concurrence équitables. La Commission rappelle tout d'abord que le responsable européen du respect des règles du commerce, nommé en juillet 2020, jouera un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de cette stratégie. Elle se place dans une perspective tout à fait positive, en soulignant les possibilités offertes par les accords commerciaux négociés par l'Union et les « perspectives économiques considérables » ouvertes par les négociations conclues ou en cours dans la région Asie-Pacifique et en Amérique latine. Elle souligne ainsi l'importance de « créer les conditions de la ratification des accords avec le Mercosur et le Mexique et de conclure les négociations en cours, en particulier avec le Chili, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont bien avancé ». Elle ajoute, s'agissant du Mercosur, qu'un « dialogue a été engagé sur l'amélioration de la coopération pour ce qui est de la dimension de développement durable de l'accord, en particulier à propos de la mise en oeuvre de l'accord de Paris et de la déforestation ». Mais cette présentation nous semble à tout le moins optimiste. Nous sommes en attente d'éléments sur les négociations en cours avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. S'agissant du CETA, les résultats semblent très positifs pour la balance commerciale française, mais telle n'est pas la perception de certaines filières et nous attendons également des éléments complémentaires. Enfin, s'agissant du Mercosur, le blocage semble bien plus profond que ce que laisse entendre la communication de la Commission.
La France a fait valoir des « conditions préalables » en matière de lutte contre le changement climatique et de lutte contre la déforestation, qui pourraient permettre la reprise du processus de validation de l'accord avec le Mercosur. Elle a également souligné la nécessité d'un suivi tout particulier des effets cumulés des accords commerciaux conclus par l'Union sur les filières agricoles. C'est un point sur lequel nous interrogerons Franck Riester lors de son audition.
La Commission européenne met en avant sa volonté de surveiller la bonne mise en oeuvre et le contrôle effectif du respect des accords commerciaux et de faciliter le dépôt de plaintes liées aux obstacles à l'accès au marché et aux violations des engagements pris en matière de commerce et de développement durable. Elle affirme qu'elle s'attaquera aux cas de non-respect des dispositions et qu'elle continuera de faire usage de ses instruments de défense commerciale pour éviter que l'industrie européenne ne soit exposée à des pratiques commerciales déloyales. Elle souligne néanmoins la nécessité de développer de nouveaux outils pour protéger les acteurs européens contre des mesures coercitives d'États tiers et pour remédier aux distorsions provoquées par des subventions étrangères sur le marché intérieur de l'Union. La Commission met également l'accent sur la sécurité, en invitant tous les États membres à mettre en place un véritable mécanisme de filtrage des investissements directs étrangers pour protéger les intérêts européens et en leur demandant d'assurer l'application effective du règlement sur le contrôle des exportations de biens et technologies à double usage sensibles. La Commission appelle enfin à combler certaines lacunes et faire avancer les travaux relatifs à l'instrument sur les marchés publics internationaux, afin d'améliorer l'accès réciproque des opérateurs de l'Union européenne aux marchés publics. Elle propose également de définir une stratégie européenne en matière de crédits à l'exportation, afin de garantir des conditions de concurrence plus équitables aux entreprises de l'Union sur les marchés des pays tiers.
C'est donc un paquet complet qui nous est ici proposé. La tonalité générale me semble bonne, même si elle me paraît, à certains égards, optimiste : la Commission évite ainsi d'envisager toute remise en cause des accords conclus ou en cours de négociation. Tout l'enjeu est de savoir si, au-delà des mots, ces orientations vont avoir une traduction concrète et rapide.