Intervention de Didier Marie

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 avril 2021 à 8h30
Politique commerciale — Réexamen de la politique commerciale de l'union européenne - communication de mm. jean-françois rapin et didier marie

Photo de Didier MarieDidier Marie, rapporteur :

La covid-19 et ses conséquences économiques et sociales ont conduit à une prise de conscience accélérée de notre dépendance stratégique chez l'ensemble des responsables européens. Cela se traduit dans la communication de la Commission, qui reprend, d'ailleurs, une partie des résolutions adoptées par le Parlement européen, lequel souhaitait une véritable inflexion de la politique commerciale de manière à prendre en considération les nouvelles orientations en matière environnementale et demandait de mettre l'accent sur l'acceptation et les conditions de vie de nos concitoyens.

Le premier élément de prise de conscience a trait à la place de l'Europe dans le monde aujourd'hui. Le temps où tout tournait autour des relations transatlantiques est révolu. Les projections en matière de PIB et d'échanges internationaux montrent que la décennie qui s'ouvre est absolument essentielle pour que l'Europe ne décroche pas. Faute d'initiatives suffisantes et d'imposition par la négociation de ses normes et valeurs, l'Europe pourrait, dans dix ans, se trouver en grande difficulté.

À cet égard, il est nécessaire de réformer l'OMC. Ce sujet fait l'objet d'une annexe à la communication, qui atteste une vraie volonté de l'Union européenne d'engager les négociations au plus vite, d'instaurer des règles contraignantes et de mettre en place une instance de règlement des différends rénovée en s'appuyant sur la nouvelle administration américaine. La nomination de la nouvelle présidente de l'OMC permettra vraisemblablement d'avancer sur ce plan. L'enjeu est essentiel.

Deuxièmement, je veux évoquer les moyens de passer des bonnes intentions aux actes. On voit jour après jour que les bonnes intentions affichées se fracassent sur le mur des égoïsmes nationaux.

Le dernier exemple en date est la relance des négociations sur le Mercosur. Mû par des intérêts nationaux évidents, le Portugal souhaite conclure cet accord dans le cadre de sa présidence du Conseil, alors que les avancées demandées par la France et par d'autres, et affichées par la Commission elle-même, sur la dimension environnementale notamment, ne se sont pas concrétisées. Nous verrons si la France maintiendra jusqu'au bout son opposition à cet accord.

De même, l'Allemagne a poussé pour conclure, sous sa présidence du Conseil, un accord global d'investissement avec la Chine, en mettant de côté la question des droits de l'homme. Les tensions internationales avec la Chine sur le travail forcé des Ouïghours ne l'ont pas empêchée de faire primer ses intérêts économiques.

Nous aurons bien évidemment, dans le cadre des futurs accords commerciaux, à veiller au respect des droits fondamentaux, des droits de l'homme et des normes de l'Organisation internationale du travail (OIT), autant de sujets qui ne sont pas toujours prioritaires dans les négociations - je pense à l'accord avec le Vietnam, qui n'a toujours pas ratifié les conventions de l'OIT.

Enfin, s'agissant du contrôle des accords, l'Union européenne vient de nommer une sorte de superviseur en rassemblant plusieurs directions qui, pour l'instant, travaillaient en silo. Nous verrons de quelles marges de manoeuvre réelles dispose ce superviseur. Aura-t-il la capacité d'identifier les dispositions des accords qui ne sont pas suivies d'effets et d'engager les mesures coercitives permettant de corriger le tir ?

La Commission mettra-t-elle en place les outils nécessaires pour une plus grande acceptabilité, laquelle passe par un meilleur dialogue avec la société civile, les ONG et la population ? La Commission s'enorgueillit des 400 contributions recueillies sur sa communication relative au commerce international, mais, à l'échelle européenne, cela interroge sur l'implication de la société civile. Il y a donc un vrai enjeu de transparence et d'ouverture de la Commission.

Enfin se pose la question de la nature des accords, qui sont aujourd'hui de la compétence exclusive de l'Union européenne. Ce ne sont plus des accords mixtes, ce qui exclut les Parlements nationaux de leur suivi et de leur contrôle. C'est un sujet sur lequel l'Union européenne devra revenir sous une forme ou une autre.

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