Intervention de Jean-Michel Arnaud

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 avril 2021 à 8h30
Éducation — Audition de M. Jean Arthuis ancien ministre président d'euro app mobility et du cercle erasmus et communication de Mme Colette Mélot et M. Jean-Michel Arnaud sur le programme « erasmus + » pour l'éducation la formation la jeunesse et le sport

Photo de Jean-Michel ArnaudJean-Michel Arnaud, rapporteur :

Je soulignerai tout d'abord l'ambition nouvelle donnée au programme Erasmus +. Pour la période 2021-2027, il bénéficiera finalement de 26,2 milliards d'euros en prix courants, soit presque le double de l'enveloppe accordée pour la période 2014-2020 qui s'élevait à 14,7 milliards. À l'origine, en mars 2018, la Commission européenne avait prévu d'y consacrer 30 milliards d'euros en prix courants. Les députés européens avaient quant à eux proposé 47 milliards d'euros, soit un triplement de l'enveloppe précédente. L'accord sur le cadre financier pluriannuel intervenu en juillet 2020 avait revu ce montant à la baisse. Finalement le parlement européen et le Conseil se sont entendus en décembre dernier pour le réévaluer à plus de 26 milliards. L'accord politique sur le règlement du programme Erasmus + pour 2021-2027 devrait être entériné lors du Conseil « Éducation, culture, jeunesse et sport » les 17 et 18 mai prochain. Cet accord est crucial pour répondre à la demande toujours accrue de mobilité et d'échange des citoyens européens, surtout après cette période de restriction. Il faut se tenir prêt à un effet rebond dès la fin de la crise sanitaire. Si la mobilité s'est ralentie ces derniers mois, le nombre de porteurs de projets ne cesse d'augmenter. La nouvelle enveloppe pluriannuelle devrait permettre d'accompagner cet engouement. Encore faut-il que ces crédits soient rapidement mis à disposition des agences nationales - un retard d'un an avait été constaté en 2014. Nous devons être vigilants sur ce point.

De 11 États participants à sa création en 1987, le programme Erasmus d'origine s'est étendu pour couvrir 33 États aujourd'hui. Il regroupe les 27 États membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande, le Liechtenstein, la Macédoine du Nord, la Norvège, la Serbie et la Turquie. Le Royaume-Uni a malheureusement décidé de quitter le programme en créant son propre système de mobilité étudiante, mais l'Irlande du Nord et le Pays de Galles ont d'ores et déjà annoncé qu'ils poursuivraient leur participation. L'Écosse examine également cette possibilité. Certains établissements permettent aussi de partir en échange hors d'Europe : ils ont en effet établi des partenariats avec des établissements dans 160 pays du monde entier. C'est d'ailleurs par ce biais, anciennement Erasmus Mundus, que des échanges devraient se poursuivre avec l'Angleterre elle-même, même si nous ignorons encore quels en seront les ajustements financiers.

Depuis 2014, le programme Erasmus + regroupe en effet l'ensemble des programmes de mobilité européens. Il n'est donc plus seulement réservé aux étudiants : apprentis, formateurs, demandeurs d'emploi, jeunes diplômés, collégiens et lycéens peuvent également en bénéficier. Depuis sa création, ce sont en tout plus de 10 millions de personnes qui ont bénéficié de ce programme, dont près de 5 millions d'étudiants. Le retour des apprenants ayant suivi le programme est particulièrement enthousiaste : 93 % se déclarent plus adaptables, 86 % plus autonomes et 85 % en reviennent polyglottes. La France reste le premier pays d'envoi d'étudiants, devant l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. En France, plus de 100 000 personnes ont été concernées en 2019, dont 57 000 étudiants et près de 24 000 apprenants issus de la formation professionnelle. Ce chiffre s'élevait à 60 000 en 2014. L'Espagne est quant à elle la destination la plus populaire avec 50 000 étudiants accueillis en 2019, devant l'Allemagne, l'Irlande, le Royaume-Uni et la France.

À ce sujet, dès l'annonce du Brexit, les échanges avec le Royaume-Uni ont ralenti, au profit notamment de l'Irlande. Les étudiants Erasmus français au Royaume-Uni étaient 13 000 en 2018, ils ne sont plus que 5 900 cette année. À l'heure où le Royaume-Uni se tourne désormais davantage vers le reste du monde, notamment vers l'Asie, nous devons également nous repositionner afin de capter une partie de ces 150 000 étudiants européens qui partaient auparavant au Royaume-Uni. L'initiative « Bienvenue en France », lancée en 2018, vise justement à faciliter l'accueil des étudiants étrangers et à promouvoir la destination France. Elle tarde cependant à produire ses effets : en 2020, notre pays est passé de la quatrième à la cinquième place en termes d'accueil.

J'ajouterai que nos collectivités territoriales doivent également être plus stratégiques et prendre conscience des opportunités offertes par Erasmus +. Elles peuvent en effet nouer des partenariats avec leurs homologues de l'Union européenne, afin de mettre en place des programmes d'échange pour les écoles, collèges, lycées, mais aussi pour les agents de la fonction publique ou les membres d'associations. En 2020, plus de 15 millions d'euros étaient prévus en France pour financer des projets Erasmus + pour l'inclusion et l'économie sociale et solidaire (ESS). Notons que l'usage d'Erasmus + varie fortement selon les territoires, d'une région à l'autre, ce qui exigera des actions pour y remédier, notamment dans les outre-mer.

En 2020, il a fallu réagir rapidement face à la crise sanitaire, au niveau tant des agences nationales que de la Commission. La crise sanitaire a logiquement ralenti le développement du programme mais celui-ci n'a pas connu d'effondrement, même dans son volet mobilité. Ce dernier a fléchi de seulement 26 % entre les années scolaires 2018-2019 et 2019-2020. La Commission a adopté diverses mesures : report d'un mois de la date limite de dépôt des candidatures pour les projets de partenariat ; extension de six mois de la durée des conventions de subvention ; appel à propositions complémentaires pour les projets de partenariats sur la préparation à l'éducation numérique et la créativité ; introduction des mobilités hybrides de participation au programme Erasmus + dès le 1er juin 2020 ; enfin, application de la clause de force majeure pour l'ensemble des participants ayant subi les conséquences financières des restrictions sanitaires.

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