Il existe quatre ADIL en outre-mer, Mayotte n'en dispose pas. À La Réunion, 2 000 consultations ont été enregistrées l'an dernier sur la thématique de l'habitat indigne. Ce nombre augmente depuis quelques années en raison d'une communication accrue mais aussi parce que l'habitat indigne progresse. Il s'agit du premier sujet de préoccupation. 20 % des questions posées par des locataires ou propriétaires dans les rapports locatifs concernent l'habitat indigne. À La Réunion, on estime que 5 % des logements en relèvent.
Dans les outre-mer, les problématiques d'habitat indigne varient d'un territoire à l'autre, ce qui nécessite des traitements distincts : en Guyane et à Mayotte, les poches d'habitat indigne sont très importantes, tandis que cet habitat est plus diffus à La Réunion.
La résorption de l'habitat insalubre (RHI) n'est plus considérée comme un outil adapté par les services de l'État. Il doit être revu pour répondre aux nouveaux enjeux. Je mettrai l'accent sur les Pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne (PDLHI) et les Plans intercommunaux de lutte contre l'habitat indigne (PILHI) car c'est à travers eux que nous pouvons mettre en place des diagnostics partagés et aller dans le même sens.
Depuis quatre ans, une commission de coordination de la lutte contre l'habitat indigne a été mise en place, regroupant les services de l'État et les intercommunalités disposant d'un PILHI. Aujourd'hui, le suivi des arrêtés pris par le préfet est satisfaisant car nous sommes tous autour de la table une fois par mois. Nous faisions auparavant face à une difficulté à travailler ensemble car les participants proviennent d'organismes différents et ne se côtoyaient pas.
Concernant les dispositifs nationaux, ces textes s'appliquent en outre-mer mais de façon parfois plus complexe en raison des réalités de terrain, comme l'indivision ou d'autres statuts complexes tels que l'occupation sans droit ni titre. Il est aussi difficile d'identifier les personnes, ce qui complique les interventions d'amélioration de l'habitat. Les PDLHI ne fonctionnent pas de la même manière sur tous les territoires, ce qui semble contre-productif. Par exemple, le PDLHI de Guyane est constitué mais ne se réunit pas.
Des obstacles locaux apparaissent parfois. Par exemple, dans le cadre du dispositif de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour l'intermédiation locative, nous avons eu un problème avec l'Agence immobilière à vocation sociale (AIVS). Il existe une prime applicable à partir de juillet 2020 pour les bailleurs qui acceptaient une intermédiation locative mais, au mois de novembre, un arrêté a créé une condition d'éco-conditionnalité rétroactive. En conséquence, des ménages ayant accepté de louer à des personnes en difficulté locative pour des loyers plus raisonnables ont perdu le bénéfice de la prime.
Concernant les dispositifs locaux, il y avait une obligation au 31 décembre 2020 d'avoir des PILHI adoptés sur l'ensemble des territoires. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, seuls deux PILHI étant adoptés à La Réunion. Les autres territoires sont au stade de l'étude et du repérage. Le retard est donc très important.
L'État doit pouvoir s'appuyer sur les acteurs de terrain. Le concours de ces acteurs doit notamment permettre de s'assurer que les habitats déclarés indignes ne soient pas réoccupés. C'est trop fréquemment le cas et l'administration passe un temps important à opérer ces contrôles. Les PILHI ont ce rôle à jouer.
Le permis de louer a été expérimenté à La Réunion, sur une partie du territoire de la commune de Saint-André. Si la mise en place d'un tel permis est une bonne chose, je ne pense pas, à titre personnel, qu'elle puisse se faire de façon aussi restreinte. Soit ce permis s'appliquera sur l'ensemble d'un territoire ou d'un département, soit il ne pourra pas fonctionner.
Je trouvais pertinentes les propositions du député Guillaume Vuilletet dans son rapport « Promouvoir l'habitabilité durable pour tous », remis au Gouvernement en 2019. L'habitabilité, telle que défendue dans ce rapport, responsabilise les bailleurs et serait moins coûteuse qu'un permis de louer pris en charge par les collectivités, lequel implique des moyens humains pour contrôler l'ensemble des logements.
Les dispositifs RHI ne fonctionnent plus à La Réunion. L'arrêt de l'allocation logement (AL) accession a été fatal et a mis en difficulté les équipes sur le terrain, qui faisaient déjà face à un défaut d'adhésion des populations. En conséquence, cette année et demie perdue correspond à autant de retard pour la production de logements sociaux dans ces zones. Aujourd'hui, la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) préfère des opérations plus courtes dans le temps, de cinq ans maximum, sur un périmètre plus restreint et avec des zones plus diffuses.
Les Opérations Groupées d'Amélioration Légère (OGRAL) sont un outil d'avenir pour la DEAL, avec cependant des réserves d'usage, car tous les ménages ne peuvent pas rentrer dans une opération de ce type puisqu'il s'agit avant tout d'un outil de réinsertion de personnes en difficulté, en redonnant de la dignité à leur habitat.
L'intervention de l'ANAH dans les opérations de RHI est inexistante. Elle ne concerne que les propriétaires bailleurs. Mais elle ne fonctionne pas bien car il s' agit souvent de propriétaires d'habitats très dégradés, qui n'ont pas forcément la capacité à obtenir un prêt complémentaire, même après la rénovation de leur logement. Une expérimentation existe à La Réunion, avec une aide complémentaire de l'ANAH mais elle s'avère insuffisante compte tenu du profil des bailleurs. Des aides ou prêts complémentaires spécifiques seraient nécessaires. Lors de la dernière réunion du PDLHI, un accord a été trouvé pour la mise en place d'un groupe de travail sur un prêt garanti par le département. Sans cela, il paraît compliqué d'envisager une intervention plus importante de l'ANAH sur le territoire de La Réunion. Ces aides sont aussi liées à la lutte contre la vacance et à l'intermédiation locative puisqu'il est demandé aux bénéficiaires de passer par une AIVS pour la gestion du bien.
Il est en effet difficile de repérer les logements indignes dans les copropriétés dégradées. Nous avons par exemple constaté la division d'un bien en neuf logements où quatre salles de bains occupaient 3 m² au total, ce qui bien sûr ne se voyait pas de l'extérieur. Les copropriétés sont une problématique relativement récente pour nous, puisqu'elles datent des périodes de défiscalisation qui ont débuté avec la loi Pons en 1986. Nous n'avons pas de protocoles en place. Un problème important tient au fait que nous n'avons pas les mêmes produits de financement bancaires que dans l'Hexagone où un établissement bancaire peut financer l'ensemble des copropriétaires sans recherche de solvabilité dès lors qu'ils sont à jour de leurs cotisations. Ce n'est pas le cas ici. Pour avoir abordé le sujet avec des établissements bancaires, ils ne souhaitent pas vraiment le mettre en place et donc, aujourd'hui, c'est au copropriétaire de trouver son prêt, ce qui constitue un frein aux travaux. Il y a par ailleurs beaucoup d'argent qui dort dans le cadre des avances des copropriétaires et qui va à l'entretien des logements.
L'indivision a généré et génère encore des habitats indignes. Les acteurs locaux ultramarins souhaiteraient bénéficier de groupements d'intérêt public (GIP) comme c'est le cas en Corse. L'ADIL de La Réunion a fait une étude sur ces questions qui sont extrêmement complexes puisqu'on touche à des problèmes qui remontent à plusieurs générations. Il faut que les notaires et les pouvoirs publics s'accordent pour travailler dans une même direction si l'on veut développer la prescription acquisitive, ce qui serait la solution la plus simple. Une volonté affichée des pouvoirs publics est nécessaire pour que tout le monde puisse se mettre autour de la même table et travailler au plus près du terrain. Je ne vois pas comment cela serait possible hormis dans le cadre d'un GIP, d'autant que les prescriptions acquisitives sont mal vues en raison d'abus passés et que les notaires ne veulent plus en faire.
Un PILHI est en train de mettre en place un fonds mutualisé d'amélioration de l'habitat. Les statuts particuliers d'occupation (indivisaire, occupant en droit multiple, constructeur) passent aujourd'hui entre les mailles et il a déjà été noté la préférence des intéressés à rester sur place dans un logement délabré plutôt que de déménager dans un logement social. Outre la difficulté d'accompagnement et de conviction pour amener ces personnes à accepter un logement social lorsqu'il n'y a pas d'autre solution pour leur logement qu'il faut démolir ou lorsque que nous sommes dans une zone à risque, il en va aussi de la préservation d'un mode de vie créole, avec un jardin d'alimentation et quelques animaux. Un tel fonds vise à aider les gens à se maintenir tout en les préservant de l'indignité. Son objectif est tourné vers la réhabilitation. Les possibilités de régulariser le statut à travers un GIP sont donc bienvenues, mais la priorité doit être l'amélioration.