Intervention de Caroline Lleu-Etheve

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 8 avril 2021 : 1ère réunion
Étude sur le logement dans les outre-mer — Table ronde sur l'habitat indigne

Caroline Lleu-Etheve, chargée du développement outre-mer de l'association nationale des compagnons bâtisseurs (ANCB) :

Notre organisation promeut à la fois l'auto-réhabilitation accompagnée et l'auto-construction accompagnée. Je partage l'essentiel de ce qui a été dit. Un premier point important est de ne jamais déconnecter l'habitant du dispositif d'amélioration du logement adopté. L'habitant doit être au coeur de son projet de réhabilitation ou de construction et entièrement partie prenante. Il ne faut pas s'atteler seulement à la problématique du logement et des travaux mais bien à l'accompagnement technique et social de l'habitant. En raison du caractère partiellement autonome de ces dispositifs, l'habitant réalise la majeure partie des travaux et fournit son temps et sa force de travail.

À la question de la pertinence du développement de projets d'auto-réhabilitation et d'auto-construction, nous répondons donc évidemment positivement. Le dispositif OGRAL en oeuvre à La Réunion depuis 2015, en Guyane depuis 2018 et qui le sera bientôt aux Antilles permet d'intervenir auprès des personnes sans droit ni titre, économiquement et socialement précaires. Ce dispositif semble bien adapté aux problématiques sociales et de logement que rencontrent ces habitants mais les financements nous semblent insuffisants.

L'OGRAL a d'abord été envisagé comme préalable à une opération plus importante de type RHI ou RHS. Or, ce n'est le mode de fonctionnement actuel : les travaux s'arrêtent en général totalement quand l'OGRAL se termine. Il faut un chantier de réhabilitation global et durable durant cette phase d'OGRAL en traitant le logement dans son entièreté et en incluant la rénovation énergétique dans le package de travaux. L'OGRAL ne permet pas actuellement de financer tous ces travaux. Il couvre deux fois 5 000 euros maximum octroyés à la maîtrise d'ouvrage, 1 000 euros d'accompagnement du ménage pour l'opérateur et éventuellement 10 000 euros pour des travaux réalisés par des entreprises en sus. Si les montages des projets OGRAL mis en oeuvre aujourd'hui ont pu voir le jour, c'est grâce à un apport de presque 50 % du montant estimé du projet par des fonds privés ou publics (comme la fondation Abbé Pierre ou la CAF). Le dispositif a été conçu sur un format minimal insuffisant pour traiter ces problématiques.

Il nous semble nécessaire de valoriser l'apport manuel de l'habitant dans l'auto-réhabilitation ou l'auto-construction. Nous le faisons à titre informatif, pour démontrer au partenaire financier que trois semaines à temps plein sur un chantier au SMIC horaire représentent un montant considérable. Cet apport doit être valorisé dans les plans de financement, au même titre qu'un artisan dont le devis serait pris en compte dans le dispositif. L'assiette de subvention doit pouvoir être calculée pour refléter au réel le projet, en incluant cet apport en termes de travail de l'habitant.

Le sujet de la libéralisation et de la régularisation du foncier nous semble très important. Les procédures administratives et de notariat peuvent prendre une dizaine d'années pour régulariser d'énormes parcelles en indivision ou occupées, de manière pacifique, par des occupants sans titres qui n'ont pas accès au dispositif de droit commun. Un certain nombre d'outils permettent d'y travailler mais il faut que le foncier soit libéré et régularisé pour permettre des réalisations autonomes accompagnées de travaux.

La question assurantielle a été soulevée. Lorsqu'on intervient en réhabilitation chez des personnes sans droit ni titre, elles n'ont pas d'assurance habitation ni d'assurance pour les travaux. Il en va de même si le foncier n'est pas maîtrisé dans un processus d'autoconstruction encadrée. Les assureurs doivent reconnaître que les constructeurs, aussi novices soient-ils, sont accompagnés par des professionnels du bâtiment. Les travaux doivent donc pouvoir être assurés. Nous avons réalisé environ 140 toitures et charpentes à Saint-Martin suite au cyclone Irma, selon les normes antisismiques et anticycloniques en vigueur. Il n'y a pas eu plus de problèmes que s'ils avaient été réalisés directement par un artisan.

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