Intervention de Kamel Senni

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 8 avril 2021 : 1ère réunion
Étude sur le logement dans les outre-mer — Table ronde sur l'habitat indigne

Kamel Senni, responsable du pôle « Logement d'abord », de la fédération Solidaires pour l'habitat (SOLiHA) :

Environ 15 000 personnes sont concernées par les bidonvilles en métropole. La Dihal s'en occupe bien en accompagnant la politique mise en oeuvre avec un budget de 8 millions d'euros. À Mayotte, au nord de Mamoudzou, se trouve un bidonville de 15 000 personnes. En prenant en compte la Polynésie, l'estimation globale serait de l'ordre de 250 000 personnes. Ce problème excède la question de l'habitat indigne ou insalubre. Il ne s'agit plus d'opérations sur des poches ou sur des endroits circonscrits mais bien sur des villes entières regroupant des milliers de personnes dans des habitations en tôle. À ce stade, quand un problème n'a pas de solution, ce n'est plus un problème mais une contrainte. La problématique est tellement massive sur certains territoires qu'elle nécessite une approche globale d'ampleur. L'accélération de destructions porte sur des terrains appartenant à l'État parce qu'elles ne demandent pas de procédures lourdes, ou bien concernent de façon immédiate la sécurité des personnes. Ce type de démolition n'a pas d'intérêt à moyen terme, puisque les personnes vont ailleurs et densifient des bidonvilles existants, ni à long terme en l'absence de solution globale.

Nous réfléchissons actuellement à un dispositif de recherche-action pour réunir l'ensemble des avis pertinents à ce sujet, y compris ceux des acteurs locaux et des scientifiques, et pour mener des études préalables sur un certain nombre de sites en vue de produire une méthodologie de travail. Il est probable que nous ayons à nous inspirer des méthodologies d'intervention sociale dans les bidonvilles des favelas brésiliennes.

Il va falloir convaincre les décideurs et l'opinion publique de l'intérêt d'un tel travail, y compris en termes de retombées économiques, de l'implication des habitants et de leur transformation en citoyens de droit commun. L'inégalité d'accès aux droits et de la protection sociale à Mayotte a été évoquée.

Des initiatives intéressantes ont été mises en place, par exemple à Majicavo avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre. Cette expérimentation est à échelle humaine puisqu'elle concerne 46 logements et 120 personnes, mais montre qu'avec des méthodes, des équipes formées et un soutien financier, on obtient des résultats. Pour un changement d'échelle, un soutien bien plus important sera nécessaire.

En Guyane, les ordres de grandeur sont semblables. Les bidonvilles s'étendent sur des hectares. En raison de la grande part de forêts vierges sur le territoire, les opérations de destruction ont repoussé des groupes d'habitants plus loin au sein de la forêt.

Une difficulté tient au traitement des personnes aux droits de séjour incertain, irrégulier ou sans droit ni titre. Elle ne relève pas des acteurs locaux mais de la politique nationale. Sans un positionnement politique affirmé sur ces sujets, le traitement massif de ces situations semble impossible, quels que soient les moyens mis en oeuvre. Détruire un bidonville avec un bulldozer ne règle pas les difficultés des habitants.

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