Intervention de Jean-Raymond Hugonet

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 5 mai 2021 à 9h30
Projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique et projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Jean-Raymond HugonetJean-Raymond Hugonet, rapporteur :

Les amendements identiques COM-50 rectifié et COM-58 visent à créer l'« injonction dynamique ».

Le dispositif envisagé présente l'avantage de rendre la procédure de blocage des sites en théorie plus rapide, en établissant un lien direct entre l'ayant droit et le fournisseur d'accès. Cette procédure concurrence celle qui est mise en place par le même article 1er pour lutter contre les « sites miroir ». Deux différences essentielles séparent cependant les deux mécanismes : d'une part, la procédure applicable aux « sites miroirs » est plus large, puisqu'elle concerne non seulement les sites identiques, mais également les sites qui reprennent les contenus de manière substantielle ; d'autre part, l'injonction dynamique fait l'économie du passage par le filtre de l'Arcom en mettant en relation directe les ayants droit et les fournisseurs d'accès.

La mise en place de l'injonction dynamique pose deux séries de problèmes : d'abord, elle vide le futur régulateur d'une extension de ses compétences, alors que l'objet même du projet de loi est de le renforcer et d'éviter que les prestataires soient submergés de demandes faites sans concertation - même dans le cas du piratage sportif de l'article 3, il revient à l'Arcom de jouer ce rôle de filtre ; ensuite, elle est juridiquement fragile, car il y a autant d'avis affirmant la parfaite validité du dispositif que d'avis contraires ! En réalité, cette procédure met les ayants droit, parties au procès initial, en position d'arbitre pour le blocage d'un site, même si l'amendement fait reposer la responsabilité sur eux en cas de dénonciation abusive. Or la jurisprudence constitutionnelle et européenne considèrent un blocage comme une limitation d'une liberté publique qu'il convient de réserver au juge judiciaire. Le rapport de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) de mars 2021 est en réalité très ambigu et indique simplement que les seuls cas d'injonction dynamique en Europe, en Irlande, en Espagne et au Royaume-Uni sont réservés aux évènements sportifs en direct. Ce rapport souligne également l'équilibre nécessaire avec les droits et libertés - il est repris sur ce point par la jurisprudence constitutionnelle.

J'entends bien les différents arguments, mais il serait regrettable de vider dès l'origine une nouvelle et importante compétence de l'Arcom d'une partie de sa cohérence, sous le prétexte, qui n'est pas avéré, d'un manque de rapidité. Les procédures de blocage seront d'autant mieux appliquées et exécutées qu'elles paraîtront légitimes et fondées. Il faudra bien entendu dresser un bilan de l'efficacité du dispositif et éventuellement y revenir si le régulateur ne donnait pas satisfaction.

En attendant, j'émets un avis défavorable aux amendements COM-50 rectifié et COM-58.

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