Intervention de Jean-Raymond Hugonet

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 5 mai 2021 à 9h30
Projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique et projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Jean-Raymond HugonetJean-Raymond Hugonet, rapporteur :

Ces six amendements visent en effet à renforcer les droits voisins des entreprises de communication audiovisuelle.

L'article 2 du projet de loi vise à clarifier un état du droit assez flou sur l'agrégation, par des plateformes, des programmes des entreprises de communication audiovisuelle. Il s'agit notamment des programmes des radios, qui sont conservés sous forme de podcasts et rendus disponibles non seulement sur le site ou l'application du média, mais également à d'autres endroits, comme sur Apple Podcast. L'article précise que l'autorisation de l'éditeur est requise pour l'utilisation de ces programmes, en direct comme en différé. Cela constitue un progrès incontestable.

La combinaison des amendements identiques COM-43 rectifié bis et COM-48 rectifié bis et des amendements COM-44 rectifié bis, COM-56 rectifié, COM-49 rectifié bis et COM-57 rectifié va beaucoup plus loin que ce progrès déjà notable. Ces amendements prévoient en effet que les entreprises de communication puissent négocier des conditions légales et financières pour la reprise de leurs programmes, ce qui reviendrait à créer une très forte complexité pour l'ensemble des usagers et détruirait les agrégateurs. Plus important, ces amendements auraient pour effet de conditionner au paiement d'une redevance la diffusion, par exemple, d'une radio ou d'une télévision dans un lieu ouvert au public, comme un salon de coiffure ou un évènement retransmis par une collectivité. Concrètement, la redevance Sacem déjà acquittée serait partagée avec les auteurs, ce qui implique ou bien son augmentation, afin de maintenir le pouvoir d'achat des artistes, ou bien sa diminution pour ces derniers si elle devait rester stable.

On comprend bien l'intérêt de ces mesures pour les entreprises de communication, mais elles paraissent quelque peu dangereuses, car elles font in fine reporter la charge sur les commerces ou les collectivités. Dès lors, et sous le bénéfice de ces explications, je vous propose - surtout dans les circonstances actuelles - un avis défavorable aux amendements portant sur l'article 2, ainsi qu'aux quatre amendements susmentionnés placés en articles additionnels après l'article 2. Nous savons que Radio France est satisfaite de la rédaction actuelle de l'article 2.

Les amendements COM-43 rectifié bis et COM-48 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté sans modification.

Les amendements COM-44 rectifié bis, COM-56 rectifié, COM-49 rectifié bis et COM-57 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-33 rectifié vise à imposer aux plateformes une négociation et la conclusion d'un accord avec les éditeurs et les agences de presse pour faire respecter les droits voisins - sujet cher à notre commission.

Il est porté par l'auteur de la loi du 23 juillet 2019 sur les droits voisins, notre collège David Assouline, et fait suite à la table ronde organisée par notre commission le 14 avril dernier, et qui fut consternante, tant elle a révélé à la fois les fractures entre les éditeurs, ceux-ci et les agences de presse, et l'absence de volonté de la part des plateformes de respecter le cadre européen et national. Depuis le début, Google en particulier n'a de cesse de jouer sur les divisions de la profession et d'espérer la retraite « en rase campagne » d'une presse épuisée et encore plus fragilisée par la crise pandémique.

Dès lors, je comprends bien la volonté de notre collègue de marquer notre souveraineté juridique. Le dispositif proposé s'inspire du modèle observé en Australie, un pays qui a su faire bloc et finalement obtenir des concessions significatives des plateformes. Je ne suis pas certain que le fait d'imposer la conclusion d'un accord soit totalement compatible avec le droit européen, mais il me semble important d'adresser dès l'examen au Sénat un message fort aux plateformes, qui est celui de notre cohésion. Avis favorable, donc.

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