Intervention de Colette Mélot

Réunion du 4 mai 2021 à 14h30
Avenir du régime de garantie des salaires — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons à présent concerne l’avenir d’un mécanisme éprouvé et essentiel pour le monde économique : le régime de garantie des salaires. Nous avons la chance de disposer en France d’un système parmi les plus protecteurs en Europe, permettant de garantir le versement des salaires lorsqu’une entreprise placée en procédure collective n’est plus en mesure de le faire.

L’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés est approvisionnée par un double financement : les cotisations patronales, d’une part ; les créances prises sur les entreprises, d’autre part. Ce dernier financement, représentant 36 % de ses ressources en 2019, est possible grâce au superprivilège dont bénéficie l’AGS, qui lui permet de figurer au troisième rang dans l’ordre des créanciers.

Cette pratique est actuellement remise en question du fait d’un conflit ouvert entre le régime de garantie des salaires et les administrateurs et mandataires judiciaires. Jusqu’à présent, l’AGS s’engageait à restituer sur demande les fonds nécessaires à la couverture des frais de justice et de procédure. À la suite d’abus constatés, l’AGS refuse désormais de payer ces avances.

Le projet de réforme préparé par le ministère de la justice prévoit de transposer la directive européenne Restructuration et insolvabilité, adoptée le 20 juin 2019.

Elle introduirait des classes de créanciers et conduirait à rétrograder le rang de l’AGS dans l’ordre des créanciers à la sixième position, au profit des administrateurs et mandataires judiciaires qui en ont fait la demande. Cette réforme, si elle était adoptée en l’état, fragiliserait le financement de la garantie des salaires et conduirait à une hausse du taux des cotisations patronales ou à une réduction de la prise en charge des salaires.

Ce déséquilibre financier à venir est d’autant plus dommageable qu’il intervient en pleine crise sanitaire, laquelle entraîne non seulement une diminution de 9 % des comptes de l’AGS, du fait des mesures de chômage partiel, mais fragilise aussi l’ensemble du monde économique.

Le mois de mars dernier a été marqué par une explosion du nombre de liquidations directes d’entreprises en cessation de paiements, avec une hausse de 155 % des défaillances. Les mesures de soutien du Gouvernement ont permis de retarder les défaillances en 2020, des milliers d’entreprises étant placées sous perfusion.

L’allongement des délais de déclaration des cessations de paiement a également contribué à décaler dans le temps les procédures judiciaires. Les effets de la pandémie sur les économies vont se répercuter à long terme. La BCE anticipe une vague d’insolvabilités et préconise de cibler les aides publiques sur les entreprises viables, susceptibles de survivre sans le soutien des États. Avec la fin des aides et le retour à la normale de l’activité économique, la France pourrait comptabiliser 22 000 entreprises non viables.

Aussi est-il plus que jamais indispensable de conserver le système de garantie AGS, institué par la loi du 27 décembre 1973. Cette procédure joue depuis des années un rôle d’amortisseur social et contribue au financement des entreprises en faillite.

Le récent rapport sur le sujet remis par René Ricol au Gouvernement va dans le sens d’une préservation de la priorité du paiement des salaires sur le financement des honoraires des administrateurs et mandataires judiciaires. L’AGS garantit chaque année le versement de leur salaire à plus de 150 000 salariés. L’avant-projet de réforme dégraderait directement la situation financière des salariés concernés par des faillites. C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’il doit évoluer afin de préserver le superprivilège des salariés en cas de liquidation judiciaire.

Le groupe Les Indépendants votera donc la présente proposition de résolution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion