Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 4 mai 2021 à 14h30
Avenir du régime de garantie des salaires — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution de notre collègue prolonge le rapport de René Ricol remis au Premier ministre à la suite des premières réactions sur le projet d’ordonnance du ministère de la justice visant à transposer la directive européenne Restructuration et insolvabilité, sur fond de dégradation des relations entre les administrateurs et mandataires judiciaires et l’AGS.

Le rapport Ricol confirme qu’une mesure de ce projet, largement contestée par les organisations syndicales des salariés et du patronat, rétrograderait l’AGS derrière les frais de justice en cas de liquidation judiciaire. Le projet d’ordonnance ne se ferait dès lors plus à droit constant, avec des créances salariales superprivilégiées, puis le paiement des frais de justice postérieurs au jugement d’ouverture.

Rien n’oblige pourtant le projet de transposition à modifier l’ordre des créanciers privilégiés, la directive européenne ne comprenant pas d’objectif d’harmonisation en la matière.

La présente proposition de résolution vise, au contraire, à maintenir l’état actuel du droit. Le groupe écologiste soutient cette position, soucieux de défendre un outil efficace de protection de salariés déjà éprouvés lors des procédures collectives.

Toute rétrogradation du rang de la créance de superprivilège des salariés, comme dans une moindre mesure de celle de privilège, entraînera une plus faible récupération des avances consenties par l’AGS.

Logiquement, plus des trois quarts des récupérations au profit de l’AGS ont aujourd’hui pour origine des avances faites au titre d’une créance superprivilégiée. Les autres avances qu’elle consent sont bien plus faiblement récupérées, ce qui explique un taux de couverture final de 37 % seulement en moyenne.

Or, à cotisation patronale inchangée, nul ne peut ignorer que la baisse prévisible du taux de couverture des avances par les récupérations déséquilibrera le régime.

Dès lors, les deux autres paramètres de l’équation financière risquent à terme d’être revus, notamment le niveau et la nature des créances garanties aux salariés, pour les aligner sur des standards européens moins protecteurs. Les plafonds de garantie de toutes les catégories salariales, y compris les techniciens, ingénieurs et cadres, pourraient ainsi être abaissés, et certaines créances salariales autres que les salaires, comme les congés payés ou les dommages et intérêts, pourraient être exclues, comme en Allemagne.

Le taux de cotisation patronale des entreprises, qui avait augmenté en 2009, par deux fois, jusqu’à 0, 40 % de la masse salariale, et qui s’établit depuis 2017 à 0, 15 % de celle-ci, pourrait aussi être requis pour rétablir l’équilibre, ce qui inquiète l’organisation patronale.

Le taux de couverture des avances de créances salariales par les recettes de cotisations patronales a en effet nettement baissé depuis 2017. Ajouté aux récupérations, il assure à peine l’équilibre du régime. La modification de l’ordre des créances ferait ainsi définitivement basculer le régime dans le déséquilibre financier.

Notons enfin l’effet de ciseaux du contexte économique. Au-delà du taux, les cotisations des entreprises sont procycliques : elles suivent à la baisse le contexte de crise. Dans le même temps, les défaillances d’entreprises – le chiffre prévisionnel de 22 000 a été avancé – entraîneront une dynamique de hausse des avances consenties, dès le retrait des mesures de soutien du Gouvernement. L’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) estime à 180 000 les emplois qui devraient disparaître en 2021 ; il s’agit d’une prévision basse, certains évoquant un véritable tsunami social.

La trésorerie du régime sera touchée, ce qui rendra difficile le maintien de la réactivité de paiement aux mandataires, et donc aux salariés, caractéristique du régime français.

Dans ces conditions, la crise sociale actuelle et à venir ne saurait être aggravée par l’affaiblissement du rôle d’amortisseur social de l’AGS au sein de notre protection sociale.

Le maintien des créances salariales au troisième rang du superprivilège dans l’ordre des créanciers ne nous apparaît donc pas négociable.

Au-delà, il conviendra, compte tenu de l’existence de contentieux persistants entre l’AGS, d’un côté, les administrateurs et mandataires judiciaires, de l’autre, de poursuivre le travail de clarification et d’œuvrer à plus de transparence, de maîtrise et de contrôle des frais de justice.

Tous les acteurs des procédures collectives se disent néanmoins attachés à la pérennité de notre système de garantie. Nous devons donc parvenir à transposer la directive à droit constant pour les salariés.

C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste votera la proposition de résolution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion