Intervention de Martin Lévrier

Réunion du 4 mai 2021 à 14h30
Avenir du régime de garantie des salaires — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Martin LévrierMartin Lévrier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte déposé par M. le président Bruno Retailleau et plusieurs membres du groupe Les Républicains témoigne de la préoccupation que les parlementaires peuvent avoir pour les entreprises et salariés de notre pays.

En effet, ce projet d’ordonnance pourrait mettre en péril le paiement des salariés dont les entreprises seraient en situation de faillite. Vous n’êtes pas les seuls à avoir pointé cette limite, mes chers collègues. Dans un climat à haut risque de faillite, votre préoccupation est parfaitement justifiée.

Il est d’abord important de souligner que la transposition de la directive européenne est permise par la loi Pacte, qui a été approuvée dans cet hémicycle, plus précisément par ses articles 60 et 196.

Il me semble ensuite essentiel de mettre en lumière le travail de concertation, pour s’assurer que toutes les parties prenantes participent à la rédaction des ordonnances, notamment au vu des répercussions que celles-ci pourront avoir.

L’AGS, en 2019, c’est 1, 5 milliard d’euros avancés, 182 000 salariés bénéficiaires, la quasi-totalité des avances versées dans un délai de cinq jours et un régime de protection des créances des salariés qui ne coûte pas un centime au contribuable.

Cela a été rappelé, l’efficacité de ce système de garantie des salaires tient pour partie au superprivilège dont jouit l’AGS. Celle-ci apparaît comme prioritaire dans l’ordre des créanciers d’une entreprise en procédure collective, bien que cet ordre ne soit pas explicitement établi. C’est d’ailleurs l’intégration d’un ordre explicite qui est à la source de la difficulté, car les pratiques existantes ne sont pas clairement définies par un cadre réglementé.

Une telle déstabilisation du régime de garantie des salaires pourrait conduire à l’ébranlement de l’équilibre financier de l’AGS, et donc avoir des répercussions sur son rôle envers les salariés d’entreprises en faillite.

Pour autant, notons que les paiements à l’échéance des frais judiciaires précèdent déjà les récupérations au profit de l’AGS. Rappelons également que notre système repose sur un équilibre entre l’amortisseur social que représente la garantie des salaires, d’une part, et le rôle crucial des administrateurs et mandataires judiciaires, d’autre part. M. Ricol l’exprime clairement dans son rapport : « [Si] la protection des créances salariales constitue un enjeu majeur dans le dispositif français, l’efficacité des procédures collectives doit aussi être un objectif essentiel. » Cet équilibre, nécessaire, doit être protégé.

Oui, la rétrogradation à un rang inférieur dans l’ordre des créanciers pourrait avoir comme effet de réduire mécaniquement les remboursements de créances que l’AGS parvient à récupérer.

Aussi, le Premier ministre a confié à René Ricol une mission sur l’articulation entre le régime de garantie des salaires et le rôle des administrateurs et mandataires judiciaires dans le cadre des procédures collectives. Le rapport, rendu le 15 avril dernier, traite tout particulièrement de l’implication pour l’AGS de la transposition de la directive européenne et présente des recommandations pour améliorer l’avant-projet d’ordonnance.

Il souligne la réalité de ce déclassement, mais aussi la nécessité de le relativiser. La réalité est plus complexe, et les modalités actuelles de fixation de l’ordre des créanciers le sont tout autant.

Il est donc nécessaire de s’appuyer sur les conclusions du rapport Ricol, qui suggère un compromis consistant à écouter les craintes des partenaires sociaux tout en permettant une transposition adéquate de la directive. Ce projet d’ordonnance permettra de clarifier les interprétations aujourd’hui divergentes du droit sur l’articulation entre les frais de justice et les remboursements de l’AGS, au bénéfice d’une meilleure lisibilité pour toutes les parties prenantes.

L’essence même d’un avant-projet est de consulter toutes les parties prenantes et de prendre en considération leurs avis, si divergents soient-ils. Ces éléments d’appréciation sont nécessaires.

Pour autant, je comprends votre souhait de soumettre aujourd’hui ce texte à notre vote, mes chers collègues. Les résolutions constituent sans nul doute l’une des voies d’affirmation du Parlement, en permettant une expression distincte de la réponse législative. Votre initiative parlementaire et le débat que nous avons aujourd’hui concourront sans nul doute à l’amélioration de l’avant-projet : soyez-en sincèrement remerciés.

Mes chers collègues, le communiqué de presse du Gouvernement démontre la volonté de retravailler cet avant-projet en tenant compte du rapport Ricol, qu’il s’agisse de réécrire les ordonnances ou d’engager des travaux sur des pistes de réforme à plus ou moins long terme. Selon le Premier ministre, « l’AGS est un élément essentiel de l’organisation des procédures françaises, auquel le Gouvernement est très attaché ».

Le rôle essentiel de notre système de garantie des salaires étant ainsi réaffirmé, les deux éléments centraux de la présente proposition de résolution nous apparaissent donc satisfaits.

Notons enfin que les multiples politiques publiques mises en œuvre par le Gouvernement visent à éviter les faillites d’entreprises, en soutenant celles-ci face à la crise sanitaire. La prolongation du fonds de solidarité mis en place pour aider les entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de covid-19 et par les mesures de confinement jusqu’au 30 juin 2021 en est un exemple.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera contre cette proposition de résolution.

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