Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour l’initiative de notre président de groupe, Bruno Retailleau, visant à faire inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée cette proposition de résolution, qui a pour objet la préservation du régime actuel de garantie des salaires. Notre collègue Serge Babary, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, l’a fort bien expliquée en début de séance.
La situation économique de notre pays est très préoccupante : le déficit public a dépassé les 9 % en 2020 ; la dette devrait atteindre 120 % du PIB ; la « valse des milliards », ainsi que nous l’avons observée à la commission des finances, avoisine les 100 milliards d’euros.
Les conséquences sociales de cette crise sont encore ténues, voire paradoxales. Les dispositifs mis en place par l’État ont été massifs : chômage partiel ; prêts garantis par l’État ; annulation de charges ; fonds de solidarité. Ces aides ont permis à nos entreprises de tenir durant les mois de confinement, qui, pour certains secteurs, malheureusement, dure encore. Vous connaissez tous, mes chers collègues, les difficultés du monde économique.
Certaines analyses ont révélé que les procédures collectives avaient reculé, en 2020, de 32 %. Nous ne devons pas nous arrêter à ces chiffres, car il est certain que, sur le front social, le plus difficile est devant nous. Le ministre délégué chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, a annoncé dans la presse, mi-avril, la fin progressive du « quoi qu’il en coûte », avec des conséquences inéluctables sur un certain nombre d’entreprises, et donc de salariés.
Le taux de liquidation directe des entreprises après jugement est passé de 66 % avant crise à près de 80 % aujourd’hui. Parmi les entreprises touchées, on dénombre une majorité de très petites entreprises, souvent avec moins de cinq salariés.
Face à cette situation, qui risque d’empirer dans les prochains mois, il nous faut préserver au maximum le tissu d’emplois. Certaines entreprises ne pourront pas s’en remettre, nous le savons. Malgré les aides de l’État, malgré la mobilisation des chefs d’entreprise, des salariés, il y aura malheureusement de la casse sociale. C’est pourquoi tout doit être fait pour faciliter au maximum la reconversion professionnelle des salariés et leur assurer les meilleures garanties possible.
La France s’est dotée en 1973 d’un système intelligent, unique en Europe, qui permet aux employés victimes d’une procédure collective dans leur entreprise de continuer de bénéficier du versement de leur salaire, malgré les menaces de liquidation judiciaire. Ce régime de garantie est aujourd’hui menacé par la transposition de la directive Restructuration et insolvabilité de 2019, que la loi Pacte prévoit.
Le projet d’ordonnance soumis à consultation par la Chancellerie nous fait craindre le pire, avec le risque de rétrogradation de l’AGS du troisième au sixième rang dans l’ordre des créanciers. La perte du surprivilège aurait des conséquences directes pour les salariés, ceux-ci étant menacés de ne plus bénéficier du versement de leur salaire jusqu’à la fin de la procédure collective.
Le président de l’AGS a fait part de ses doutes quant au bien-fondé de cette réforme, dénonçant notamment un coût pour le régime de près de 300 millions d’euros par an, soit les trois cinquièmes des sommes récupérées en 2020.
Cette réforme intervient, par ailleurs, dans un contexte extrêmement complexe pour l’AGS, qui va devoir affronter un nombre de faillites d’entreprises que tous s’accordent à considérer comme élevé. Le régime évalue ainsi à 2, 5 milliards d’euros le montant des aides à débloquer en 2021, soit près du double de l’an passé. Les conséquences pour l’ensemble de nos territoires ne sont pas minces, puisque près de 98 000 salariés pourraient en bénéficier.
Mes chers collègues, certains dispositifs fonctionnent bien dans notre pays. Ne les détruisons pas ! Le régime de garantie des salaires, voulu par le président Pompidou, vient en renfort des aides que la puissance publique peut mettre en place grâce aux cotisations des employeurs et aux créances prises sur la trésorerie ou la vente des actifs de l’entreprise.
Dans ce contexte, la proposition de résolution que porte aujourd’hui le groupe Les Républicains est un appel.
Appel à ce que soit préservé le régime actuel, qui a fait ses preuves et qui ne coûte pas un centime d’argent public.
Appel à ce que soit maintenu le surprivilège dont bénéficie aujourd’hui l’AGS dans l’ordre des créanciers, qui lui permet de remplir à bien ses missions.
Appel à ce qu’il soit mis fin, dans la période de difficultés économiques et sociales actuelles, à des réformes hâtives et aux conséquences mal évaluées.
Je soutiens pleinement cette proposition de résolution, que je voterai en pensant à l’ensemble des salariés, des employés de notre pays qui paient au prix fort cette crise. Aux risques de licenciements et de faillites, ne rajoutons pas l’impossibilité pour les entreprises de verser à leurs salariés méritants la juste rémunération de leurs efforts.