Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 4 mai 2021 à 14h30
Avenir institutionnel politique et économique de la nouvelle-calédonie — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d’abord remercier nos collègues du groupe LR d’avoir proposé ce débat, mais aussi le président Larcher d’avoir pris l’initiative d’un groupe de travail sénatorial transpartisan sur la question calédonienne, qui est d’une brûlante actualité et continuera à l’être ces prochaines années.

Alors que nous arrivons au terme du processus de Nouméa, le Caillou a occupé, occupe et occupera votre gouvernement, monsieur le ministre, comme aucun autre au XXIe siècle. Il sera également l’un des premiers gros dossiers du gouvernement qui sortira des urnes en 2022.

La demande d’un troisième référendum d’autodétermination intervient dans une situation économique dégradée, dans une situation politique fragmentée et dans une situation sociale toujours plus conflictuelle. Cela n’a rien d’étonnant, alors que l’on s’approche de la fin d’un processus qui a été entamé il y a plus de trente ans et dont l’issue représente un vide politique, une feuille presque blanche qui reste à écrire.

La situation particulièrement tendue et bloquée de l’hiver dernier a néanmoins connu une légère accalmie. Je salue à ce propos l’intervention bienvenue de l’État, qui a favorisé une solution de reprise du complexe minier Vale. Cette solution est plutôt intéressante : le capital sera majoritairement détenu par les collectivités calédoniennes et un partenariat conclu avec Tesla pour stabiliser les débouchés économiques. Elle s’accompagne d’un projet ambitieux, sur le papier du moins, de préservation de l’environnement. Rappelons que ce site accueille la plus grosse usine mondiale d’acide sulfurique, dans une zone riche d’une biodiversité exceptionnelle. Vous vous doutez bien que les écologistes seront particulièrement exigeants sur ce dernier point.

Ce week-end, c’est la paralysie politique qui durait depuis la mi-février qui semble trouver une issue, avec le compromis qui s’esquisse entre les formations indépendantistes à la tête du gouvernement de l’île.

Entre-temps, la demande d’un troisième référendum, à l’automne 2022, a été effectuée. Vous avez invité toutes les formations politiques calédoniennes à Paris à la fin du mois, monsieur le ministre, pour envisager ce référendum et les conséquences des deux scénarii dans lesquels la Nouvelle-Calédonie pourrait s’engager à l’issue de ce scrutin.

Votre démarche nous semble la bonne. Néanmoins, elle ne sera utile que si toutes les forces politiques sont effectivement présentes. Aussi, il nous paraît essentiel de convaincre les partis indépendantistes de faire le déplacement, en affinant rapidement votre programme de travail et, au besoin, en envoyant un émissaire gouvernemental sur l’île pour caler les choses.

Sans cela, vous ne parviendrez pas à tenir votre promesse d’un travail consistant sur les conséquences du oui et celles du non, un travail à même d’éclairer le débat référendaire, les électrices et les électeurs, mais aussi tout le pays. Le calendrier étant ce qu’il est, vous ne pourrez pas vous engager sur une gestion de l’après-référendum, qui ne sera peut-être pas du ressort de l’exécutif actuel. Nous vous demandons donc de construire en amont, avec toutes les forces politiques nationales, le compromis politique le plus large possible sur ce que sera l’attitude de la France.

Ainsi, on pourra soutenir et favoriser, en cas de victoire du non, l’émancipation du peuple kanak, seule à même d’apaiser les tensions, ou bien accompagner l’indépendance, en cas de victoire du oui, autant qu’il le faudra et dans les meilleures conditions possible.

C’est la seule manière d’apporter des perspectives relativement stables aux Calédoniens, pour un débat transparent qui ne courre par le risque d’une spectaculaire volte-face à la fin du printemps 2022.

Quel que soit le choix du peuple calédonien, il n’effacera pas l’héritage colonial de l’île ni son corollaire de divisions, d’inégalités socioéconomiques inacceptables et de conflictualité.

Quel que soit ce choix, il ne réglera pas la trop forte dépendance de l’île envers l’extraction du nickel, aux très graves conséquences écologiques et sociales.

Quel que soit ce choix, il ne fera pas disparaître l’intérêt, parfois presque prédateur, de la France pour l’île, qu’il s’agisse de ses ressources minières où de l’intérêt géostratégique de sa présence dans le Pacifique.

La dépendance envers la métropole qui s’est construite depuis plus d’un siècle est de toute façon beaucoup trop forte pour permettre au peuple calédonien de disposer librement de lui-même. Les destins de la France et de la Nouvelle-Calédonie resteront liés, quel que soit le choix des urnes.

Mais pour favoriser autant que possible un choix autonome, la France doit apporter des garanties sur le devenir politique de l’île, quel que soit le scénario choisi démocratiquement dans dix-huit mois.

Monsieur le ministre, c’est une tâche exaltante à laquelle vous vous attelez : contribuer à inventer le devenir d’un territoire et de ses populations pour se libérer enfin du poids de l’héritage colonial et pour engager une transition sociale, économique et écologique à même de réduire les inégalités, de construire le vivre-ensemble et de préserver un environnement et une biodiversité incomparables.

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