Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est humblement, en tant que sénateur des îles Wallis et Futuna, connaissant à ce titre le tiraillement entre deux cultures, que je me tiens devant vous aujourd’hui. C’est également en tant qu’Océanien français, profondément ancré dans les traditions et les coutumes de mes îles, que je prends la parole pour témoigner comme voisin et spectateur privilégié de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, surnommée « le Caillou ». À cette occasion, je salue chaleureusement la communauté wallisienne et futunienne de Nouvelle-Calédonie.
Celle-ci entre dans la dernière phase d’un processus inédit, qui a été une source exceptionnelle d’optimisme. Il a démontré la capacité des femmes et des hommes à trouver, au sein de la République française, des solutions novatrices pour répondre aux défis qui s’imposent à eux. Toutefois, cette source se tarit à mesure que se rapproche le prochain référendum.
Mes chers collègues, ne nous voilons pas la face sur la situation de la Nouvelle-Calédonie ! Ce territoire reste divisé entre deux communautés. Si elles s’acceptent et se respectent désormais, elles continuent toutefois de nourrir des ambitions antagonistes pour leur avenir. Les inégalités y sont encore trop fortes, d’autant qu’elles s’inscrivent dans une réalité ethnique qui les rend révoltantes et insoutenables.
D’un côté, les indépendantistes militent pour que la communauté kanake, dont chacun sait ici les souffrances et les humiliations qu’elle a subies dans son histoire, recouvre une dignité et une légitimité existentielles qui lui sont dues, avec comme horizon l’accession de la Nouvelle-Calédonie à son indépendance.
De l’autre, les loyalistes, attachés aux valeurs françaises et à l’accompagnement de l’État, aspirent à évoluer en restant au sein de la République.
Cette division est partagée de manière proportionnelle par l’ensemble des différentes communautés vivant sur le Caillou ; les deux premiers référendums en sont le reflet.
Par deux fois déjà, les Calédoniens et les Calédoniennes ont prouvé leur capacité à se réinventer en faisant le pari de l’intelligence collective, au détriment de l’affrontement. Cela a été symbolisé par la poignée de main historique entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur.
Les Calédoniens seront donc bientôt amenés, une fois encore, à décider de leur avenir institutionnel. Au nom des Français que nous représentons, je veux leur dire combien nous souhaitons qu’ils fassent le choix du dialogue et de la sagesse. Mes chers collègues, la Nouvelle-Calédonie est à l’orée d’une nouvelle période de son histoire. Elle fait cependant face à d’importants défis.
En tant qu’île du Pacifique, elle sera aux premières loges des conséquences du réchauffement climatique, comme l’ensemble des terres d’outre-mer menacées par la montée des eaux.
Elle doit également composer avec des perspectives économiques moroses. L’économie calédonienne reste dépendante d’un or vert et d’usines non rentables, qui n’ont pas tenu leurs promesses de diversification, malgré l’intervention de l’État.
Nichée au cœur de l’axe indopacifique, sur lequel le président Emmanuel Macron a eu raison de porter un regard attentif, la Nouvelle-Calédonie attise les convoitises. Ses ressources minières et halieutiques aiguisent l’appétit d’influences dont l’intérêt pour les droits humains et écologiques est bien moins marqué que celui de la France.
Comment la Nouvelle-Calédonie compte-t-elle répondre à tous ces défis ? Comment compte-t-elle financer la diversification de son économie ? Comment compte-t-elle assurer le rééquilibrage économique et social ? Comment compte-t-elle résister à la présence croissante d’influences étrangères ? Enfin, quelle sera la stratégie géopolitique de la France dans la région ?
Voilà autant de problématiques qui seront au centre des discussions dans les semaines à venir, grâce à l’implication du ministre Sébastien Lecornu, que je salue. Il est urgent d’échanger sur les conséquences du oui et du non. C’est un impératif absolu.
Mais la principale question, mes chers collègues, est la suivante : quelle est la position de l’État français dans ce débat ?
Si l’avenir de la Nouvelle-Calédonie n’a pas vocation à se dessiner dans les hémicycles métropolitains, il est néanmoins indispensable que l’État et la représentation nationale prennent toute leur place dans ce débat. En engageant l’avenir des Calédoniens, le Gouvernement engage également celui des Français. Je saisis donc l’occasion qui m’est donnée ici pour remercier le président Larcher d’avoir pris l’initiative de cet échange porteur d’espoir. Je salue aussi à cette occasion mes collègues sénateurs de Nouvelle-Calédonie, MM. Pierre Frogier et Gérard Poadja.
Monsieur le ministre, les Calédoniens sont inquiets. À quelques mois du prochain référendum, aucun accord n’a été trouvé. Aucune assurance n’est donnée aux Calédoniens, qu’ils soient pour ou contre l’indépendance.
Pour ma part, j’invite les leaders et dirigeants calédoniens à une concertation collective, je les invite à penser de nouvelles perspectives et des garanties susceptibles de rassurer la population dans son ensemble.
Le débat calédonien interroge tous les Ultramarins, mais également chaque Français. Il soumet à notre réflexion l’évolution des rapports que nous, collectivités ultramarines, pouvons entretenir avec la métropole.
Cette relation se doit d’être apaisée, la place et les coutumes de chacun doivent y être respectées. Elle doit aussi être pérenne, pour lever le voile de l’incertitude et permettre à tous de se projeter vers un destin commun. Enfin, elle doit offrir à notre jeunesse les moyens de réussir à relever les nombreux défis qu’elle devra affronter.
Cette jeunesse nous écoute, que ce soit à Nouméa, à Koné, à Wé, mais aussi à Mata-Utu, à Saint-Denis, à Pointe-à-Pitre ou à Papeete. Elle porte nos espoirs, même dans des situations compliquées, comme quand elle doit venir étudier en métropole. Mais cette jeunesse n’abandonne pas : elle nous regarde avec insistance. Aujourd’hui, elle attend, comme tous les Calédoniens, que ses représentants et l’État soient clairs sur l’avenir que nous lui préparons. Pour cela, nous devons dire les choses.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement doit rassurer les Calédoniens et les Français. Les silences de cet horizon incertain poussent chacun dans ses derniers retranchements et creusent le lit d’une inquiétude et d’une colère dont on sait qu’elles seront à l’origine de tragiques événements. Il est de notre responsabilité de faire maintenir le dialogue entre les différentes composantes calédoniennes, afin que la dernière consultation aboutisse à un avenir radieux et prometteur pour l’ensemble des Calédoniens.
Malo, oleti, mauruuru : merci à vous !