Je pose la question à ceux qui appellent à ce que l’on s’engage pour que la Nouvelle-Calédonie reste dans la République : jusqu’où faut-il adapter le droit et le modèle républicain pour que la Nouvelle-Calédonie demeure française ?
Il s’agit là d’une question ouverte qui se pose au législateur, qu’il s’agisse du Sénat ou de l’Assemblée nationale, et au Gouvernement. Pierre Frogier l’a d’ailleurs souvent posée en Nouvelle-Calédonie, dans les assemblées locales.
On ne peut se contenter d’affirmer que la Nouvelle-Calédonie doit rester française. La belle affaire ! Jusqu’à quel point adapter les choses pour qu’il en soit ainsi ?
On parle de séparatisme, mais la double citoyenneté, le gel du corps électoral et la discrimination sont aujourd’hui reconnus par notre bloc de constitutionnalité. La discrimination à l’embauche est effective ; or cela est souvent méconnu. Mesdames, messieurs les sénateurs, cela tranche avec d’autres débats plus récents que vous avez pu avoir dans cet hémicycle…
Nous ne ferons pas l’économie de ce double débat, et le législateur français n’y échappera pas. Dans cette Océanie compliquée, je le répète, il ne faudra pas venir avec des idées simples.
Depuis que je me suis investi dans ce dossier en tant que ministre des outre-mer, j’ai le sentiment qu’il ne faut pas enfermer la Nouvelle-Calédonie dans son passé. Cela ne signifie pas qu’il faut oublier ou refuser tout travail de mémoire – Gérard Poadja a commencé son intervention avec des mots très forts –, mais je me méfie beaucoup de ceux qui agitent le spectre des années 1980 comme un programme. La réalité est tout autre et l’histoire beaucoup plus riche et plus complexe.
Pour avoir passé trois semaines avec vous, messieurs les sénateurs néo-calédoniens, je peux témoigner que la Nouvelle-Calédonie a changé depuis mon premier déplacement dans ce territoire voilà quelques années.
La Nouvelle-Calédonie est-elle dans la même situation qu’en 1988 ou 1998 ? La réponse est non. Le cours du nickel, promesse essentielle d’un certain développement, est-il aujourd’hui le même qu’à l’époque ? La réponse est encore non. Dans l’Indopacifique, le grand voisin chinois a bouleversé l’organisation géographique de l’Océanie, c’est une évidence. Et que dire du réchauffement climatique ?
Tous ces sujets font que le dossier calédonien n’est plus tout à fait celui de 1988 ou de 1998 : ce n’est ni le même contexte ni la même ambiance.
Quand on apprend par la presse que des coutumiers bloquent une réunion politique du FLNKS, il faut méconnaître le dossier pour ne pas comprendre que la coutume et les coutumiers, autorité reconnue dans la République, ont aujourd’hui une place et une envergure différentes – je le dis de manière prudente. Ne considérons donc pas le dossier calédonien en regardant uniquement dans le rétroviseur.
Si je devais allonger la liste des conditions pour réussir tous ensemble et répondre aux enjeux de la Nouvelle-Calédonie, je préciserais qu’il nous faut partager les contraintes et en appréhender les contours : tout change, beaucoup et très vite.
J’ai été nommé ministre des outre-mer au mois de juillet dernier, et il me revient de vous rendre compte de ce que nous avons fait depuis cette date ; cela me permettra de répondre aux différentes interventions. Les deux sénateurs de Nouvelle-Calédonie ont déjà eu l’occasion de me faire passer un examen de contrôle sur place, si j’ose dire…
Il a fallu organiser convenablement le deuxième référendum. M. Sueur a eu raison de rappeler qu’un accord a été conclu, dont l’État est signataire et sur lequel il doit tenir sa parole.