ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises (PME). - Madame la présidente, Madame la vice-présidente, Mesdames et messieurs les sénateurs, Madame la présidente Marie Eloy, Mesdames, tout d'abord, je vous remercie de votre invitation. Je suis heureux d'être physiquement présent parmi vous, tout en respectant les consignes sanitaires aujourd'hui obligatoires. Intervenir devant votre délégation est un moment important. En effet, j'ai abordé la question de l'entreprenariat au féminin à plusieurs reprises depuis le mois de juillet 2020. Au moins quatre réunions ont eu lieu avec Marie Eloy sur ce thème. L'entreprenariat au féminin est un véritable enjeu, qui n'a pas toujours été abordé dans tous ses aspects. Lors de son élection, le Président de la République a très vite considéré que la France devait prendre un engagement à ce sujet. J'essaie donc d'établir un constat de la réalité et de comprendre comment nous pouvons améliorer la situation.
Vous avez souhaité concentrer votre table ronde sur l'entreprenariat au féminin dans le monde rural. Les difficultés y sont sans aucun doute encore plus fortes que dans les villes. Il est important de vous écouter et de trouver des solutions nous permettant d'avancer de façon significative.
Ces difficultés se manifestent dès l'éducation, en particulier au collège et au lycée. L'entreprenariat n'y est pas toujours abordé, encore moins du point de vue des jeunes filles. Ce travail devra sans aucun doute être mené sur le long terme, afin qu'il devienne un sujet d'étude et que la création d'entreprise constitue un véritable débouché pour les jeunes femmes. Utiliser les compétences de ces jeunes femmes pour créer des entreprises est une chance que la France n'a, pour le moment, pas suffisamment saisie.
À une échelle globale et plus particulièrement dans les territoires ruraux, se perpétue une certaine mentalité selon laquelle la création d'entreprise ne constituerait pas une bonne solution, et encore moins pour les jeunes femmes. Contrecarrer cette idée reçue nécessitera un travail de très long terme de notre part.
Nous sommes prêts à travailler sur quelques pistes.
Madame la présidente, vous avez évoqué les CCI. Pendant de nombreuses années, j'ai dirigé les Chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) de France. Au sein de ce réseau, des décisions ont permis aux femmes d'être officiellement représentées parmi les élus, avec un nombre obligatoire d'élues inscrit dans les textes. De la même façon, je ne suis pas opposé à ce que nous forcions le destin lorsque les femmes ne sont pas assez représentées dans les instances dirigeantes. Le progrès réalisé dans les chambres de métiers et de l'artisanat peut ainsi être reproduit dans les chambres de commerce et d'industrie.
En outre, une volonté collective d'information me semble nécessaire. Une information générale sur l'entreprenariat doit être diffusée, quel que soit le niveau du cursus scolaire.
Nous devons également travailler avec les collectivités locales. En effet, depuis la loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), les régions et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) jouent un rôle éminent sur le plan économique. Pourtant, les actions tournées vers l'entreprenariat au féminin sont très rares dans les programmes économiques des régions et des EPCI. Pour ma part, je ne vois que des avantages à mettre ce sujet au coeur des discussions entre l'État et les régions ou au sein des contrats de plan et à en faire une priorité au niveau local.
Le milieu rural connaît quelquefois un chômage plus important que les grandes métropoles. Pour autant, la création d'entreprise n'est pas toujours une piste envisagée, encore moins pour les femmes. Dès lors, nous pourrions trouver collectivement un intérêt à déterminer comment, dans ce domaine, nous pourrions orienter, sensibiliser et accompagner.
J'évoque l'accompagnement car la création d'entreprise demeure un véritable enjeu pour tous. Créer une entreprise relève toujours d'une démarche particulière, associée à un engagement et à une prise de risques. Je suis absolument favorable à la mise en place d'un accompagnement à la création d'entreprise. Tout d'abord, une information préalable doit permettre à chacun de connaître les engagements associés à cette démarche. Ensuite, la mise en place d'un accompagnement me paraît particulièrement justifiée tant on sait combien les trois premières années d'existence d'une entreprise sont importantes et décisives.
En 2009, le régime de l'autoentreprise a été créé. Ce régime a été « vendu » comme un statut alors qu'il n'en est pas un. Je rappelle que ceux ou celles qui créent une autoentreprise sont en réalité sous le statut d'entrepreneur individuel, avec toutes les conséquences qui y sont associées. Par conséquent, disposer d'une information solide en la matière relève de l'intérêt collectif.
Le Président de la République m'a demandé de préparer un plan pour les indépendants. Je suis totalement disposé à étudier de quelle manière nous pouvons intégrer un certain nombre de mesures afin d'améliorer la situation des femmes en particulier.
Dans mes fonctions précédentes, j'ai beaucoup travaillé sur la question des conjoints collaborateurs. Les femmes jouent souvent un rôle tout à fait déterminant dans les entreprises, en les créant elles-mêmes ou en participant à leur création avec leur conjoint. Depuis 1982, dans le secteur de l'artisanat, des mesures concourent à offrir aux femmes une vraie place, reconnue juridiquement et socialement, en particulier s'agissant de leurs droits à la retraite et à la formation.
Des progrès ont été réalisés dans ce domaine. Ainsi, la loi PACTE impose que toutes les femmes qui travaillent en tant que conjoints collaborateurs disposent désormais d'un véritable statut. Néanmoins, des progrès restent à accomplir. Dans le cadre de ce plan qui porte sur les indépendants, je proposerai au Président de la République et au Premier ministre un certain nombre de mesures, afin de régler de façon définitive cette question récurrente des droits à la retraite et à la formation des conjoints collaborateurs. Nous devons en effet trouver des solutions définitives.
Ce sujet ne peut pas être réglé si nous n'en avons pas une bonne connaissance. Je suis tout à fait favorable à la publication de statistiques genrées, régulièrement actualisées, qui permettraient de mesurer les progrès réalisés et d'identifier les points sur lesquels il convient de travailler davantage. Si vous considérez qu'il s'agit d'un élément important, je suis favorable à des outils fléchés pour les femmes, en particulier concernant les financements affectés à la création d'entreprises ou à leur reprise. J'ai déjà évoqué la création d'un fonds dédié à l'entreprenariat au féminin avec la banque publique d'investissement (Bpifrance). Un tel fonds permettrait de remédier aux difficultés de financement rencontrées par les femmes lors de la création d'entreprise. Notons qu'il existe déjà un grand nombre d'initiatives au sein de Bpifrance sur ce sujet.
Madame la présidente, vous avez indiqué que nous devons encore progresser. Nous y parviendrons. Disposer de beaucoup d'argent pour créer une entreprise n'est pas toujours un pré-requis. Néanmoins, il est absolument indispensable qu'un financement soit octroyé lorsque cela est nécessaire.
De nombreux enjeux sont déjà relativement bien identifiés et nombre d'entre eux sont communs à tous les territoires. Votre table ronde se concentre aujourd'hui sur les territoires ruraux. Je me tiens à votre disposition pour envisager, si nécessaire, au-delà de ce que nous souhaitons réaliser sur la totalité du territoire national, une ou des actions spécifiques aux territoires ruraux. Je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous afin de vous écouter et de déterminer comment nous pourrions prendre les mesures qui nous permettront collectivement de progresser sur ce sujet d'une grande importance.