Intervention de Martine Berthet

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 25 mars 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur l'entreprenariat des femmes dans les territoires ruraux

Photo de Martine BerthetMartine Berthet, vice-présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises :

Monsieur le ministre, Madame la présidente, chers collègues, Mesdames, si je me sens directement concernée, et à plusieurs titres, par le thème de cette table ronde, c'est tout d'abord parce que j'ai moi-même été cheffe d'entreprise en Savoie. En effet, j'y ai dirigé une pharmacie et je suis toujours membre de la délégation Femmes Chefs d'Entreprises (FCE) Pays de Savoie. Ensuite, en tant qu'élue locale, maire puis sénatrice de ce département, j'ai pu mesurer le dynamisme des femmes qui s'investissent dans le tissu économique local mais aussi les difficultés auxquelles elles sont souvent confrontées.

En 2018, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) - devenu depuis l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) - avait piloté une étude relative aux « freins et leviers pour l'accès à l'emploi des femmes dans les territoires ruraux ». Cette étude a démontré que si les freins directs (formation, métiers, secteurs d'activité, marché de l'emploi) et les freins indirects (conditions de travail, situation familiale, modes de garde, mobilité, etc.) à l'accès à l'emploi des femmes ne sont pas spécifiques aux territoires peu denses et isolés, leur caractère rural les amplifie. Néanmoins, l'étude a également mis en valeur de remarquables initiatives dans les territoires ainsi que les leviers pour favoriser l'emploi et l'entreprenariat des femmes dans les zones rurales.

Où en sommes-nous en 2021 ?

J'observe qu'en milieu rural, les femmes osent de plus en plus entreprendre. On parle souvent de leur implication dans les entreprises agricoles. Cette implication existe également dans d'autres secteurs.

Au cours des travaux conduits avec la délégation sénatoriale aux entreprises du Sénat, dont je suis vice-présidente, nous avons souvent l'occasion d'échanger avec des chefs d'entreprise, lors de nos déplacements dans les territoires ou en visioconférence pendant cette crise sanitaire.

Notre collègue Annick Billon peut en témoigner. En 2020, dans le cadre de notre mission sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), nous avons été impressionnés par le fort engagement des femmes entrepreneures dans ce domaine. Qu'elles créent de toutes pièces une société ou reprennent une entreprise familiale, leur énergie et leur succès sont très encourageants.

Encore récemment, à l'occasion de la mission que nous conduisons sur les nouveaux modes de travail et de management, une cheffe d'entreprise du Finistère a expliqué comment elle avait réussi à développer son entreprise en secteur rural, en créant une école de formation interne et en appliquant une méthode de management coopératif.

Je suis persuadée que les nouvelles technologies ainsi que la numérisation croissante des territoires ruraux et des petites et moyennes entreprises offrent de nouvelles opportunités, dont les femmes savent se saisir.

L'évolution du cadre législatif va également dans le bon sens. Je pense en particulier à la loi du 4 août 2014 relative à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Néanmoins, il est nécessaire que les mesures se concrétisent réellement sur le terrain. Je pense aussi au plan national en faveur de l'entreprenariat des femmes et aux plans d'actions régionaux pour la création d'entreprises par les femmes. Ces plans ont couvert la période 2018-2020. Cependant, quels en sont les résultats concrets ?

Je suis plutôt optimiste pour l'avenir et l'entreprenariat des femmes en milieu rural.

Il reste néanmoins encore beaucoup de progrès à réaliser, notamment en matière d'orientation scolaire, et pour lutter contre les préjugés et l'autocensure des filles à l'égard de nombreux métiers.

Certaines femmes cheffes d'entreprise témoignent par ailleurs de préjugés défavorables des financeurs à leur égard. Faire évoluer l'image de la gestion du « bon père de famille » est difficile. Nous savons bien que les femmes doivent parfois redoubler d'efforts pour convaincre de leur crédibilité.

Par ailleurs, de nombreuses femmes créent leur propre emploi à travers le statut d'autoentrepreneur ou un autre statut d'indépendant, bien moins protégés que d'autres, comme la crise l'a montré. L'entreprenariat peut malheureusement être synonyme de précarisation. La délégation aux entreprises attend le plan que vous proposerez, Monsieur le ministre, sur le statut des travailleurs indépendants et leurs conditions d'exercice.

Il faut également continuer à faciliter l'articulation entre vie personnelle et professionnelle, particulièrement difficile pour les femmes cheffes d'entreprise dont le niveau de stress est préoccupant. Les récentes études sur le télétravail ont bien montré qu'il restait beaucoup de chemin à parcourir pour obtenir un partage plus égal des tâches domestiques. Nous touchons là à des sujets de société qui limitent nécessairement le développement de l'entreprenariat féminin.

Si certains sujets sont particulièrement prégnants en milieu rural, d'autres concernent tous les territoires. Je me réjouis donc de participer à cette table ronde, qui pourrait trouver à se prolonger d'ici l'été avec un nouvel échange entre nos deux délégations sénatoriales sur le thème plus large de l'entreprise au féminin.

Je vous remercie.

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