Intervention de Marie-Christine Farges

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 25 mars 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur l'entreprenariat des femmes dans les territoires ruraux

Marie-Christine Farges, élue de la Chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze, gérante de la Minoterie Farges à Bar :

Monsieur le ministre, Madame la présidente, Mesdames, Messieurs, mon parcours est un peu particulier. Je suis gérante d'une entreprise familiale créée par mon grand-père avant d'être reprise par mon père. J'ai toujours affirmé, dès mon enfance, que je serai un jour à la tête de cette entreprise car cette activité me plaît beaucoup.

La minoterie est située à Bar, petite commune du centre de la Corrèze. Vous n'ignorez pas qu'un ancien Président de la République a mis le département de la Corrèze en lumière. Nous faisons partie de la région Nouvelle-Aquitaine.

Je suis aujourd'hui à la tête d'une entreprise de six salariés, dans un secteur d'activité très masculin puisque les meuniers sont généralement des hommes. En plus de la fabrication de farines, nous sommes fabricants d'aliments pour le bétail. Nous travaillons largement avec les acteurs du monde agricole. Or dans l'agriculture, les chefs des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) sont souvent des hommes. Mon secteur d'activité est donc très masculin.

J'ai cependant eu la chance d'être toujours encouragée dans ma démarche au sein de la famille. Je n'ai jamais été freinée dans mon souhait de reprendre les rênes de l'entreprise. Il est important que mon père m'ait laissée un jour devenir dirigeante. Dans les entreprises familiales, les parents, et souvent le père, arrêtent leur activité tardivement car ils ont le sentiment que leur fille a besoin d'être épaulée. Dans mon cas, j'ai eu la chance que cette transition se passe bien.

Depuis 2015, je suis élue de la CCI de la Corrèze, où nous sommes dix femmes sur trente-six élus. En Corrèze, nous avons la chance que la CCI soit présidée par une femme, Mme Françoise Cayre. Il s'agit de la première présidente depuis quarante ans, ce qui prouve que les mentalités évoluent. Mme Cayre est également première vice-présidente de la CCI de Nouvelle-Aquitaine.

Des actions ont tout de même été menées dans les CCI. À ce niveau, il existe un service consacré à la création d'entreprise. Le traitement y est le même, que ce soit une femme ou un homme qui appelle pour obtenir des renseignements. Les femmes sont accueillies de la même manière que les hommes.

Nous constatons que les femmes rencontrent davantage de difficultés à accéder au poste de cheffe d'entreprise car elles sont moins nombreuses à demander des renseignements en ce sens. Les femmes restent encore dans leur statut de salariée et peinent à accéder à cette fonction de dirigeante d'entreprise. Seules 32 % des personnes demandant des renseignements à la CCI de la Corrèze sont des femmes. Parmi elles, seules 20 % concrétisent leur projet. Ce chiffre prouve qu'il existe encore des freins, à mon sens davantage familiaux que financiers.

Souvent, les femmes installent leur activité professionnelle en Corrèze en fonction de leur première formation ou de leur premier métier, plutôt liés au commerce, à la santé, aux services à la personne ou à la restauration. Nous sommes dans un secteur très rural, où il existe peu d'industries de très grande taille. Lorsque les femmes s'installent dans notre département, c'est la plupart du temps dans des commerces qui présentent une dimension féminine. Peu de femmes accèdent à de hauts postes et à des postes de dirigeantes dans l'industrie. Il est regrettable qu'au contraire, les femmes soient encore aujourd'hui reléguées à des postes subalternes. Elles travaillent souvent dans des petites entreprises qui emploient peu de salariés. Il est regrettable que nous ne trouvions pas de femmes à la tête des très grandes entreprises.

En 2013, la CCI de la Corrèze a décidé de créer l'association Correz'Elles, à laquelle peuvent adhérer les dirigeantes d'entreprise qui le souhaitent. Elles se réunissent souvent dans ce cadre pour parler de leurs problématiques, presque toutes communes. Ce réseau leur permet également d'échanger et de gérer leurs difficultés ensemble, car elles se comprennent. La création de ce club me semble très importante. Elle permet de beaux échanges.

Malheureusement, certains clichés ont toujours la peau dure. À l'école, les garçons sont davantage formés que les filles à être chef d'entreprise. Le cliché veut qu'une fille est censée rester à la maison afin de s'occuper de la famille et du foyer. Ce désir d'entreprendre et de devenir cheffe d'entreprise ne lui est pas transmis.

De nombreuses femmes accèdent aujourd'hui à des postes traditionnellement occupés par des hommes, mais ils se situent au bas de l'échelle. Elles ne parviennent pas à gravir les échelons dans les grandes entreprises jusqu'à en devenir les dirigeantes. Cette possibilité ne leur est pas laissée, ce que je déplore.

Les CCI ont peut-être un rôle à jouer dans les écoles et les centres de formation. Nous pourrions éventuellement partager nos expériences avec des jeunes pour leur transmettre une belle vision de l'entreprenariat au féminin. Les femmes, comme les hommes, disposent des ressources et des qualités pour diriger une entreprise.

Néanmoins, je pense que les femmes peuvent moins aisément se détacher de leur foyer, peut-être plus particulièrement dans les territoires ruraux. Si elles exercent un grand nombre de responsabilités dans leur entreprise, il leur est plus difficile de bien gérer l'articulation de leurs vies professionnelle et familiale. Les femmes concernées devraient être plus largement aidées et disposer de davantage de moyens (humains, financiers) afin qu'elles puissent à la maison passer le relais à une personne de confiance. La présence des hommes à la maison est limitée puisqu'ils travaillent également. Si nous voulons obtenir la parité, ces femmes cheffes d'entreprise devraient être davantage aidées dans les territoires ruraux. Si ces femmes se sentaient moins coupables, elles pourraient s'investir davantage et plus facilement.

Je reste à votre disposition pour toutes les questions.

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