Intervention de Olivier Dussopt

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 avril 2021 à 18h50
Programme de stabilité — Audition de M. Olivier duSsopt ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance chargé des comptes publics

Olivier Dussopt, ministre délégué :

Quelques mots d'abord pour vous remercier d'avoir pu organiser cette audition en commission, dans un format élargi. Il s'agit d'une double occasion, même si l'essentiel de nos échanges a vocation à porter sur le programme de stabilité, car ce matin, en Conseil des ministres, nous avons aussi présenté le projet de loi de règlement quinze jours plus tôt que l'année dernière et quinze jours plus tôt que ce qui se pratiquait traditionnellement. C'est une volonté que nous avions annoncée de faire coïncider en Conseil des ministres le passage du programme de stabilité et du projet de loi de règlement pour que, au-delà des dates d'examen de ce second texte, le Parlement puisse être saisi à la fois de l'état constaté des comptes l'année précédente et des prévisions pour les années à venir, permettant ainsi d'avoir un débat plus riche et éclairé par le résultat d'un exercice récent.

Ce projet de loi de règlement marque et vient constater la conséquence des réponses que nous avons apportées à la crise sanitaire sur le plan des finances publiques, singulièrement sur le plan des finances de l'État, avec un déficit budgétaire qui passe de 93 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) 2020 à 178 milliards d'euros en résultat constaté. La dégradation est moindre que celle que nous avions imaginée puisque nous craignions un déficit budgétaire de 223 milliards d'euros. Si le déficit est moindre de 45 milliards d'euros, il n'en demeure pas moins tout à fait historique et abyssal.

Cet écart par rapport à la prévision s'explique à la fois par une diminution des recettes fiscales perçues par l'État à hauteur de 37,1 milliards d'euros et par 44,1 milliards d'euros de dépenses supplémentaires par rapport à la LFI 2020, pour l'essentiel, portées par la mission d'urgence et pour une part portées par les budgets dits « ordinaires » de l'État, même si ces dépenses supplémentaires par rapport à la norme sont, pour l'immense majorité d'entre elles, justifiées par la crise. Je pense, par exemple, à l'évolution à la hausse des aides au logement du fait de la dégradation de la situation de certains ménages. Je pense au versement de 2,1 milliards d'euros de primes aux ménages les plus défavorisés avant l'été et lors du mois de novembre, ou encore à l'achat de masques et de matériels de protection pour 800 millions d'euros. Je pourrais détailler davantage ces dépenses si vous le souhaitez.

Cet écart se justifie donc essentiellement par des mesures prises au titre de la réponse à la crise avec, en particulier, 17,8 milliards d'euros de dépenses liées à l'activité partielle, 11,8 milliards d'euros pour le fonds de solidarité, 3,9 milliards d'euros pour les exonérations de cotisations compensées à la sécurité sociale et 8,3 milliards d'euros pour le compte spécial dédié aux participations de l'État, afin d'effectuer des interventions en capital ou des prêts de long terme à des entreprises considérées comme stratégiques, comme Air France, la SNCF et EDF.

Ce déficit budgétaire dégradé explique en grande partie l'évolution du déficit public dont les chiffres ont été rendus publics par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Le déficit public est passé de 2,2 % du PIB dans la prévision de la loi de finances pour 2021 à 9,2 % du PIB, à la fois sous l'effet de la dégradation de la situation budgétaire de l'État et sous l'effet de la dégradation des comptes de la sécurité sociale, dont le déficit a atteint 38,6 milliards d'euros. C'est dans ce contexte que nous avons construit le programme de stabilité.

Plusieurs convictions expliquent le programme que nous vous présentons. La première conviction est qu'un des enjeux majeurs, en termes de redressement des finances publiques, est de pouvoir maîtriser le poids de la dette par rapport au produit intérieur brut. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes fixé comme horizon le retour à un niveau de déficit proche de 3 %, non pas par fétichisme ou par pure référence à un indicateur communautaire d'ailleurs suspendu par la Commission européenne, mais parce que nous savons que, dans les conditions de croissance et d'inflation que nous prévoyons, c'est le point d'inflexion qui permet de diminuer le poids de la dette par rapport au PIB.

Nous avons donc fait le choix de vous proposer une trajectoire de retour à ce niveau de déficit, avec un point d'arrivée en 2027. Nous avons considéré que l'hypothèse parfois présentée d'un retour aux alentours de 3 % en 2025 n'était pas suffisamment réaliste et aurait exigé des efforts trop importants. Nous avons aussi considéré que l'hypothèse d'un retour à 3 % en 2030 était trop lointaine, avec un risque de décrochage de notre pays en termes d'équilibre des comptes publics par rapport à nos partenaires européens et un risque sur l'évolution des taux. Notre pays y aurait également perdu en crédibilité.

Pour atteindre cet objectif de 3 % de déficit en 2027, la dépense publique en volume devra être limitée dans son augmentation à 0,7 % par an. Cet effort important mérite d'être comparé. L'évolution de la dépense en volume se situe en moyenne à 0,6 % ou à 0,7 % sur les années 2018-2019. Nous avons connu collectivement une évolution de la dépense en volume autour de 1 % entre 2012 et 2017. Entre 2007 et 2012, elle se situait à 1,2 % et à 2,1 % de 2002 à 2007. C'est donc un effort qui devra être consenti, non pour diminuer la dépense publique, mais pour faire en sorte qu'elle augmente moins vite que la croissance et reste limitée à 0,7 % en volume.

Au-delà de la perspective d'un retour autour de 3 % du PIB en 2027, cette trajectoire, présente à nos yeux d'autres avantages. Premièrement, avec cette trajectoire, nous retrouvons à horizon de 2026-2027 un poids de la dépense publique à peu près comparable à celui que nous avions atteint en 2019, c'est-à-dire 53,8 % du PIB, en baisse d'un point et demi par rapport au début du quinquennat. Nous retrouvons aussi un niveau de prélèvements obligatoires par rapport au PIB autour 43,7 % ou de 43,8 %, taux que nous avions atteint également en 2019, avec une baisse d'un peu plus d'un point du poids des prélèvements obligatoires par rapport au PIB lors des trois premières années du quinquennat. C'est aussi cette trajectoire qui nous permet de stabiliser la dette autour de 117 % ou de 118 % du PIB jusqu'en 2026-2027, avant de connaître une inflexion légère certes, mais une diminution tout de même, du poids de la dette par rapport au PIB.

Je précise, par ailleurs, que lorsque nous disons qu'il nous faudra limiter la progression de la dépense publique à 0,7 % par an, c'est évidemment hors dépenses de soutien et de relance puisque nous raisonnons sur le périmètre des dépenses que je qualifie parfois d'ordinaires. Même si ce terme n'a pas de portée juridique, il s'agit simplement de les isoler par rapport aux missions d'urgence et de relance, que le Parlement a créées à l'occasion de l'adoption des projets de loi de finances rectificatives (PLFR).

La trajectoire que nous vous proposons s'appuie sur un certain nombre d'hypothèses. Certaines relèvent de choix politiques, d'autres sont des hypothèses conventionnelles.

Parmi les choix politiques que nous avons retenus, il n'y a pas d'augmentation des prélèvements obligatoires, ainsi que nous l'avons toujours affirmé depuis le début de cette crise. Nous avons même intégré la poursuite de la diminution de certains prélèvements jusqu'à fin 2023, comme nous nous y étions engagés.

Les hypothèses plus conventionnelles concernent le taux d'inflation, le taux de croissance et les taux d'intérêt. Sur la question du taux de croissance, nous prévoyons une hausse du PIB à hauteur de 5 % en 2021, c'est-à-dire légèrement à la baisse par rapport à nos hypothèses en 2021. Nous prévoyions 6 %, mais la prise en compte des contraintes sanitaires que nous connaissons nous a conduits à ramener ce taux à 5 % en 2021, à 4 % en 2022 et à prévoir ensuite un retour progressif autour de 1,4 %, soit un niveau très légèrement supérieur à l'hypothèse de croissance classique - il y a là les effets à la fois de la reprise et du plan de relance.

Pour ce qui concerne les taux d'intérêt, nous sommes assez convaincus de l'hypothèse de leur stabilité relative, même si des tensions inflationnistes sont apparues. Cependant, nous avons retenu un retour à des taux positifs conduisant à intégrer à horizon 2027 une augmentation du poids de la charge de la dette de 0,5 point, qui passerait de 1,3 % à 1,8 % du PIB. La volatilité des taux nous oblige à cette prudence.

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