Monsieur le président Raynal, je n'ai pas répondu à votre interpellation sur le programme national de résilience évoqué dans votre propos liminaire. Le Gouvernement, qui doit transmettre ce programme normalement avant la fin du mois d'avril, est évidemment à la disposition du Parlement pour l'évoquer. De la même manière, nous transmettrons à la toute fin du mois d'avril le programme de stabilité, c'est-à-dire dans les quinze jours précédant sa communication à la Commission européenne, afin d'assurer l'information du Parlement.
Pour ce qui concerne les trois questions posées par le rapporteur général de la commission des finances, nous avons proposé au Parlement, qui l'a voté, d'aller plus loin en matière de cantonnement de la dette sociale avec le texte organique adopté l'été dernier, qui a prévu de transférer à la Cades, comme cela a été dit, les déficits constatés en 2020, mais aussi jusqu'en 2023 par la sécurité sociale.
Nous proposons avec Bruno Le Maire que, pour ce qui concerne la dette de l'État liée à la crise du Covid - autour de 140 milliards d'euros -, nous puissions procéder un peu différemment. Nous disposons d'un outil, la Caisse de la dette publique (CDP), qui, contrairement à la Cades, ne nécessite pas de manière organique le fléchage d'une ressource pérenne et récurrente pour assurer le financement de l'amortissement de la dette qui lui est confiée. Ce fléchage de ressources peut être l'objet d'une subvention annuelle votée en loi de finances. Nous proposons que la dynamique des recettes fiscales liées à la croissance, et donc à la reprise, soit mobilisée pour subventionner la Caisse de la dette publique, et participe ainsi à un cantonnement qui ne serait pas identique à celui de la dette Covid. Pour reprendre les termes que vous avez évoqués, monsieur le rapporteur général, il s'agit plutôt d'une forme d'isolement, mais avec la lisibilité que nous recherchons et la possibilité de flécher des ressources spécifiques afin d'amortir cette dette.
Nous avons fait le choix de retenir une trajectoire de retour du déficit autour de 3 % du PIB. D'ailleurs, nous entendons parfois parler de retour à l'équilibre : il n'en est rien, c'est un retour à un déficit de 3 % du PIB à horizon de 2027. Certes, c'est un retour rapide, mais il nous semble que c'est la bonne temporalité : 2025 aurait été trop rapide et 2030 trop lointain.
En revanche, monsieur le rapporteur général, je suis en désaccord avec vous sur le quantum d'économies en tendance à réaliser pour atteindre cet objectif. Vous avez cité le chiffre d'une soixantaine de milliards d'euros, il nous semble que nous sommes plutôt entre 40 et 45 milliards d'euros. Nous aurons l'occasion de documenter un certain nombre de réformes structurelles, notamment lors des prochaines loi de finances et loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, dont nous avons dit que l'examen serait inopportun avant la fin du quinquennat, considérant que ce serait prendre des engagements trop tardivement par rapport à l'échéance présidentielle.
Je ne reviens pas sur celles qui sont le plus souvent évoquées, mais il existe d'autres réformes, parfois plus techniques, qui permettent aussi de dégager un certain nombre d'économies. Nous travaillons actuellement à la réorganisation et à la rénovation du plan des achats de l'État, avec un objectif d'économies sur trois ans situé entre 800 millions d'euros et 1 milliard d'euros. C'est une réforme beaucoup plus discrète que la réforme des retraites, souvent citée, mais elle génère aussi des économies que nous allons pouvoir mobiliser.
Il n'est pas prévu à l'occasion du programme de stabilité de tracer un programme d'investissement, y compris vers la décarbonation et le verdissement. J'ai pris connaissance comme vous, monsieur le rapporteur, de l'étude à laquelle vous avez fait référence et qui interpelle. Un certain nombre de réponses peuvent être trouvées via le budget vert et les moyens consacrés à la transition écologique. Mais le programme de stabilité, tel que nous devons le présenter, n'a pas vocation à intégrer de telles trajectoires d'investissement. J'ajoute que les programmations pluriannuelles ont aussi le défaut de la rigidification, laquelle est assez peu compatible avec la recherche de marges de manoeuvre pour atteindre des objectifs, notamment en matière de désendettement.
Pour répondre au rapporteur général de la commission des affaires sociales, nous considérons que l'objectif qui a été fixé lors de la loi organique d'apurement de la dette confiée à la Cades est tenable. Et ce d'autant plus que, finalement, le déficit constaté de la sécurité sociale pour le régime général et la branche vieillesse s'est certes élevé à un niveau important, voire historique, de 38,6 milliards d'euros, mais moindre de 10 milliards d'euros à ce que nous craignions lors de l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Ce moindre déficit - je le dis avec précaution dans la mesure où il s'agit d'un déficit historique - nous encourage plutôt à considérer comme tenable l'objectif que nous avons fixé.
Un certain nombre de dépenses sont d'ores et déjà intégrées. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales a parlé du Ségur à juste titre. Tout cela est évidemment pris en compte dans le socle auquel s'appliquera ensuite la règle des 0,7 % en volume. Il n'est pas prévu, à ce stade, c'est l'objet de débats assez récurrents entre les membres de la commission des affaires sociales du Sénat et le Gouvernement, de déposer un projet de loi de finances rectificative pour la sécurité sociale. Nous considérons que la norme telle qu'elle existe aujourd'hui permet au Gouvernement d'abonder, de manière parfois importante, comme cela a été décidé en 2020, le PLFSS et les ressources de la sécurité sociale, sans nécessairement soumettre cet abondement au Parlement.
Je souscris, cependant, à l'idée générale exposée par le rapporteur général de la commission des affaires sociales et je pense que les propositions de loi organique qui seront prochainement examinées permettront d'apporter des réponses, voire peut-être d'instaurer une forme d'obligation. À ce stade, permettez-moi, monsieur le rapporteur général, de ne pas me prononcer spécifiquement sur la PPL organique que vous avez déposée. Non seulement je ne l'ai pas suffisamment étudiée, mais je sais aussi qu'un certain nombre de députés, autour du rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, déposeront aussi des propositions sur ce sujet ; il m'incombera alors de me positionner pour le Gouvernement.
En ce qui concerne l'augmentation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) au cours de l'année 2021, je souscris évidemment à vos propos. L'augmentation prévue de 13,4 milliards d'euros, soit un écart de 9 milliards d'euros par rapport à la norme, s'explique par un coût plus important de la campagne de vaccination que ce que nous avions imaginé en PLFSS. Je rappelle que nous avons inscrit 1,5 milliard d'euros pour la campagne de vaccination à une époque où nous ne savions pas encore à quelle date seraient disponibles les vaccins, dans quelle quantité et à quel coût. Il s'agissait d'une provision et nous avions bien précisé alors que ces montants seraient certainement réévalués.
Par ailleurs, le fait que l'épidémie soit virulente plus longtemps que ce nous avions espéré entraîne aussi des surcoûts pour le système de santé, qui se traduisent par cette augmentation de l'Ondam.